Cotitularité ou transfert partiel

Cotitularité ou transfert partiel

– La réalisation par plusieurs maîtres d'ouvrage du permis de construire valant division. – Le sujet du transfert partiel du permis construire valant division est étroitement lié à la problématique tenant à ce qui caractérise un ensemble immobilier unique et les conditions de sa divisibilité. Il nous paraît indispensable, compte tenu de la complexité du sujet, d'aborder dès à présent sous le prisme du permis valant division les problématiques de transfert partiel et, de manière incidente, de péremption et de sécurisation de l'achèvement du permis de construire valant division.
Le sujet peut se poser en ces termes : dans quelle mesure et comment permettre qu'un permis valant division parcellaire (hors situation des maisons individuelles ; V. supra, n° ) puisse être mis en œuvre par plusieurs maîtres d'ouvrage ? Deux possibilités sont susceptibles d'être envisagées, le transfert partiel ou le permis conjoint (cotitularité).
– Possibilité d'un transfert partiel du permis de construire valant division parcellaire ? – Ignoré par le Code de l'urbanisme et d'origine purement prétorienne notamment par l'arrêt du 24 juillet 1987, Époux Rayrole , le régime du transfert de permis de construire procède du caractère réel de l'autorisation d'urbanisme dont l'utilisation pour transférer la totalité du permis de construire ne pose pas de difficulté autre que la problématique opérationnelle de purge de l'autorisation, exigée par les banques garantissant l'achèvement de l'ensemble immobilier. Plus délicate est la question du transfert partiel de l'autorisation à différents opérateurs.
S'il est désormais acquis que le transfert partiel est possible s'agissant de deux constructions distinctes, le principe de la divisibilité de l'opération est un prérequis. Le transfert partiel est en lui-même une exception au principe de l'unicité du permis de construire, selon lequel un ensemble indivisible doit faire l'objet d'un permis unique.
– L'indivisibilité du permis de construire valant division. – La divisibilité du permis valant division parcellaire se pose dans des termes distincts de la notion d'ensemble immobilier indivisible telle qu'elle résulte de la jurisprudence Ville de Grenoble relative aux ensembles immobiliers complexes. La divisibilité d'un ensemble immobilier ayant fait l'objet d'un permis de construire valant division parcellaire tient exclusivement à son organisation juridique (en l'absence de reconnaissance, aujourd'hui, du PCVD en volumes). Si l'indivisibilité physique est facilement appréhendable nonobstant l'organisation juridique choisie (bâtiments imbriqués voire construits sur un socle commun mais constituant des copropriétés et des volumes communs), l'indivisibilité fonctionnelle est plus facile à justifier. En effet même en présence de bâtiments autonomes, les accès, le volet paysager, ou environnemental, l'obligation de prévoir l'installation de panneaux photovoltaïques ou encore le respect des dispositions de la réglementation loi sur l'eau (IOTA), s'apprécient obligatoirement à l'échelle de l'ensemble du projet.
Or, il est patent que l'indivisibilité est consubstantielle au permis de construire valant division parcellaire dès lors que l'article R. 151-21, alinéa 3 du Code de l'urbanisme prévoit une appréciation des règles à l'échelle de l'unité foncière assiette de la demande, et que l'ensemble des prescriptions environnementales participent de la conformité et de la cohérence d'ensemble du projet.
Une fois affirmée et démontrée l'indivisibilité du permis de construire de l'article R. 431-24 du Code de l'urbanisme, il apparaît que nonobstant la position du Conseil d'État en matière d'unicité relative du permis de construire, l'éventuelle possibilité de transférer partiellement le permis de construire à plusieurs opérateurs révèle des difficultés encore plus prégnantes qu'en cas d'ensemble immobilier unique au sens de la jurisprudence Ville de Grenoble.
– La péremption de l'autorisation. – La question de la péremption d'une autorisation d'urbanisme résulte de l'article R. 424-17 du Code de l'urbanisme qui dispose que : « le permis de construire (…) est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans (…) [et si], passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ». Si, par principe, un permis de construire valant division est délivré, le point de départ de la péremption devrait courir à compter de sa délivrance. D'autre part, sauf situation d'interruption du chantier pendant plus d'une année, le fait que le permis de construire puisse faire l'objet de transferts partiels à différents opérateurs (bailleurs sociaux notamment) devrait être sans incidence sur la question de péremption du permis nonobstant la « naissance d'autorisations nouvelles ». Si la jurisprudence Bracco précitée semble tirer les conséquences de la divisibilité en reconnaissant un nouveau délai de péremption issu des transferts, nous soutenons, pour les raisons développées ci-dessus d'indivisibilité opérationnelle et juridique au sens du volet environnemental, que les transferts partiels ne devraient pas, appliqués au permis de construire valant division, emporter une dualité ou pluralité de délais de péremption. À supposer toutefois que la divisibilité de l'opération dût être constatée, nous considérons, contrairement au point de vue de certains auteurs, qu'un délai de péremption distinct ne saurait prospérer alors même que cela pourrait avoir pour effet de « geler » les règles applicables. Pour autant, et en l'absence de position ferme de la jurisprudence du Conseil d'État sur ce sujet, la pratique du transfert partiel doit selon nous être appréhendée avec circonspection.

Fractionnement du PCVD et régime de faveur : la grande inconnue ?

Si la question de la péremption du permis de construire en cas de transfert partiel interroge, qu'en est-il de l'application du régime de faveur de l'article 1594-0-G du Code général des impôts ? Nous savons qu'en application de cet article, l'acquéreur assujetti à la TVA d'un tènement immobilier destiné à recevoir des constructions est exonéré de taxe de publicité foncière et de droit d'enregistrement. Cette exonération est subordonnée à la justification de la réalisation des constructions dans un délai de quatre ans, les motifs d'une demande de prorogation, bien que possible, étant subordonnés à une analyse de l'administration et à une demande expresse du bénéficiaire suivant un formalisme particulier.

Dès lors qu'il est admis qu'un permis de construire valant division puisse faire l'objet de transferts partiels voire d'une cotitularité entre différents maîtres d'ouvrage, qu'en est-il du point de départ du délai de quatre ans visé par le texte fiscal ? Nous savons que si une cession de terrain intervient, le délai de construire est transmis rétroactivement au cessionnaire. Mais ce dernier pourrait, dans l'hypothèse d'un transfert partiel assorti à une cession du terrain, voir le délai pour construire sensiblement réduit.

Il conviendrait de pouvoir obtenir la confirmation que le délai de quatre ans, s'agissant de l'exécution d'un permis de construire valant division, puisse être pris par celui qui réalisera effectivement la construction.

– La réalisation des espaces communs. – Le sujet le plus sensible tient à la sécurisation de l'opération en vue de la conformité tant administrative que contractuelle. Ainsi que nous l'envisageons dans les paragraphes suivants, la question du traitement juridique des espaces communs est une caractéristique essentielle de ce type de permis, précisée à la fin de l'article R. 431-24 du Code de l'urbanisme. Si, comme nous le soutenons, un permis de construire valant division a intrinsèquement et par sa nature même une indivisibilité tenant à la réalisation, indépendamment du nombre de maîtres d'ouvrage, de l'ensemble des espaces communs et le cas échéant du traitement du volet environnemental du projet, force est de constater que le transfert partiel portant sur une seule partie du projet techniquement indépendante ne devrait pas avoir pour conséquence de risquer une défaillance dans la réalisation des espaces communs. Or, si l'on s'attache aux conséquences d'un transfert partiel telles qu'elles résultent des différentes juridictions, le transfert partiel n'interdit pas la conformité partielle, et la non-exécution de sa fraction de permis par l'un des bénéficiaires du transfert partiel n'est pas constitutive d'un fait répréhensible. En revanche, si le permis est qualifié d'indivisible, il apparaît certain que la totalité de la construction doit être entreprise et réalisée afin d'obtenir la conformité. La difficulté concernant les éléments et équipements communs tient à ce qu'en cas de permis valant division transféré partiellement, la garantie de l'achèvement des espaces est indispensable tant pour la conformité générale que pour la conformité contractuelle vis-à-vis des acquéreurs. Relevons ainsi, devant les incertitudes liées à la problématique du transfert partiel, que nonobstant les contraintes juridiques pour les opérateurs tenant à la défense de la thèse d'une cotitularité du permis valant division, force est de constater que seul le permis conjoint apparaît comme étant le gage d'une sécurité juridique suffisante.
– Favoriser la cotitularité du permis – ab initio ou par adjonction de pétitionnaire dans un modificatif. – Comme nous venons de nous employer à le démontrer, la cotitularité du permis de construire fait naître non pas des autorisations distinctes, mais une autorisation conjointe unique. D'aucuns pourraient opposer que le truchement du permis conjoint interdirait à chacun des maîtres d'ouvrage de justifier administrativement et contractuellement d'une conformité. Rappelons toutefois que la conformité par tranche est tout à fait possible et qu'il conviendra, dans l'hypothèse d'un permis conjoint devant être réalisé par plusieurs maîtres d'ouvrage, de procéder pour chaque construction et sur chaque tènement issu du permis de construire à une déclaration d'ouverture de chantier (DROC) pour une tranche de travaux. De surcroît, chacun des titulaires du permis deviendra ainsi coresponsable de la réalisation des travaux et équipements communs qui participent généralement de la conformité de l'ensemble immobilier, mais aussi et généralement de sa destination notamment au regard des prescriptions environnementales et paysagères. S'agissant de l'organisation de cette cotitularité, il sera possible, en cas de pétitionnaires multiples ou d'opération intégrant l'assiette de plusieurs unités foncières, de prévoir le nombre de titulaires dans le formulaire de demande. A contrario si le pétitionnaire initial entend céder l'un des tènements issus de la division parcellaire avec les droits à construire y attachés (hors maison individuelle selon notre position), il faudra déposer et obtenir un permis modificatif visant à reconnaître et intégrer comme nouveau cotitulaire du permis de construire l'acquéreur de la parcelle considérée. En tout état de cause, la réalisation d'un ensemble immobilier réalisé en cotitularité en exécution d'un permis de construire valant division supposera la régularisation d'une convention ad hoc visant à gérer les relations entre les différents titulaires de l'autorisation.
– L'indispensable convention entre les maîtres d'ouvrage. – L'autorisation d'urbanisme « est une décision administrative qui a pour objet d'autoriser certaines opérations dont il a été vérifié qu'elles s'accordaient avec certaines règles. Théoriquement les choses sont simples : le permis de construire autorise les constructions sur la base de règles d'urbanisme ». Cette relative simplicité dans la détermination de l'application de la règle a pour corollaire l'indifférence totale dont le droit de l'urbanisme fait montre à l'endroit du droit privé, et plus particulièrement de toutes conventions liant les pétitionnaires dans le cadre de l'exécution d'un permis de construire valant division. C'est bien la difficulté qui se présente au notaire et au(x) pétitionnaire(s) dans le cadre d'un permis de construire valant division demandé, délivré, voire réalisé à plusieurs en suite d'un transfert partiel comme en cas de permis conjoint. Sans envisager que le Code de l'urbanisme puisse évoluer en vue d'imposer comme pièce du permis de construire une convention de cotitularité dont les notaires pourraient à l'occasion du montage (et à l'instar de la PC33) se voir confier la responsabilité, il appartient au notaire de s'assurer de l'établissement d'une telle convention dont l'objet sera nécessairement large. Nous tenterons d'en dresser un état le plus exhaustif possible.
Outre la désignation d'un mandataire commun auquel sera dévolue la responsabilité de recueillir les sollicitations de l'administration et d'y répondre, tant au stade de l'instruction qu'au stade de la réalisation du projet, il conviendra de traiter dans la convention de cotitularité les sujets suivants, dans la mesure où par définition la régularisation de la convention de cotitularité doit être un préalable nécessaire au dépôt du permis de construire (étant ici précisé qu'elle ne se substitue pas à un éventuel pacte d'associé dont elle devra se distinguer en ne traitant que ce qui a trait au permis et son exécution) :
  • la question de la gestion de la production des éventuelles pièces complémentaires ;
  • le cas du refus du permis de construire : identifier les conséquences d'un refus et condition de majorité pour poursuivre l'opération et la gestion des relations avec l'administration et les conseils ;
  • la question de l'affichage et du contrôle de sa validité ;
  • les recours contre l'autorisation et notamment la gestion du recours gracieux puis éventuellement contentieux avec les majorités pour poursuivre l'opération (V. supra, situation du refus) ;
  • la réalisation de l'opération et les éventuels modificatifs : définition des invariants nécessitant l'accord de tous les pétitionnaires compte tenu, en cas de modification, de leur impact sur la destination de l'ensemble immobilier, sur la conformité générale et plus particulièrement sur le volet environnemental ;
  • la répartition des taxes et participations d'urbanisme ;
  • la réalisation des travaux communs voire de l'aménagement primaire ;
  • les pouvoirs pour constituer les servitudes et les raccordements généraux ;
  • l'établissement d'un compte prorata entre les opérateurs pour définir la prise en charge des réfections et les éventuelles levées de réserves au titre de la réalisation des espaces et équipements communs ;
  • les sanctions en cas d'infraction aux règles ;
  • la souscription d'une GFA pour les travaux d'aménagements et équipements communs et l'obligation pour chacun de souscrire une GFA pour l'achèvement de l'immeuble situé sur son lot.