L'urbanisme contractuel en mode projet : les protocoles fonciers

L'urbanisme contractuel en mode projet : les protocoles fonciers

– L'urbanisme contractuel à l'échelle du projet. – Le contrat peut également s'envisager à l'échelle du projet pour servir de cadre juridique au dialogue qui s'instaure alors entre l'opérateur, le vendeur et la ou les collectivités concernées en phase amont d'une opération de réhabilitation, de construction ou d'aménagement essentiellement en milieu urbain.
Pour illustrer nos propos, nous prendrons à titre d'exemple la reconversion du Palais du commerce à Rennes, qui a donné lieu à deux types de protocoles.
Nous ne traiterons pas en revanche des appels à manifestation d'intérêt ou appels à projets, qui ont déjà été largement évoqués par le 119e Congrès des notaires de France, notamment sous l'angle de la commande publique.

Reconversion du Palais du commerce à Rennes : protocole et protocole d'évaluation

Suite à un appel à projet pour la vente du Palais du commerce, bâtiment central et emblématique de la ville appartenant à une filiale du groupe La Poste, la Ville et la Métropole vont signer, avec le vendeur et l'acquéreur, outre un projet urbain partenarial qui traite du financement des aménagements publics aux abords du bâtiment, deux protocoles :

– Le contrat à l'aide du temps long des opérations. – En réalité, ce projet a fait l'objet d'un troisième protocole, plus classique : un protocole foncier.
Il s'agit d'un contrat préalable à la promesse de vente comportant, d'une part, des obligations de faire et de ne pas faire et permettant, d'autre part, d'identifier les contraintes du projet et ainsi de rédiger les conditions suspensives adéquates de la promesse de vente qui suivra cette première phase.
À ce stade, il n'y a pas encore d'engagement de vendre ni d'acquérir, mais simplement des intentions de vendre et d'acquérir, avec un propriétaire qui s'interdit de conférer des droits réels ou personnels sur son bien (sauf à en obtenir l'extinction avant la vente définitive) et un candidat acquéreur qui s'engage à mener des actions préalables qui permettront de passer à la phase de signature d'une promesse de vente synallagmatique, laquelle engagera alors les parties.

Reconversion du Palais du commerce à Rennes : protocole foncier

<strong>Les obligations de faire à la charge du candidat acquéreur</strong> sont les suivantes : se concerter avec les services concessionnaires des réseaux et ouvrages, ainsi qu'avec la collectivité maître d'ouvrage de la ligne de métro située en dessous et à proximité immédiate, réaliser les études et audits techniques relatifs à la situation environnementale, au curage, désamiantage et déplombage du bâtiment, préparer le dossier de conception de réhabilitation du bâtiment, convenir des conditions du projet urbain partenarial avec la collectivité, préparer les dossiers de demande d'autorisations d'urbanisme et environnementales (évaluation environnementale, permis de construire valant permis de démolir partiel et autorisation d'exploitation commerciale, autorisation de changement d'usage, autorisation loi sur l'eau…), négocier avec certains locataires en place pour favoriser leur maintien sur site.

<strong>Quant au propriétaire et à la collectivité</strong>, ils s'engagent à ne pas vendre à un tiers et à réserver le bien au candidat-acquéreur, à missionner un géomètre-expert pour réaliser le découpage parcellaire nécessaire à l'identification des biens, à mener les procédures de déclassement par anticipation d'une partie du domaine public, et à adopter une posture coopérative avec le porteur de projet.

Les <strong>conditions préalables</strong> du protocole dont la réalisation conditionne le passage à la phase « promesse » sont les suivantes : l'approbation du projet urbain partenarial pour le financement des opérations de requalification des espaces publics rendus nécessaires par le projet, la modification du PLU, la réalisation des études environnementales et techniques faisant ressortir les coûts associés et notamment les travaux de désamiantage-déplombage n'excédant pas un montant déterminé (une estimation inférieure audit seuil donnant lieu à un complément de prix), l'absence de prescription de diagnostic de fouilles archéologiques.

Une clause de rencontre est prévue en cas de difficultés, notamment pour la réalisation de certaines conditions préalables qui, au moment de la signature du protocole foncier, ne peuvent pas être suffisamment précisées. À défaut d'accord, le protocole est caduc sans indemnité de part ni d'autre.

Afin d'assurer la bonne foi des parties dans leurs engagements de faire, le protocole stipule des obligations réciproques de communication et de coopération, avec un comité de suivi sur les aspects principalement techniques du dossier, et un comité décisionnel en cas de difficultés.

Le protocole foncier comporte d'ores et déjà les <strong>modalités de la promesse</strong> de vente qui sera signée dans un second temps, avec un calendrier prévisionnel ainsi que les conditions suspensives que sont la purge des droits de préemption et/ou de préférence, l'obtention des autorisations d'urbanisme et environnementales définitives, le caractère définitif des délibérations de la collectivité publique autorisant le déclassement par anticipation, puis la vente.

Cette fois, la caducité potentielle de la promesse de vente et/ou le défaut de l'une des parties sont sanctionnés financièrement au moyen d'une pénalité forfaitaire, garantie par le versement d'un dépôt de garantie ou d'un cautionnement bancaire pour ce qui concerne le candidat-acquéreur.

Le protocole foncier, un outil protéiforme. – On trouve également ce type d'engagements dans les promesses de vente dites « à double détente », avec une première période pendant laquelle le vendeur réserve son foncier à un promoteur qui a ainsi le temps d'étudier les contraintes et potentialités du projet (audit juridique et technique, discussion avec les autorités compétentes pour délivrer les autorisations urbanistiques et environnementales et concertation avec les propriétaires riverains), et à l'issue de laquelle le promoteur peut se désengager sans pénalité financière si les études préalables démontrent que le projet n'est pas viable.
Les protocoles fonciers se sont développés à la fin des années 1990, principalement à Paris et dans les grandes métropoles, pour des opérations d'aménagement comportant des fonciers dépendant du domaine public et/ou qui nécessitaient, avant leur déclassement, la reconstitution d'équipements publics, comme les grandes propriétés de l'État, de la SNCF ou de Réseau ferré de France (RFF). Le recours au protocole foncier permettait en effet de contourner l'interdiction pour la collectivité publique de prendre des engagements sur le domaine public avant sa désaffectation et son déclassement. L'instauration, avec l'ordonnance du 19 avril 2017, de la promesse de vente sous condition suspensive de déclassement et du déclassement par anticipation n'a pas pour autant mis un coup d'arrêt à la pratique des protocoles fonciers. Depuis les années 2000, on les retrouve dans les grandes opérations urbaines dans lesquelles l'aménageur d'une zone et la collectivité locale souhaitent intégrer l'opérateur privé dès la phase de conception du projet afin que celui-ci respecte des objectifs de qualité architecturale et environnementale, de programmation en termes de logement, de service et commerce, à l'exemple du projet Renaissance du Palais du commerce à Rennes.
La difficulté de ce type de protocole résulte du temps long des opérations de grande ampleur qui en sont généralement l'objet. En effet, le protocole foncier, comme celui cité en exemple, comporte d'ores et déjà l'ensemble des conditions suspensives qui seront stipulées à la promesse à un moment où il n'est pas possible de les déterminer avec précision. On en revient à contractualiser les éléments essentiels de la vente pendant un délai qui s'écoule sur plusieurs années, au risque de se retrouver au moment de la vente, voire de la promesse, avec « des clauses qui sont devenues économiquement non viables ou opérationnellement obsolètes ».
Malgré cet inconvénient, nous pensons que ces protocoles fonciers ont leur utilité non seulement dans les grandes opérations de renouvellement urbain, à un stade potentiellement où le propriétaire n'a pas encore la maîtrise de son foncier, mais également dans la plupart des ventes au profit de promoteurs immobiliers. L'objectif prioritaire de ces derniers est en effet de bloquer rapidement le terrain d'assiette du projet, puis d'avoir le temps de réaliser les études préalables au dépôt de leur demande de permis de construire. La signature d'un protocole foncier permettrait de définir le cadre des engagements et actions de chacun pendant cette période préalable à la signature de la promesse de vente, qui n'interviendrait qu'au stade où les conditions suspensives seraient clairement définies tant en termes de procédures que de délais. Le protocole foncier pourrait ainsi définir un prix prévisionnel ou a minima déterminable, dont la fixation définitive dépendrait du résultat des audits techniques et juridiques du projet (périmètre exact du foncier, autorisations à requérir en matière d'urbanisme et d'environnement, travaux éventuels de dépollution, procédure de participation du public, etc.). À l'heure de la clause filet qui peut déclencher la réalisation d'une étude d'impact, des obligations diverses et variées qui résultent des chartes, que ce soit en termes de performance énergétique, d'externalités positives ou de concertation avec le public, les porteurs de projet ont besoin de ce temps en amont. Cela éviterait les promesses signées « à la va-vite », qui nécessitent ensuite de multiples avenants, si ce n'est des abandons, car peu adaptées à la complexité grandissante des autorisations à obtenir.