Séquence ERC et évaluation environnementale

Séquence ERC et évaluation environnementale

– Plan. – La séquence ERC intervient à l'occasion des quatre phases successives de l'évaluation environnementale : l'élaboration (A), l'examen (B), la participation (C) et la décision (D). La modification du projet a également des conséquences sur la séquence ERC (E).
Il est enfin opportun de s'intéresser à l'articulation entre l'évaluation environnementale, le permis de construire et la séquence ERC (F).

L'élaboration du dossier par le porteur de projet

– Étude d'impact. – Le maître d'ouvrage se doit d'intégrer la séquence ERC au stade même de l'élaboration de son projet, à travers l'étude d'impact qu'il lui appartient de réaliser.
À défaut, il s'exposerait à une décision de refus de la part de l'autorité chargée d'instruire le dossier du porteur de projet.
En pratique, il peut cependant s'avérer difficile d'identifier les bonnes mesures d'évitement, de réduction ou de compensation.
C'est la raison pour laquelle il est possible pour les porteurs de projet d'obtenir de la part de l'autorité compétente, avant le dépôt du dossier, des précisions sur les mesures les plus pertinentes, les plus efficaces et les plus adaptées, ainsi que les méthodes de mise en œuvre, au vu du projet envisagé.
Cette phase préliminaire facultative, que l'on dénomme phase de « cadrage préalable », est une opportunité que les acteurs se doivent de saisir.
C'est une manière pour les porteurs de projet de « co-construire » avec les autorités publiques les mesures les plus adéquates pour supprimer les atteintes portées à la biodiversité.
Cela implique cependant que le porteur de projet fournisse des informations précises sur la nature du projet et sa localisation.
– Étude d'optimisation. – La loi no 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience », a ajouté un article L. 300-1-1 au Code de l'urbanisme, selon lequel « toute action ou opération d'aménagement soumise à évaluation environnementale (…) doit faire l'objet (…) d'une étude d'optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée, en tenant compte de la qualité urbaine ainsi que de la préservation et de la restauration de la biodiversité et de la nature en ville ».
Cette étude d'optimisation de la densité des constructions est une réelle nouveauté.
Selon le CEREMA, elle trouverait sa place dans les projets ayant pour objet de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat ; d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques ; de favoriser le développement des loisirs et du tourisme ; de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur ; de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux ; de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser.
Un décret d'application du 27 décembre 2022 introduit un VII dans l'article R. 122-5 du Code de l'urbanisme, qui impose d'ajouter dans l'étude d'impact « les conclusions de l'étude d'optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée ainsi qu'une description de la façon dont il en est tenu compte ».
Les praticiens attendaient de ce décret qu'il précise le contenu de cette étude. Mais il n'apporte rien de plus que l'obligation de reprendre les conclusions de l'étude d'optimisation dans l'étude d'impact. Ce qui peut paraître surprenant étant donné que le dossier soumis à évaluation environnementale contient déjà l'étude d'impact ainsi que l'étude d'optimisation de la densité des constructions : cela revient en quelque sorte à dire les choses deux fois.

L'examen par l'autorité environnementale

– Avis. – Dans le cadre de la procédure d'évaluation environnementale, l'autorité environnementale est appelée à examiner et à émettre un avis sur le dossier du porteur de projet.
Elle peut consulter les collectivités locales et les groupements de collectivités qui sont intéressés par les incidences environnementales du projet sur le territoire concerné.
Les mesures d'évitement, de réduction et de compensation éventuelle sont examinées à cette occasion, l'autorité environnementale ayant la possibilité d'émettre des réserves si elles ne sont pas adaptées ou insuffisantes.
L'autorité environnementale produit également des « notes délibérées », qui constituent des synthèses commentées des avis qu'elle rend sur des projets et des réflexions.
Les porteurs de projet ont tout intérêt à prêter une attention particulière à cette doctrine importante.

La participation du public

– Enquête publique. – Une fois que l'autorité environnementale a rendu son avis, le public est invité à participer à la procédure d'évaluation environnementale dans le cadre de l'enquête publique.
Le public, tout comme le commissaire-enquêteur, a donc à connaître lui aussi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées par le porteur de projet et peut formuler des observations.
Dans une décision en date du 14 octobre 2011, le Conseil d'État a jugé que « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ».
La phase de participation du public est donc essentielle. L'absence ou l'insuffisance de précisions sur les mesures d'évitement, de réduction et de compensation peuvent fonder le juge administratif à annuler l'autorisation d'exploitation délivrée au porteur de projet.

La décision

– Prescriptions. – À l'issue de la phase d'enquête publique, l'autorité compétente est chargée de rendre une décision sur le projet qui lui est soumis.
Il convient de souligner que sa décision doit comporter les éléments visant à pérenniser la minimisation des atteintes à l'environnement. Autrement dit, elle doit préciser les prescriptions nécessaires que le porteur de projet devra respecter au titre de la séquence ERC.
Ces prescriptions, qui accompagnent obligatoirement la décision, ne doivent pas être confondues avec les arrêtés de prescriptions générales (APG) qui correspondent à des précisions sur les modalités d'application d'une réglementation. Pris par le ministre ou le préfet, ils fixent les prescriptions générales concernant les caractéristiques techniques propres à certaines catégories d'installations.
Il convient de préciser que si le projet fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, celle-ci doit, comme l'a décidé le Conseil d'État dans sa décision du 9 juillet 2018, « à peine d'illégalité, comporter, au moins dans leurs grandes lignes, compte tenu de l'état d'avancement des projets concernés, les mesures appropriées et suffisantes devant être mises à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi ».
On peut penser que l'acte par lequel le projet sera déclaré d'utilité publique reprendra les mesures d'évitement, de réduction et de compensation qui auront été présentées par le porteur de projet notamment dans l'étude d'impact.
Il n'est pas exclu non plus que l'autorité compétente décide de soumettre le projet à de nouvelles mesures si elle estime que celles proposées par le porteur de projet ne sont pas appropriées ou insuffisantes.

La modification du projet

– Incidences d'une modification du projet sur la séquence ERC. – Il n'est pas inhabituel qu'un projet préalablement autorisé fasse l'objet de modifications, notamment dans le cas d'extension.
Si le projet n'était pas soumis à évaluation environnementale mais que les modifications envisagées sont de telle ampleur qu'il franchit les seuils fixés par les textes au titre de l'évaluation environnementale, dans ce cas le porteur de projet devra soumettre des mesures d'évitement, de réduction ou de compensation.
Si le projet était déjà soumis à évaluation environnementale, le porteur de projet doit s'assurer que les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation qu'il avait projetées sont suffisantes au regard de la nature de la modification du projet envisagé. Si ce n'est pas le cas, il devra les modifier, voire les renouveler ou en adopter de nouvelles qui soient adaptées.

Évaluation environnementale, permis de construire et séquence ERC

– Jurisprudence administrative. – La séquence ERC est présente à chaque étape de la procédure d'évaluation environnementale.
Le principe d'indépendance des législations aurait pu conduire à considérer que cette séquence ERC était cantonnée à ce périmètre, en écartant celui de l'urbanisme.
Dans une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'État a cependant jugé en sens inverse en considérant que « lorsque le projet autorisé par le permis de construire est soumis à une étude d'impact en application des dispositions du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, notamment celles des lignes 36° et 37°, le permis de construire doit, à peine d'illégalité, être assorti, le cas échéant, des prescriptions spéciales imposant au demandeur, en plus de celles déjà prévues par la demande, les mesures appropriées et suffisantes pour assurer le respect du principe de prévention, destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet de construction ou d'aménagement sur l'environnement ou la santé humaine et, d'autre part, les mesures de suivi, tant des effets du projet sur l'environnement que des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser ces effets ».
Bien que rendue sous l'empire du régime antérieur à celui de l'évaluation environnementale auquel elle devrait trouver à s'appliquer, cette décision présente l'intérêt de préciser que le permis de construire soumis à étude d'impact doit prévoir les mesures de la séquence ERC, c'est-à-dire destinées à éviter, réduire, compenser les atteintes du projet sur l'environnement.
Rappelons également que si la décision est nouvelle s'agissant des autorisations d'urbanisme, le Conseil d'État avait déjà eu l'occasion de rendre une décision similaire concernant les déclarations d'utilité publique.
Témoin d'une certaine souplesse dans l'application du principe d'indépendance des législations, le rapporteur public souligne toutefois dans ses conclusions, qu'« il ne s'agit pas ici, d'incorporer dans l'autorisation d'urbanisme des prescriptions de type ERC qui seraient extérieures au droit de l'urbanisme et que les autorités compétentes au titre de l'urbanisme seraient bien en peine de contrôler ». Les prescriptions du permis de construire au titre de la séquence ERC devraient donc rester en rapport avec celui-ci.
La séquence ERC est donc intégrée, dans une certaine mesure seulement, au processus conduisant le porteur de projet à obtenir une autorisation pour sa réalisation. Elle revêt un caractère transversal, en ce sens qu'elle dépasse le cloisonnement habituel des procédures environnementales et d'urbanisme. Les porteurs de projet se doivent donc de soigner la composition de leur dossier afin de garantir sa solidité.