Permis de construire et domaine public ayant vocation à être déclassé

Permis de construire et domaine public ayant vocation à être déclassé

– Situation du domaine public voué à déclassement. – L'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme ne traite que du cas où la personne privée est un occupant privatif du domaine public et a, a priori, vocation à le demeurer. Or il ne s'agit pas de la seule hypothèse en pratique où une personne dépose un permis de construire sur une dépendance du domaine public.
Il est en effet fréquent qu'un opérateur privé dépose une demande de permis de construire sur un bien dépendant du domaine public qui a vocation à en sortir à terme. Cette pratique est d'autant plus fréquente aujourd'hui qu'est admise la possibilité de conclure une promesse de vente sous la condition suspensive du déclassement du domaine public (accompagnée souvent d'une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire).
– Jurisprudence sur le « principe de déclassement ». – Avant l'entrée en vigueur de la réforme des autorisations d'urbanisme en 2005, le Conseil d'État avait eu l'occasion de régler la question par une décision du 23 avril 2003 dont le considérant principal reste intéressant à citer : « Si le tribunal administratif de Marseille, par le jugement du 13 juin 2002 devenu définitif, a annulé partiellement la délibération du conseil municipal de la ville de Marseille en date du 27 mars 2000 prononçant, après enquête publique, le déclassement de parcelles appartenant au domaine public communal, en tant qu'elle a procédé au déclassement de la rue Frégier alors que cette voie devait, après l'achèvement des travaux, demeurer affectée à la circulation publique, cette annulation partielle est sans effet sur la délibération antérieure par laquelle la ville de Marseille a, le 29 mars 1999, approuvé le principe du déclassement en même temps qu'elle consentait une promesse de vente à la SNC George V ; que, dans ces conditions, la SNC George V justifiait, au sens de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, de titres l'habilitant à construire ; que le moyen tiré de la violation de ces dispositions n'est, par suite, pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des permis attaqués ».
Le Conseil d'État admettait dans cet arrêt que le pétitionnaire pouvait joindre à l'appui de sa demande de permis de construire une délibération du conseil municipal décidant d'un principe de déclassement de l'emprise du domaine public destinée à lui être cédée afin de respecter les conditions fixées par l'ancien article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme.
Cette jurisprudence reste toujours valable : l'article R. 431-13 n'est pas applicable quand un permis de construire doit être exécuté sur une dépendance devenue la propriété du pétitionnaire, après déclassement. Seule la construction sur une dépendance du domaine public faisant l'objet d'une occupation privative entre dans les prévisions de cet article.
– Qualité pour présenter une demande de permis de construire. – Il revient au pétitionnaire qui anticipe la cession de la dépendance domaniale d'attester qu'il a les qualités requises pour présenter une demande de permis de construire, conformément aux dispositions de l'article R. 423-1 du Code de l'urbanisme.
Il ne peut attester d'une telle qualité, sans produire l'accord de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme inapplicable à sa situation, que si la dépendance a vocation à être déclassée et à lui être cédée.
C'est le cas s'il est bénéficiaire d'une promesse de vente du domaine public sous condition suspensive de déclassement.
C'est également le cas, à défaut de promesse, en présence d'une décision de déclassement de principe intervenant en amont d'un processus de vente. Ce « principe de déclassement » ne doit pas être confondu avec le déclassement par anticipation prévu par l'article L. 2141-2 du Code général de la propriété des personnes publiques, car il ne s'agit pas à proprement parler d'un déclassement. Il consiste à ce que l'organe délibérant de la personne publique décide d'un « principe » de déclassement du domaine public, ce qui signifie que le bien n'est pas déclassé dans l'immédiat, mais a vocation à l'être de façon certaine dans un avenir proche, permettant ainsi au pétitionnaire de déposer sa demande de permis de construire.
Pour ne pas induire en erreur le service instructeur d'une autorisation d'urbanisme, dès lors que la demande de permis de construire porte au moment de sa présentation sur une dépendance du domaine public, il convient de joindre au dossier la promesse de vente ou a minima la délibération décidant du principe de déclassement. À défaut de le faire, il pourra être considéré que le permis porte sur une dépendance devant faire l'objet d'une occupation privative, et l'absence d'accord de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme sera reprochée.
Sur la base d'une promesse de vente ou d'une délibération actant d'un principe de déclassement, le pétitionnaire a les qualités requises pour déposer sa demande de permis. Celle-ci pourra être instruite et, le cas échéant, le permis délivré quelle que soit la situation domaniale de la dépendance. Au moment où il est statué sur la demande de permis, la dépendance peut avoir été incorporée dans le domaine privé à la suite de son déclassement, avoir été ou non cédée, ou être toujours dans le domaine public. C'est indifférent au regard du droit de l'urbanisme. Il reste en revanche bien évident que le permis de construire ne pourra pas être mis en œuvre tant que la dépendance n'aura pas été déclassée et cédée à son pétitionnaire.

Vente du domaine public et principe de déclassement

Nous considérons qu'il devrait toujours être possible de procéder par le biais d'un déclassement de principe prononcé par délibération du conseil municipal, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État <em>Association « Vivre à Endoume »</em> précitée (V. <em>supra</em>, n° ). Ou bien à tout le moins de joindre une copie de la délibération autorisant le maire à signer une promesse de vente sous condition suspensive de déclassement, ainsi que la copie de la promesse elle-même qui devra comporter l'autorisation explicite pour son bénéficiaire de déposer une demande de permis de construire.

L'absence de décision jurisprudentielle claire laisse cependant planer le doute sur cette question.

– Permis de construire et procédure de déclassement par anticipation. – L'article L. 2141-2 du Code général de la propriété des personnes publiques prévoit la possibilité pour les personnes publiques de décider d'un déclassement par anticipation.
Dans cette hypothèse, le porteur de projet devient propriétaire d'un bien qui a été déclassé du domaine public mais reste affecté à un service public ou à l'usage direct du public, et donc occupé par la personne publique précédemment propriétaire, pendant un temps donné.
Le bien étant désormais dans le domaine privé, et appartenant à un propriétaire privé, si celui-ci dépose une demande de permis de construire, il n'est pas nécessaire qu'il dépose la pièce exigée par l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme.
Qu'en est-il cependant si, bénéficiaire d'une promesse de vente portant sur un bien du domaine public sous condition suspensive de son déclassement par anticipation, le porteur de projet souhaite déposer sa demande de permis de construire sans attendre que le bien ait été effectivement déclassé ? Dans ce cas, le bien étant toujours dans le domaine public, il lui revient de déposer à l'appui de son dossier de demande de permis de construire soit une décision de déclassement de principe, soit l'accord explicite du conseil municipal de déposer sa demande, ainsi que nous l'avons évoqué plus haut. Et si tel n'était pas le cas, le juge admet que la délibération prononçant le déclassement par anticipation qui interviendrait ultérieurement serait de nature à régulariser la situation du pétitionnaire.
– Tableau de synthèse. – En guise de conclusion, et sans vouloir prétendre à être exhaustif, nous proposons une brève synthèse des situations que nous pensons possibles et des pièces à recueillir pour chacune d'elles, tel que développé ci-avant :