En acceptant que les États membres puissent procéder à une restriction au principe de libre prestation de services consacré par l'article 56 TFUE pour motif impérieux d'intérêt général, la Cour confirme sa perception des activités notariales, qu'elle a déjà eu l'occasion d'énoncer.
En effet, dans l'arrêt C-50/08,Commissionc/ Francedu 24 mai 2011 auquel il est ici renvoyé (V.supra, n°), la Cour reconnaît déjà que la vérification par le notaire de toutes les conditions légalement exigées pour la passation d'un acte relève d'une mission publique : assurer la sécurité juridique aux actes conclus entre particuliers. Déjà en 2011, pour la Cour, l'activité notariale d'authentification des actes relève bien d'une mission poursuivant un but d'intérêt général
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Par cet arrêtPiringer, la Cour exprime clairement son analyse à l'égard du monopole d'authentification, activité réservée au notaire et participant à l'administration préventive de la justice, dans son point 60 : « Le fait que les activités notariales poursuivent des objectifs d'intérêt général, qui visent notamment à garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers, constitue une raison impérieuse d'intérêt général qui permet de justifier d'éventuelles restrictions à l'article 49 TFUE découlant des spécificités propres à l'activité notariale, telles que l'encadrement dont les notaires font l'objet au travers des procédures de recrutement qui leur sont appliquées, la limitation de leur nombre et de leurs compétences territoriales ou encore leur régime de rémunération, d'indépendance, d'incompatibilité et d'inamovibilité, pour autant que ces restrictions permettent d'atteindre lesdits objectifs et sont nécessaires à cette fin ».
Il est à noter que si la Cour reconnaît au notariat un champ de compétence réservé cette fois, c'est par l'analyse fouillée qu'elle établit des activités notariales : malgré cela, la Cour n'évoque toujours pas un statut du notariat, ni une fonction du notaire, ce que ne manque pas de relever un auteur
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Pour reconnaître cette réserve de compétence au notariat au regard de la tenue du livre foncier, la Cour développe son argumentaire en expliquant au point 64 que : « L'intervention du notaire est importante et nécessaire afin de procéder à l'inscription au livre foncier, dans la mesure où la participation de ce professionnel ne se limite pas à confirmer l'identité d'une personne ayant apposé une signature sur un document, mais implique également que le notaire prenne connaissance du contenu de l'acte en question aux fins de s'assurer de la régularité de la transaction envisagée et vérifie la capacité de la requérante à accomplir les actes juridiques ».
Elle poursuit au point 65 : « Dans ces conditions, le fait de réserver les activités liées à l'authentification des actes portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers à une catégorie particulière de professionnels, à laquelle s'attache une confiance publique et sur laquelle l'État membre concerné exerce un contrôle particulier, constitue une mesure appropriée pour atteindre les objectifs de bon fonctionnement du système du livre foncier ainsi que la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers ».
Les points 60, 64 et 65 ci-dessus, il faut en être persuadé, revêtent une importance capitale pour l'avenir de la prise en considération du notariat dans l'Union européenne.
En effet, la portée de l'arrêtPiringersemble bien aller au-delà du système du livre foncier. L'argumentaire de la Cour permet effectivement, ainsi qu'il a été mis en lumière par le professeur Cyril Nourissat, de considérer que tout État membre pourra se prévaloir du précédentPiringermême s'il ne connaît pas le système du livre foncier pour justifier réserver aux seuls notaires l'authentification des actes nécessaires à la création et au transfert de droits réels immobiliers
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Si la portée de la réserve de compétence va bien au-delà du livre foncier, elle concerne plus fondamentalement la cohérence du système juridique de chaque État membre connaissant en son sein le notariat de type latin.
Pour cette raison, la Cour a estimé que les activités notariales réservées sonteuro-compatibles
1519034294054avec le principe de proportionnalité : ces mesures restrictives de compétence réservée au notaire sont en effet jugées appropriées par la Cour, comme constituant unecomposante essentielle de l'administration préventive de la justice
1519034792814.
Ces activités réservées font par conséquent l'objet d'une protection nécessaire.