Une conception protéiforme de l'assiette en fonction du projet

Une conception protéiforme de l'assiette en fonction du projet

– La prise en compte du projet par le Code de l'environnement (art. L. 122-1) . – L'application du droit de l'environnement ne peut être contrariée ou limitée par la limitation matérielle et juridique de ce qui est communément défini comme constituant une unité foncière. Les enjeux environnementaux imposent que l'évaluation environnementale soit conduite à une échelle nécessairement macroscopique, à l'échelle du projet. À ce titre, les règles et obligations de l'opérateur sont déterminées par rubriques comportant chacune des critères quantitatifs exprimés en seuils ou plages de déclenchement.
Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau figurant en annexe de l'article R. 122-2 du Code de l'environnement font l'objet d'une évaluation environnementale. Ce tableau peut être consulté ici :
– La segmentation et le fractionnement du projet : la jurisprudence au secours des projets. – En vertu des principes de proximité et de connexité visés supra, la plupart des rubriques de l'annexe de l'article R. 122-2 du Code de l'environnement (notamment les rubriques de la nomenclature relevant de la législation ICPE) expriment des seuils objectifs liés à la nature des activités. Aussi, toute segmentation du projet et des autorisations correspondantes est difficile, voire impossible compte tenu de la nécessité d'un avis conforme des services déconcentrés de l'État.
En revanche, les travaux, ouvrages, aménagements ruraux et urbains relevant de la rubrique 39 (V. supra, n° , encadré « Exemple ») peuvent être plus facilement « découpés » en opérations situées en deçà des seuils. Comment doit donc s'apprécier la notion de projet dont le Code de l'environnement a précisé les contours ?
Dans un arrêt Commune de la Turballe relatif à un permis d'aménager un lotissement, le Conseil d'État a été amené à se prononcer pour la première fois sur la notion de « projet » au sens de l'article L. 122-1 du Code de l'environnement. Cet arrêt, rendu en suivant les recommandations de Guillaume Odinet alors rapporteur public (et dont nous vous invitons à lire les conclusions), a permis de conclure que la seule planification, dans un document d'urbanisme, du devenir d'une zone (notamment pour les zones AU ou les OAP) ne saurait suffire à caractériser ce devenir comme un unique projet au sens de l'article L. 122-1 précité.
Plus récemment la Haute juridiction, dans un arrêt Société Le Castellet-Faremberts du 1er février 2021, est venue préciser de façon assez opportune compte tenu de l'insécurité juridique liée à la notion de projet, que la démonstration de l'existence d'un projet unique suppose de prouver qu'un fractionnement a été délibérément réalisé entre les différentes composantes d'une même opération. Le droit de l'environnement ne doit pas être un moyen de tenir en échec les opérations sur des critères subjectifs source d'insécurité juridique pour les porteurs de projet. Si le fractionnement des opérations doit être combattu, il existe cependant un principe de bonne foi de l'opérateur que semble soutenir le Conseil d'État ; il appartient spécialement aux juridictions du fond de contrôler s'il existe (entre deux projets susceptibles d'être réalisés individuellement en deçà des seuils) entre eux des liens de nature à caractériser le fractionnement d'un projet unique.
Par ailleurs, les juges sont invités à faire une analyse très factuelle de l'ensemble de l'opération. Le projet unique ne pourrait ainsi être retenu que si d'emblée l'opération a été conçue comme un ensemble. Et cela même si elle intègre plusieurs volets, dès lors qu'ils sont imbriqués entre eux dans des conditions telles qu'elle ne pourrait pas être réalisée faute qu'ils soient tous mis en œuvre, même si cela doit se faire de manière fractionnée dans l'espace ou séquencée dans le temps, ou encore si elle relève de plusieurs maîtres d'ouvrage.
Sans travestir les objectifs de protection de l'environnement, la jurisprudence tend à reconnaître comme emprise du projet ce que représente, pour l'ensemble des professionnels de l'aménagement et de la construction, la surface qu'ils envisagent comme support de leur opération tant d'un point de vue fiscal, administratif, environnemental ou juridique. Aussi, l'assiette recouvre-t-elle le terrain nécessaire et suffisant sur lequel sera développé le projet immobilier en faisant preuve d'un pragmatisme indispensable à la conduite des projets, tout en veillant à en apprécier l'impact à l'échelle idoine. Force est de constater que l'unité foncière ne répond pas à cette problématique.