Sources de la séquence ERC

Sources de la séquence ERC

– Présentation générale. – La séquence ERC a été introduite en droit français par la loi no 76-621 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, puis précisée par la loi du no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, ainsi que par l'ordonnance no 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes. Elle est actuellement codifiée aux articles L. 110-1 et L. 163-1 du Code de l'environnement.
Au-delà de ces sources, la séquence ERC s'inscrit dans une dynamique internationale, communautaire et comparative (A) qui complète, si ce n'est enrichit le cadre normatif national (B).

Dynamique internationale, communautaire et comparative

Droit international

– L'environnement sur la scène internationale. – L'environnement s'est introduit dans le discours politique et juridique dès le XIX e siècle sur la scène internationale, d'abord contre la disparition des grands animaux sauvages, tels les baleines et éléphants, « les plus belles et les plus nobles manifestations de la vie », puis pour la préservation de la nature elle-même.
C'est au XX e siècle que se forgent la plupart des conventions internationales, que se forment les prémices d'un droit international de l'environnement. Comme l'écrit très justement le professeur Nicolas de Sadeleer : « Le XX e siècle sera ainsi marqué par le passage d'une perception utilitariste de la nature à ce que les Anglo-saxons appellent une éthique « conservationniste », d'une conception anthropocentrique de la protection des espèces et des espaces à une approche écocentrique, d'une vision fragmentaire à une approche globale ».
Les conventions de Paris du 19 mars 1902 pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, de Londres du 8 novembre 1933 relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel, celle de Ramsar (Iran) du 2 février 1971 pour la protection des zones humides d'importance internationale, qui portent tout particulièrement sur les habitats des oiseaux d'eau, constituent les matrices intellectuelles de la séquence ERC.
Entrée en vigueur en 1975, cette dernière comporte le premier énoncé juridiquement contraignant d'un principe de compensation : « Lorsqu'une Partie contractante, pour des raisons pressantes d'intérêt national, retire une zone humide inscrite sur la Liste ou en réduit l'étendue, elle devrait compenser autant que possible toute perte de ressources en zones humides et, en particulier, elle devrait créer de nouvelles réserves naturelles pour les oiseaux d'eau et pour la protection, dans la même région ou ailleurs, d'une partie convenable de l'habitat antérieur ».
La Convention de Paris du 23 novembre 1972 relative à la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, organisée dans le cadre de l'UNESCO, et la Conférence de Stockholm des 5-16 juin 1972, sous l'égide de l'ONU, soulignent l'importance de la nature et de la biodiversité pour l'humanité. Le plan d'action pour l'environnement de 1972 rappelle ainsi que : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin ». Au demeurant, il n'est pas inintéressant de relever que les notions d'évitement et de limitation sont évoquées à trois reprises parmi les principes énoncés dans ce plan, comme en son article 15 : « En planifiant les établissements humains et l'urbanisation, il faut veiller à éviter les atteintes à l'environnement et à obtenir le maximum d'avantages sociaux, économiques et écologiques pour tous ».
Ces mêmes principes d'évitement et de réduction apparaissent également dans la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe : « Les Parties contractantes tiennent compte, dans leurs politiques d'aménagement et de développement, des besoins de la conservation des zones protégées visées au paragraphe précédent, afin d'éviter ou de réduire le plus possible toute détérioration de telles zones ». Entrée en vigueur le 6 juin 1982, elle est le premier instrument juridique européen contraignant visant la protection des espèces végétales et animales rares et en danger.
Figurant encore dans la Charte mondiale de la nature de 1982 de l'ONU et la Convention de Rio de 1992 sur la diversité biologique, « l'évitement » et la « réduction » se sont incontestablement imposés sur la scène internationale comme des moyens de protéger l'environnement, dans une nouvelle philosophie de la relation de l'Homme à la Nature.
Le projet de pacte mondial pour l'environnement, dont l'avant-projet a été élaboré en 2017 et qui a vocation à avoir une force juridique contraignante, en porte aussi témoignage.

Droit communautaire

– Normes communautaires. – Quelques mois avant la convention de Berne précitée, prise dans le cadre du Conseil de l'Europe, la directive 79/409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive « oiseaux », invite les neuf États membres de l'époque à prendre « les mesures appropriées pour éviter dans les zones de protection (…) la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu'elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article. En dehors de ces zones de protection, les États membres s'efforcent également d'éviter la pollution ou la détérioration des habitats ».
L'évitement est ainsi devenu une notion communautaire.
Cette notion d'évitement constitue un élément de base, combiné à la réalisation d'une évaluation environnementale, de la directive 85/337 du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dite directive « projets », dont l'annexe III énonce pour la première fois en droit communautaire la séquence ERC.
Ces mécanismes d'évaluation, d'évitement, de réduction et de compensation se trouvent par la suite au cœur des grandes directives du 21 mai 1992 sur la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « habitats-faune-flore, du 27 juin 2001 sur l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, dite directive « plans et programmes », et du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.
Ainsi présentée, la législation européenne en matière de biodiversité reste centrée sur le réseau des sites Natura 2000 et les espèces protégées, en application des directives « habitats-faune-flore » et « oiseaux ». Au-delà de ces enjeux patrimoniaux, les directives « projets » et « plans et programmes » fixent essentiellement des exigences procédurales. C'est pourquoi l'Union européenne travaille aujourd'hui à l'élaboration d'un règlement relatif à la restauration de la nature, qui a pour objectif de fixer de nouvelles règles pour restaurer la biodiversité et les écosystèmes avec une échéance à 2030. Un accord entre le Conseil et le Parlement européen ayant été trouvé en novembre 2023, le texte doit désormais être adopté formellement par les deux institutions. De la version anglaise de ce texte, seule portée à notre connaissance, on peut relever que le principe de la séquence ERC est de nouveau consacré, sans pour autant être décliné de façon concrète.
– Jurisprudence communautaire. – Veillant au respect des directives par les États, la Cour de justice de l'Union européenne a eu l'occasion de rendre plusieurs décisions ayant une portée interprétative significative.
Sans exhaustivité, on peut citer un arrêt du 6 avril 2000 condamnant la France aux motifs que les projets et les plans d'un faible montant ne devaient pas être exonérés pour cette seule raison de mesures d'évaluation.
La Cour de justice a aussi jugé que les États membres ne pouvaient pas prévoir de dérogation générale aux principes fixés par les directives pour certaines activités telles la pêche, la chasse ou la réalisation de travaux prévus par des contrats au sein de sites classés Natura 2000.
Et en 2014, elle a jugé que les différentes composantes de la séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser) sont distinctes les unes des autres et ne doivent pas se confondre. Elles doivent se comprendre selon l'ordre établi par la directive. Ainsi, l'autorisation conférée à un projet ayant des incidences sur l'environnement ne peut être délivrée que pour des raisons impératives d'intérêt public majeur et lorsqu'aucune solution alternative ne peut être trouvée.
Le juge communautaire a encore été amené à condamner certains États membres ayant autorisé des travaux sans avoir respecté les règles applicables à l'évaluation environnementale et à la mise en œuvre des mesures compensatoires. On peut mentionner le cas de l'Autriche qui, en autorisant l'extension d'un golf malgré des conclusions négatives de l'évaluation environnementale, a méconnu l'article 6 de la directive « habitats-faune-flore ». Des mesures compensatoires avaient été prévues. Mais elles ont été jugées insuffisantes au regard des conclusions de l'évaluation environnementale : outre leur caractère non exhaustif, la Cour a considéré qu'elles étaient difficiles à mettre en œuvre et que leur efficacité à long terme était incertaine.

Approche comparative

– Rapport de 2017. – Un rapport du Sénat du 25 avril 2017 sur la réalité des mesures de compensation comporte d'intéressantes données comparatives sur l'Allemagne et les États-Unis dont nous nous permettons de faire état.

Allemagne

– Panorama du système allemand. – Les principes d'évitement et de compensation ont été introduits dans le système juridique allemand en 1976, comme en France. Ils figurent actuellement à l'article 13 de la loi fédérale sur la protection de la nature du 29 juillet 2009 selon lequel : « Les atteintes significatives à la nature et au paysage doivent être évitées en priorité par leur auteur. Les atteintes significatives non évitables doivent être compensées par des mesures d'équilibre, des mesures de remplacement ou encore, en cas d'impossibilité, par des mesures financières ». Ils sont mis en œuvre au niveau de chaque länder par des lois propres.
La compensation prend trois formes différentes :
  • Ausgleich : compensation par équivalence fonctionnelle stricte. La mesure de compensation, que l'on peut qualifier de « mesure d'équilibre », doit être réalisée à proximité du lieu de l'atteinte à la biodiversité afin de maintenir une connexion fonctionnelle et spatiale entre le site dégradé et le site de compensation ;
  • Ersatz : compensation par substitution. La mesure de compensation, que l'on peut qualifier de « mesure de remplacement », est utilisée lorsque la compensation de type Ausgleich est insuffisante ou inapplicable ;
  • Ersatzzahlung : compensation financière. Ce « versement compensatoire » n'est possible que si la compensation de l'atteinte à l'environnement est impossible en nature ou insuffisante. Il est calculé sur la base des coûts moyens des mesures d'équilibre et de remplacement non réalisées.
Ces mesures de compensation peuvent être mises en œuvre de quatre façons, étant précisé que les pratiques varient d'un Land à l'autre :
  • la compensation au cas par cas. Il n'existe pas de méthode harmonisée permettant de dimensionner les mesures de compensation, les ratios étant adaptés au cas par cas ;
  • la compensation mutualisée. Elle prend la forme d'un éco-compte où sont comptabilisés des crédits d'éco-points correspondant à la valeur des biotopes restaurés par anticipation. Il s'agit d'un instrument préventif qui garantit la mise en œuvre de mesures d'équilibre et de compensation des atteintes futures à l'environnement et au paysage. Cela revient à convertir les atteintes à l'environnement en dette d'éco-points. Le porteur de projet doit acheter le nombre d'éco-points équivalent ou utiliser ceux qu'il a pu générer en amont de son projet ;
  • le fonds de compensation. Il est utilisé pour les impacts paysagers ou lorsque les mesures de compensation sont jugées insuffisantes ;
  • le pool foncier. Il se compose de « surfaces d'équilibre potentielles », sur lesquelles aucune mesure de compensation n'est prévue. Il s'agit en quelque sorte d'une banque de données où sont recensés les terrains pouvant donner lieu à des mesures de compensation.

États-Unis

– Panorama du système américain. – Les États-Unis ont été le premier pays à s'être doté d'une législation en matière de lutte contre les atteintes à la biodiversité.
Les notions d'atténuation et de compensation sont énoncées au niveau fédéral dès le Fish and Wildlife Coordination Act de 1958, mais ne revêtaient pas un caractère obligatoire. Il en est par la suite allé autrement avec la loi sur la propreté de l'eau (Clean Water Act) du 18 octobre 1972, qui vise à réguler les rejets dans les eaux américaines, y compris dans les zones humides, et la loi sur les espèces menacées (Endangered Species Act) du 28 décembre 1973 qui prévoit les mesures de protection et de rétablissement des espèces et de leurs écosystèmes.
Les mesures de compensation sont de plusieurs types :
  • banques d'atténuation (Mitigation Banks). Une banque d'atténuation est constituée d'un site ou d'un ensemble de sites où les ressources naturelles sont restaurées, définies, améliorées et/ou préservées afin d'obtenir une « atténuation compensatoire » des impacts négatifs autorisés par les services du ministère fédéral de la Défense. Ces banques vendent des « crédits d'atténuation compensatoire » (Compensatory Mitigation Credits) aux titulaires des autorisations. Cela permet également au porteur de projet de transférer à la banque de compensation l'obligation de mettre en œuvre les mesures de compensation ;
  • les programmes de « redevance de remplacement » (In-Lieu Fee Programs). Ces fonds provenant directement des porteurs de projet ont pour objet, d'une part, de participer à la restauration, la définition, l'amélioration et/ou la préservation des ressources aquatiques et, d'autre part, de financer une entité gouvernementale ou non lucrative de gestion des ressources naturelles. Tout comme les banques d'atténuation, un programme de « redevance de remplacement » permet de vendre des crédits d'atténuation compensatoires aux entités titulaires des autorisations. Lorsqu'une vente de crédits d'atténuation compensatoires intervient, l'obligation de mettre en œuvre des « atténuations compensatoires » est transférée de l'auteur des effets indésirables sur l'environnement au promoteur d'un programme de remplacement ;
  • atténuation par le détenteur de l'autorisation (Permittee-Responsible Mitigation). La loi fédérale américaine permet au porteur de projet, détenteur d'une autorisation d'effectuer des travaux susceptibles de porter atteinte à l'environnement, de réaliser lui-même des mesures d'atténuation des effets dommageables à l'environnement. Dans ce cadre, le porteur de projet procède à la restauration, la définition, l'amélioration et/ou la préservation d'une ressource aquatique ou d'espèces menacées ;
  • les sites de conservation (Conservation Banks). Ils sont constitués d'espaces contenant des ressources naturelles, protégées de façon permanente, conservées et gérées du fait de l'existence d'espèces en danger, d'espèces menacées ou en voie de classement sur une liste de protection, ou encore de toute autre espèce qui encourt un danger. Il peut s'agir d'espaces privés, tribaux ou de biens publics ;
  • les crédits d'échange habitat (Habitat Credit Exchanges). Ils reposent sur un marché de l'environnement fonctionnant comme une chambre de compensation dans laquelle les administrateurs (qui peuvent être des entités publiques ou privées), agissant comme des promoteurs de l'atténuation des dommages, gèrent des crédits de transaction entre les fournisseurs d'atténuations compensatoires (les propriétaires) et les personnes titulaires d'une autorisation.
– Servitude de compensation. – Dans ce système américain, un moyen particulier de compensation mérite tout particulièrement notre attention : la servitude de conservation (conservation easements).
Les premiers exemples de servitudes de conservation sont décelables au début des années 1960. La doctrine s'accorde pour considérer que la toute première résulte d'un accord signé en 1961 entre une organisation non gouvernementale de protection de la nature, The Nature Conservancy, une agence publique à vocation de conservation de la nature, The Bureau of Land Management, et un propriétaire forestier. L'objectif poursuivi était de mettre en place un outil de protection et de cogestion d'une forêt ancienne en Californie.
La loi dénommée Uniform Conservation Easement Act de 1981, adoptée par la National Conference of Commissioners on Uniform State Laws, l'a définie comme « un droit réel sur un bien foncier qui impose des limites ou des obligations expresses, dont les objectifs comprennent la rétention ou la protection des valeurs naturelles, panoramiques ou des espaces ouverts de la propriété ; l'assurance de sa disponibilité à des fins d'utilisation agricole, forestière, récréative ou d'espace ouvert ; la protection des ressources naturelles, le maintien ou l'amélioration de la qualité de l'air ou de l'eau ainsi que la protection de l'aspect historique, architectural, archéologique ou culturel de la propriété ».
Fondée sur le principe de liberté contractuelle, elle est conclue, à titre gratuit ou onéreux, entre un propriétaire immobilier et une organisation publique ou privée (organisation non gouvernementale ou Land Trust) de manière perpétuelle ou temporaire. Elle peut être autonome ou l'accessoire d'un testament, d'une donation, d'une vente ou d'un bail. Elle crée un droit réel, accompagné d'un ensemble d'obligations de faire et/ou de ne pas faire.
Une fiscalité incitative, variable d'un État à l'autre, encourage l'adoption de telles servitudes dont la loi française sur les obligations réelles environnementales semble s'être inspirée.

Cadre normatif national

– Juillet 1976. – Conçue dans le sillage de la Conférence de Stockholm de 1972, la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, adoptée à l'unanimité au terme d'une gestation difficile de près de six années, constitue en France le texte fondateur du droit de l'environnement. Elle marque, en quelque sorte, « l'an I de la Révolution verte ».
L'article 2 de la loi de 1976 fait dès l'origine référence à la séquence ERC. Elle ne disparaîtra plus des textes.
Avec ce texte, la protection des espaces et des ressources naturels, ainsi que la préservation des espèces animales et végétales, deviennent d'intérêt général. Et il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel. La mise en place de l'étude d'impact y contribue : la réalisation de certains aménagements publics ou privés est désormais précédée d'une étude permettant d'en apprécier les conséquences sur l'environnement.
Un décret no 77-1241 du 12 octobre 1977 précise que cette étude d'impact doit notamment comporter « les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l'environnement ».
Le triptyque constitutif de la séquence ERC, désormais codifiée à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement, en résulte. Si elle a été initialement pensée sous un angle procédural, lié aux dossiers d'étude d'impact devant être constitués par les porteurs de projet, une nouvelle impulsion lui a été donnée par la loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.
– Août 2016. – La loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité élève la séquence ERC au rang de principe général du droit de l'environnement, introduit à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement. Elle dépasse depuis lors sa vocation procédurale initiale ; elle devient une norme de fond, parmi les plus essentielles, de la protection de la biodiversité et de l'environnement dans toutes ses autres composantes que sont le sol, l'eau, l'air, le climat, les nuisances, le paysage, le cadre de vie, etc.
Rappelons que la biodiversité a été élevée au rang de patrimoine commun de la nation.
Mais la séquence ERC ne se limite pas à ne protéger que cette dernière. Elle englobe en réalité l'ensemble des champs de l'environnement définis dans le Code de l'environnement, à savoir également le sol, l'eau, l'air, le climat, les nuisances, le paysage, le cadre de vie, etc.
– Fondements issus du droit interne. – La séquence ERC trouve ses racines en droit interne dans deux sources principalement : la Charte de l'environnement et les principes fixés par le Code de l'environnement.
– La Charte de l'environnement. – Objet de nombreux débats, la Charte de l'environnement a été votée en 2004 et est entrée en vigueur le 1er mars 2005. Elle a cette particularité d'avoir valeur constitutionnelle puisqu'elle a été intégrée au « bloc de constitutionnalité » en étant introduite dans le Préambule de la Constitution lors de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005.
Elle est le réceptacle des valeurs d'écologie humaniste.
Comme l'a souligné le sénateur Patrice Gélard dans son rapport de juin 2004, le texte traduit « un consensus des autorités scientifiques et des autres représentants de la société civile autour de trois idées-forces : l'interdépendance de l'homme et de la nature ; la prise de conscience des atteintes portées par certaines activités humaines à l'environnement et de leurs conséquences sur l'avenir de nos sociétés ; la nécessité, enfin, de promouvoir le développement durable ».
La séquence ERC prend place parmi au moins trois des principes énoncés dans la Charte :
  • le principe de prévention en vertu duquel : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » (Charte, art. 3) ;
  • le principe de pollueur/payeur en vertu duquel : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi » (Charte, art. 4). Ce principe implique, selon l'article L. 110-1 du Code de l'environnement, que « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur » ;
  • le principe de précaution en vertu duquel : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » (Charte, art. 5). L'article L. 110-1 du Code de l'environnement précise à cet égard que « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ».
La portée de la Charte doit cependant être nuancée car si elle a une valeur constitutionnelle, elle n'institue pas pour autant un droit ou une liberté que la Constitution garantit. La conséquence est que ces principes ne peuvent être invoqués à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Certains auteurs se sont d'ailleurs interrogés sur la portée réelle de la Charte, au-delà des principes généraux qu'elle pose. Ce rôle reviendra au juge.
– Les principes du Code de l'environnement. – La séquence ERC se fonde sur certains grands principes du droit de l'environnement, lesquels sont définis à l'article L. 110-1 du Code de l'environnement.
Outre les principes de pollueur/payeur et de précaution que l'on retrouve à la fois dans la Charte de l'environnement et à l'article L. 110-1, il convient également de citer les principes suivants :
  • le principe de solidarité écologique, qui « appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l'environnement des territoires concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés » ;
  • le principe de l'utilisation durable en vertu duquel « la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la biodiversité ». Comme le soulignent des auteurs, « il s'agit en substance de la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité, la cohésion sociale et la solidarité, l'épanouissement de tous les êtres humains et la transition vers une économie circulaire » ;
  • le principe de complémentarité entre l'environnement, l'agriculture, l'aquaculture et la gestion durable des forêts en vertu duquel « les surfaces agricoles, aquacoles et forestières sont porteuses d'une biodiversité spécifique et variée et les activités agricoles, aquacoles et forestières peuvent être vecteurs d'interactions écosystémiques garantissant, d'une part, la préservation des continuités écologiques et, d'autre part, des services environnementaux qui utilisent les fonctions écologiques d'un écosystème pour restaurer, maintenir ou créer de la biodiversité » ;
  • le principe de non-régression. Selon ce principe, qui trouve sa source dans le droit international, « la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » ;
  • les principes d'action préventive et de correction des atteintes à l'environnement. Comme le souligne l'article L. 110-1 du Code de l'environnement : « Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ». Il se conjugue avec celui du « zéro artificialisation nette » fixé par la loi Climat et Résilience de 2021.