Permis de construire et occupation privative du domaine public

Permis de construire et occupation privative du domaine public

– Article R. 431-13 du Code de l'urbanisme. – Introduit par la réforme des autorisations d'urbanisme de 2005, l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme dispose que : « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ».
Cette disposition apporte de la souplesse aux projets de construction sur le domaine public ; elle a une finalité simplificatrice. Depuis le 1er octobre 2007, date de son entrée en vigueur, un occupant privatif du domaine public peut ainsi mener un projet de construction sur une dépendance domaniale sans avoir à joindre à son dossier de demande de permis de construire l'autorisation dont il est le bénéficiaire. Il lui suffit de produire « une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ». Le délai administratif d'une construction sur le domaine public s'en trouve raccourci. Quand le pétitionnaire d'un permis de construire n'est pas encore autorisé à occuper privativement le domaine public, il ne lui est pas nécessaire d'attendre l'achèvement de la procédure d'autorisation d'occupation privative du domaine public. Il peut engager sa demande de permis dès l'engagement de cette procédure d'autorisation.
L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire n'est par ailleurs pas fondée à exiger la production du titre d'occupation, c'est-à-dire la production d'une pièce complémentaire non exigée par le Code de l'urbanisme.
Le permis de construire peut être délivré sur la seule base de l'accord visé à l'article R. 431-13, alors même que l'autorisation d'occupation privative n'aurait pas encore été consentie.
– Champ d'application de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme. – L'article R. 431-13 est applicable, ainsi qu'il en dispose expressément, aux demandes de permis de construire.
Il est également applicable aux demandes de permis d'aménager, sur renvoi de l'article R. 441-6 du Code de l'urbanisme.
Mais il ne s'applique pas aux déclarations préalables. Elles ne comportent par conséquent aucune spécificité particulière liée au domaine public.
Il convient encore de préciser que l'exigence de l'article R. 431-13 ne concerne que « les projets de construction ». L'accord du gestionnaire du domaine public n'a donc pas à être joint à une demande de permis de construire quand l'occupation du domaine public envisagée n'a pas la nature d'une construction, tels des câbles souterrains empruntant le sous-sol du domaine public routier pour relier des éoliennes.
– Incidence de la qualification domaniale sur l'exigence de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme. – L'article R. 431-13 trouve à s'appliquer lorsqu'un projet de construction « porte sur une dépendance du domaine public ».
Comme il n'est pas toujours facile d'identifier une dépendance du domaine public, se pose la question de l'incidence de la qualification domaniale d'un bien constituant l'assiette d'un permis de construire sur la régularité de ce dernier au regard des dispositions de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme.
Marie Sirinelli souligne, dans ses conclusions sur un arrêt du Conseil d'État du 23 novembre 2022, que : « Selon la lettre même de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme, au stade de la constitution du dossier de permis, il importe seulement de se demander si le projet « porte » sur une dépendance du domaine public, terme dont le caractère général résonne en cohérence avec la seule exigence de saisine du service instructeur. Peut-être, in fine, qu'une autorisation ne sera pas nécessaire. Mais il faut avoir saisi le gestionnaire pour qu'il examine la question. L'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme nous semble ainsi exiger que soit démontrée la saisine du gestionnaire du domaine public dès lors que la construction présente un lien suffisamment fort avec ce domaine pour que l'on ne puisse exclure la nécessité de disposer d'une autorisation d'occupation ».
Même si cela reste à confirmer, l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme semble faire revivre la notion d'apparence au stade de l'analyse de la qualité à déposer une demande de permis de construire ou d'aménager. La notion de « propriétaire apparent » du droit antérieur à la réforme de 2005 pourrait s'être muée en « apparence de domaine public ». Une demande de permis de construire sur une propriété publique présentant l'apparence du domaine public devrait ainsi s'accompagner de l'accord de son gestionnaire pour engager la procédure d'autorisation, sauf à ce que la demande soit rejetée pour incomplétude. Et si le permis était délivré sans cette pièce, il serait entaché d'illégalité à défaut d'être régularisé par un permis modificatif. L'absence d'une telle pièce dans un dossier de demande de permis de construire ou d'aménager portant sur un bien ayant l'apparence du domaine public révélerait en effet au service instructeur que le pétitionnaire ne pouvait attester avoir la qualité requise par l'article R. 423-1 du Code de l'urbanisme.
À l'inverse, un permis de construire délivré sur un bien ne présentant pas l'apparence du domaine public ne devrait pas être entaché d'illégalité alors même que le bien s'avérerait par la suite relever du domaine public. Parmi de nombreuses chausse-trappes des qualifications domaniales, il pourrait en aller ainsi d'une dépendance non affectée n'ayant jamais été déclassée, ou encore d'un bien entré dans le domaine public maritime naturel par l'action des flots, voire d'un bien privé irrégulièrement soustrait au domaine public. Dans ces hypothèses, comme dans d'autres où le domaine public ne serait pas identifiable sans une analyse qu'il n'appartiendrait pas aux services instructeurs de mener, l'attestation d'un pétitionnaire reconnaissant remplir les conditions de l'article R. 423-1 du Code de l'urbanisme devrait suffire.
Le Conseil d'État en juge ainsi dans une affaire concernant des permis de construire délivrés sur une ancienne emprise hospitalière : « La cour, qui avait relevé que les sociétés bénéficiaires des deux permis de construire litigieux avaient attesté remplir les conditions prévues à l'article R. 423-1 du Code de l'urbanisme et que cette attestation n'était pas arguée de fraude, n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que le maire d'Annecy n'avait pas à exiger la production de pièces complémentaires et n'avait pas à vérifier l'existence d'une mesure de déclassement du domaine public prise par le centre hospitalier de la région d'Annecy ».
– Combinaison des articles R. 423-1 et R. 431-13 du Code de l'urbanisme. – Le pétitionnaire doit attester, en vertu de l'article R. 431-5 du Code de l'urbanisme, avoir la qualité requise par l'article R. 423-1 du même code pour présenter une demande de permis de construire ou d'aménager. Lorsqu'il n'est pas propriétaire du terrain, cela signifie qu'il doit attester être autorisé par celui-ci à exécuter les travaux.
L'occupant privatif du domaine public peut faire une telle attestation quand il bénéficie déjà d'un titre d'occupation lui permettant de construire sur la dépendance. Dans ce cas, bien que ce ne soit pas expressément prévu par le Code de l'urbanisme, il lui appartient de produire son titre d'occupation pour justifier de l'accord du gestionnaire du domaine public.
Lorsque le pétitionnaire n'est pas encore occupant privatif du domaine public mais a vocation à le devenir, il atteste également avoir les qualités requises pour présenter une demande de permis de construire ou d'aménager et joint, conformément aux dispositions de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme, une pièce exprimant l'accord du « gestionnaire » du domaine pour engager la procédure d'autorisation.
Une contradiction semble exister entre ces deux textes, le premier visant le « propriétaire » du terrain, le second le « gestionnaire » du domaine.
S'il est fréquent que le propriétaire d'une dépendance en soit aussi le gestionnaire, ce n'est pas toujours le cas. Mentionnons l'exemple d'une université affectataire d'un bâtiment de l'État, celui d'un établissement public de coopération intercommunale gérant la voirie appartenant à une commune membre, ou encore celui de concessionnaires du domaine public au sens de l'article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.
Le gestionnaire du domaine est alors compétent pour délivrer les titres d'occupation. Et c'est bien à lui qu'il appartient d'exprimer l'accord pour engager la procédure d'autorisation. Cette compétence n'entre cependant pas en conflit avec la situation du propriétaire de la dépendance, le gestionnaire tenant de ce dernier, si ce n'est d'une disposition législative, ses pouvoirs domaniaux.
Au sein de la personne publique gestionnaire du domaine public, qu'elle en soit ou non propriétaire, se pose la question de la compétence pour délivrer l'accord prévu à l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme. L'autorisation d'occuper le domaine public est en principe délivrée par l'exécutif d'une collectivité territoriale et, le plus souvent, par celui d'un établissement public. L'article R. 2241-1 du Code général des collectivités territoriales prévoit par exemple que « les autorisations d'occupation ou d'utilisation du domaine public communal sont délivrées par le maire ». Certaines autorisations ne peuvent cependant être délivrées que par une délibération de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public. Pour les communes, il en va par exemple ainsi de la conclusion des conventions d'occupation du domaine public qui relèvent de la compétence des conseils municipaux . Cette compétence peut être déléguée aux maires, et elle l'est le plus souvent, pour les conventions dont la durée n'excède pas douze ans. Au-delà de douze ans, les conseils municipaux ont une compétence non délégable. Il n'en reste pas moins que les maires, chargés de préparer les délibérations des conseils municipaux, sont à ce titre compétents pour engager la procédure d'autorisation domaniale, et donc pour exprimer l'accord de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme. Le raisonnement est le même pour tout autre exécutif d'une collectivité ou d'un établissement public. Sur la forme, cet accord peut par ailleurs résulter d'un simple courrier.
– Accord et procédure de sélection de l'occupant du domaine public. – Introduit par une ordonnance du 19 avril 2017, l'article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques prévoit que les autorisations d'occupation du domaine public permettant l'exploitation économique d'une dépendance ne peuvent, en principe, être délivrées qu'au terme d'une procédure de sélection impartiale et transparente.
Pour les autorisations entrant dans le champ de ces garanties d'impartialité et de transparence, se pose dès lors la question de l'articulation de la procédure de sélection et de l'expression de l'accord de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme.
En raison du principe d'indépendance des législations, il n'appartient pas à l'autorité d'urbanisme de vérifier que la procédure engagée en vue de la délivrance de l'autorisation d'occupation du domaine public respecte les dispositions des articles L. 2122-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques.
Mais donner un tel accord à un candidat avant même l'achèvement de la procédure de sélection pourrait constituer une rupture d'égalité entre candidats, fragilisant la légalité non pas du permis de construire, mais de l'autorisation domaniale à délivrer.
Il conviendrait donc d'attendre l'aboutissement de la procédure de sélection pour donner l'accord de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme au candidat retenu, avec cependant le risque que sa demande de permis de construire soit rejetée.
Mais il pourrait également être envisagé de donner à chaque candidat un courrier exprimant l'accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d'autorisation, puisque telle est bien la situation d'une procédure de sélection, et de suspendre la procédure de sélection le temps de l'instruction des permis de construire. Cette manière de faire serait conforme aux garanties d'impartialité et de transparence de la procédure de sélection. Mais elle serait particulièrement lourde à gérer pour les services instructeurs des autorisations d'urbanisme.
Elle pourrait être plus adaptée à la réception par le gestionnaire du domaine public d'une manifestation spontanée d'intérêt le conduisant à vérifier l'absence d'intérêt concurrent. Mais, là encore, si l'accord de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme est donné au candidat spontané, il conviendrait qu'il le soit à chaque éventuel candidat concurrent.
– Indépendance des législations. – Comme la jurisprudence l'admet de longue date, le principe d'indépendance des législations s'oppose à ce qu'il soit tenu compte, pour la délivrance d'une autorisation d'urbanisme, des conditions de fond de l'occupation du domaine public. Ainsi qu'en juge le Conseil d'État dans un arrêt de section du 18 octobre 1993, « les règles d'affectation des dépendances du domaine public communal ne sont [pas] au nombre de celles dont l'autorité qui délivre le permis de construire doit assurer le respect ».
Une décision récente du Conseil d'État du 23 novembre 2022 en apporte la confirmation à propos d'éléments d'un bâtiment construits en surplomb du domaine public : « En recherchant ainsi, non pas si le dossier de demande comportait la pièce qui était requise par l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme dès lors que le projet portait sur une dépendance du domaine public, mais si ce projet pourrait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique, le tribunal a commis une erreur de droit ».
De son côté, un permis de construire ne tient jamais lieu d'autorisation domaniale, y compris pour l'autorisation unique relative à l'installation d'éoliennes dont il est jugé qu'elle ne vaut pas autorisation d'occupation privative du domaine public.

Surplombs et saillies sur le domaine public

L'article L. 112-5 du Code de la voirie routière dispose qu'« aucune construction nouvelle ne peut, à quelque hauteur que ce soit, empiéter sur l'alignement, sous réserve des règles particulières relatives aux saillies ».
Une saillie constitue un élément d'un ouvrage qui dépasse l'alignement, tel que la toiture, le balcon, les marquises, ainsi que tous les ornements ou moulures comme les pilastres, chambranles, plinthes, archivoltes, corniches ou appuis.
Les règles applicables aux saillies sont prévues par les règlements de voirie, auxquels il convient de se référer au cas par cas. Les documents d'urbanisme, comme les plans locaux d'urbanisme, peuvent également comporter des dispositions spécifiques à leur égard.
La question se pose dans ce cadre de savoir si le simple fait de renvoyer à un document d'urbanisme suffit pour remplir la condition fixée par l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme.
Dans un jugement du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a été amené à juger que « l'accord du gestionnaire de domaine public est requis de manière expresse lorsque le projet de construction comporte un surplomb au-dessus d'une dépendance du domaine public ». Cette décision est motivée par le fait que le PLU de Paris ne prévoit pas que les saillies sont par principe autorisées, mais peuvent être autorisées si les critères notamment de dimensions fixés par le PLU sont respectés.
Le Conseil d'État a ultérieurement clarifié la jurisprudence. Dans l'arrêt Rolland du 23 novembre 2022, précité, il retient une conception objective et purement formelle de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme d'où il résulte que toute demande de permis portant sur un projet de construction prévoyant des surplombs ou saillies sur le domaine public doit comporter la pièce exigée par l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme, même si une autorisation d'occupation ne s'avère pas nécessaire par la suite.
Ainsi, même si la réglementation d'urbanisme autorise les constructions en surplomb du domaine public, le pétitionnaire devra joindre à sa demande de permis de construire l'accord visé à l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme.