– Détermination des seuils de montant de capital social variable. – On raisonnera ici sur l'hypothèse de capital minimum. On sait qu'aucune reprise d'apports ne pourra avoir pour effet de réduire le capital social à une somme inférieure au montant minimum autorisé. Si cette limite est atteinte, l'associé retrayant perd sa qualité d'associé à compter de la date d'effet de son retrait et deviendra un simple créancier de la société pour le montant de ses actions qui doit lui être remboursé. Comment là encore intégrer ces variables dans la blockchain ? Il y a ici vraisemblablement place pour le smart contract
V. infra, Commission 3, nos
et s.
dans la mesure où le franchissement du seuil bas du capital social à l'occasion d'un retrait devrait déclencher automatiquement l'impossibilité de la reprise d'apport jusqu'à la survenance de souscriptions nouvelles.
Les questions de seuils
Les questions de seuils
– Franchissement de seuils d'actionnariat. – L'intérêt de la technologie blockchain, dans sa dimension de programme informatique déterminé pour exécuter une obligation – le smart contract – pourrait être envisagé dans le cadre du respect des règles de franchissement de seuils déterminés de titres détenus par un associé
P. Kasparian, Blockchain et franchissement de seuil d'actionnariat, in Blockchain et droit des sociétés, ss dir. V. Magnier et P. Barban, Dalloz, 2019, p. 97.
. Si les applications en droit des sociétés sont multiples pour les associés
X. Vamparys, La blockchain : un outil au service des droits des actionnaires ? : Bull. Joly Sociétés 2018, 315.
, la question de l'efficacité de la détection des divers dépassements peut s'envisager aisément dans le cadre de l'inscription des titres sur un DEEP.
En effet, toute une série d'informations peut être intégrée au protocole informatique mis en place, dont celui d'organiser l'automaticité de la déclaration de franchissement de seuil. Le non-respect de l'obligation par son détenteur est potentiellement sanctionné de plusieurs façons : sanction pécuniaire, sanction en termes de droits de vote, voire interdiction du dépassement lui-même. Or, les modalités de déclenchement du smart contract et son effet (if… then), peuvent intégrer ces données. Toutefois, si la sanction financière elle-même ne pose pas trop de difficultés, tout comme la mise en place d'une notification automatique à un organe ou autorité de contrôle, d'autres données semblent plus difficiles à organiser. Certains calculs de détention complexes (actions de concert, articulation des participations financière et politique…), et par ailleurs des sanctions subtiles en termes de limitation de droits politiques des associés, seront peut-être incompatibles avec un calcul arithmétique.
Enfin, la sanction en termes de privation de droit de vote, si elle est automatique, pourrait heurter la dimension spécialement protégée du droit de propriété. Ce dernier figure dans nos textes fondamentaux aux articles 2 et 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Leur respect est apprécié par nos juridictions suprêmes sous l'angle de l'atteinte à la substance même de l'exercice du droit de propriété qui serait portée par une loi ou, dans notre cas, par le contrat dans le cadre du contrôle de conventionnalité. L'automaticité de la privation d'un droit de vote ne constituerait-elle pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'associé sur ses parts ? La réponse pourrait être affirmative si l'on se réfère à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : les Sages de la rue de Montpensier, saisis d'une question prioritaire de constitutionnalité relative aux alinéas 1 et 2 de l'article L. 233-14 du Code de commerce
Lesquels disposent : « L'actionnaire qui n'aurait pas procédé régulièrement aux déclarations prévues aux I, II, VI bis et VII de l'article L. 233-7 auxquelles il était tenu est privé des droits de vote attachés aux actions excédant la fraction qui n'a pas été régulièrement déclarée pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification ».
« Dans les mêmes conditions, les droits de vote attachés à ces actions et qui n'ont pas été régulièrement déclarés ne peuvent être exercés ou délégués par l'actionnaire défaillant. ».
, ont jugé que « compte tenu de l'encadrement dans le temps et de la portée limitée de cette privation des droits de vote, l'atteinte à l'exercice de ce droit de propriété de l'actionnaire qui résulte des dispositions contestées ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi »
Cons. const., 28 févr. 2014, no 2013-369 QPC.
. Or précisément si la privation d'un droit de vote résulte de l'exécution du smart contract, donc empreinte d'automaticité, la réserve relevée par le Conseil constitutionnel (limitation de portée et dans le temps) pour valider le procédé semblerait inopérante. Notons que la question ne s'est pas posée encore au cas précis d'un smart contrat.