L'assiette des projets à impact environnemental

L'assiette des projets à impact environnemental

– Au contraire du droit de l'urbanisme, le droit de l'environnement n'envisage l'assiette de la demande que dans sa composante opérationnelle et de manière globale. – En effet, tant la législation relative aux installations au titre de la protection de l'environnement (ICPE) que la législation dite de la « loi sur l'eau » (installation, ouvrages, travaux, activités [IOTA]) ne peuvent circonscrire l'étude de l'impact et l'incidence des autorisations environnementales à une échelle ne prenant pas en compte les environnants.
Le Code de l'environnement s'attache à apprécier de façon pragmatique l'impact du projet, privilégiant l'analyse de l'étude des effets du projet à une analyse simplement formelle et procédurale (A). Il opère ainsi un contrôle objectif de l'impact, laissant peu de place à la fragmentation artificielle des projets (B).

Fondement de la détermination de l'assiette par le Code de l'environnement

– Une approche globale. – Le droit de l'environnement ayant pour objet de préserver voire protéger les espaces, ressources, êtres vivants et la biodiversité des activités anthropiques, il se doit d'avoir une approche globale de la gestion des risques. Cette approche globale se traduit ainsi par la prise en compte des activités proches ou connexes à une installation susceptible de présenter des dangers ou inconvénients pour l'environnement et/ou la santé.
Aussi le droit de l'environnement applique-t-il les principes de proximité et de connexité qui peuvent être définis de la manière suivante :
  • principe de proximité : un projet d'installation peut être qualifié de proche d'une installation existante s'il est de nature à modifier notablement les dangers ou inconvénients pour l'environnement et la santé de l'installation existante ;
  • principe de connexité : un projet d'installation peut être qualifié de connexe à une installation existante lorsque le projet d'installation entretient avec cette dernière un lien fonctionnel le rendant nécessaire à l'installation existante.
Ainsi, l'exploitant d'un site relevant de l'une des législations en qualité de débiteur principal des obligations déclaratives prescrites par les articles L. 181-1 et suivants du Code de l'environnement exerce une activité sur un périmètre défini, matérialisé par des références cadastrales, mais pouvant ne pas constituer un îlot de propriété au sens de la jurisprudence du Conseil d'État.

Que retenir ?

Le droit de l'environnement s'inscrit dans une approche globale, nécessaire à la préservation de l'environnement et de la santé.
Cette approche globale se manifeste notamment par la prise en compte des activités proches ou connexes à une installation susceptible de présenter des dangers ou inconvénients pour l'environnement et/ou la santé.
De ce fait, à partir du moment où un établissement comporte plusieurs ICPE dont l'une est soumise à autorisation, le principe de connexité amène à considérer que l'ensemble est soumis à autorisation.
Tout le site est soumis au régime d'autorisation si les activités :
Un porteur de projet d'une ICPE soumise à déclaration ou à enregistrement doit inclure les IOTA qu'il projette et :
– La notion de « projet ». – Si la notion de « projet » est définie par le Code de l'environnement, la difficulté réside dans le point de savoir si plusieurs travaux, ouvrages ou interventions dans le milieu naturel sont ou non considérés comme relevant d'un « projet unique » ou « projet global ».
À cet égard, le dernier alinéa du III de l'article L. 122-1 du code précité rappelle que : « Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité ». Comme a pu le rappeler la Cour de justice de l'Union européenne, les règles relatives à l'évaluation environnementale des projets ne sauraient être contournées par un fractionnement illicite et artificiel des projets.
Il en est de même dans l'hypothèse où des travaux seraient susceptibles de relever de plusieurs rubriques. Si une seule composante des travaux est susceptible de rentrer dans le champ d'application d'une rubrique, alors l'ensemble du projet, en ce compris sa fraction non concernée par une rubrique, doit être soumis à examen au cas par cas ou à l'évaluation environnementale systématique. À titre d'exemple : imaginons la construction d'un centre commercial de 8 000 m² en dessous du seuil de 10 000 m² visé à la rubrique 39, mais comprenant un parc de stationnement visé à la rubrique 41 qui excède les seuils.
– La notion de terrain d'assiette. – Comme étudié plus haut, le droit de l'environnement apprécie le terrain d'assiette selon une échelle dépassant nécessairement l'unité foncière. Mais il l'apprécie surtout sous un prisme en réalité totalement décorrélé de ses limites juridiques ou administratives.
Au départ l'appréciation se faisait eu égard à la notion d'aménagement telle qu'elle résulte de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme et de son application à l'issue de la jurisprudence Commune de Chamonix (initiative publique et agencement à une échelle dépassant la simple opération de construction).
Dorénavant la doctrine administrative et la jurisprudence imposent de s'éloigner de cette conception réductrice et dictent à se poser la question suivante : le projet va-t-il être de nature à modifier la composition du terrain ?
Ainsi, dans un arrêt du 25 mai 2022 relatif à une opération d'aménagement dénommée « Les jardins de la Méditerranée », le Conseil d'État a été amené à considérer, nonobstant la circonstance que l'assiette de l'autorisation ne porte que sur 5 hectares et soit ainsi inférieure aux seuils de la rubrique 39, que du fait des autres travaux relatifs à la législation de la loi sur l'eau dont l'impact recouvrait une superficie de plus de 19 hectares, le projet était de facto soumis à une évaluation environnementale obligatoire compte tenu du fait que le terrain d'assiette devait être apprécié selon une acception plus large que le terrain d'assiette de l'autorisation d'aménager. « Il résulte des éléments versés au dossier que le projet des « Jardins de la Méditerranée », présenté dans la déclaration déposée par le département de l'Hérault comme une opération d'aménagement, a pour objet la création de jardins destinés à accueillir 300 000 visiteurs par an et la construction de divers bâtiments, comprenant notamment un aquarium, une géode, un bâtiment administratif, un restaurant, un pavillon des vins, des équipements d'accueil et des sanitaires, ainsi que des voies d'accès et des terrassements sur l'ensemble du terrain d'assiette, dont la superficie, selon les indications figurant au dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau, est de 19,31 hectares. Il résulte des dispositions énoncées au point 3 que ce projet doit ainsi, en l'état de l'instruction, être regardé comme une opération d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à 10 hectares, soumise par suite à une évaluation environnementale systématique en vertu de la rubrique 39 b) de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, la circonstance alléguée que ce projet soit susceptible de donner lieu ultérieurement à un permis d'aménager de moins de 5 hectares et à différents permis de construire entant sans incidence sur la qualification de cette opération ».

Une conception protéiforme de l'assiette en fonction du projet

– La prise en compte du projet par le Code de l'environnement (art. L. 122-1) . – L'application du droit de l'environnement ne peut être contrariée ou limitée par la limitation matérielle et juridique de ce qui est communément défini comme constituant une unité foncière. Les enjeux environnementaux imposent que l'évaluation environnementale soit conduite à une échelle nécessairement macroscopique, à l'échelle du projet. À ce titre, les règles et obligations de l'opérateur sont déterminées par rubriques comportant chacune des critères quantitatifs exprimés en seuils ou plages de déclenchement.
Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau figurant en annexe de l'article R. 122-2 du Code de l'environnement font l'objet d'une évaluation environnementale. Ce tableau peut être consulté ici :
– La segmentation et le fractionnement du projet : la jurisprudence au secours des projets. – En vertu des principes de proximité et de connexité visés supra, la plupart des rubriques de l'annexe de l'article R. 122-2 du Code de l'environnement (notamment les rubriques de la nomenclature relevant de la législation ICPE) expriment des seuils objectifs liés à la nature des activités. Aussi, toute segmentation du projet et des autorisations correspondantes est difficile, voire impossible compte tenu de la nécessité d'un avis conforme des services déconcentrés de l'État.
En revanche, les travaux, ouvrages, aménagements ruraux et urbains relevant de la rubrique 39 (V. supra, n° , encadré « Exemple ») peuvent être plus facilement « découpés » en opérations situées en deçà des seuils. Comment doit donc s'apprécier la notion de projet dont le Code de l'environnement a précisé les contours ?
Dans un arrêt Commune de la Turballe relatif à un permis d'aménager un lotissement, le Conseil d'État a été amené à se prononcer pour la première fois sur la notion de « projet » au sens de l'article L. 122-1 du Code de l'environnement. Cet arrêt, rendu en suivant les recommandations de Guillaume Odinet alors rapporteur public (et dont nous vous invitons à lire les conclusions), a permis de conclure que la seule planification, dans un document d'urbanisme, du devenir d'une zone (notamment pour les zones AU ou les OAP) ne saurait suffire à caractériser ce devenir comme un unique projet au sens de l'article L. 122-1 précité.
Plus récemment la Haute juridiction, dans un arrêt Société Le Castellet-Faremberts du 1er février 2021, est venue préciser de façon assez opportune compte tenu de l'insécurité juridique liée à la notion de projet, que la démonstration de l'existence d'un projet unique suppose de prouver qu'un fractionnement a été délibérément réalisé entre les différentes composantes d'une même opération. Le droit de l'environnement ne doit pas être un moyen de tenir en échec les opérations sur des critères subjectifs source d'insécurité juridique pour les porteurs de projet. Si le fractionnement des opérations doit être combattu, il existe cependant un principe de bonne foi de l'opérateur que semble soutenir le Conseil d'État ; il appartient spécialement aux juridictions du fond de contrôler s'il existe (entre deux projets susceptibles d'être réalisés individuellement en deçà des seuils) entre eux des liens de nature à caractériser le fractionnement d'un projet unique.
Par ailleurs, les juges sont invités à faire une analyse très factuelle de l'ensemble de l'opération. Le projet unique ne pourrait ainsi être retenu que si d'emblée l'opération a été conçue comme un ensemble. Et cela même si elle intègre plusieurs volets, dès lors qu'ils sont imbriqués entre eux dans des conditions telles qu'elle ne pourrait pas être réalisée faute qu'ils soient tous mis en œuvre, même si cela doit se faire de manière fractionnée dans l'espace ou séquencée dans le temps, ou encore si elle relève de plusieurs maîtres d'ouvrage.
Sans travestir les objectifs de protection de l'environnement, la jurisprudence tend à reconnaître comme emprise du projet ce que représente, pour l'ensemble des professionnels de l'aménagement et de la construction, la surface qu'ils envisagent comme support de leur opération tant d'un point de vue fiscal, administratif, environnemental ou juridique. Aussi, l'assiette recouvre-t-elle le terrain nécessaire et suffisant sur lequel sera développé le projet immobilier en faisant preuve d'un pragmatisme indispensable à la conduite des projets, tout en veillant à en apprécier l'impact à l'échelle idoine. Force est de constater que l'unité foncière ne répond pas à cette problématique.