L'interdiction de contractualiser la police de l'urbanisme

L'interdiction de contractualiser la police de l'urbanisme

– L'interdiction des pactes sur urbanisation future. – « Le droit de l'urbanisme, droit de contrainte, se traduit par l'édiction d'actes unilatéraux et ne laisse, sauf exceptions, aucune place au procédé contractuel ». Le principe d'exclusion du droit de l'urbanisme de la sphère contractuelle, aussi affirmé soit-il, est bousculé par les lois d'aménagement favorisant la conduite des opérations d'urbanisme. C'est le cas des contrats d'aménagement (convention d'aménagement et concession d'aménagement). Mais, comme le relevait le professeur Étienne Fatôme, « si l'administration peut confier par contrat la réalisation de ses opérations d'urbanisme à des tiers, en revanche elle n'est pas en droit de contracter sur l'exercice des autres compétences que lui confère le Code de l'urbanisme, qu'il s'agisse de ses compétences d'édicter des règles d'urbanisme, de délivrer les autorisations individuelles et certificats d'urbanisme, de décider de la réalisation d'opérations d'urbanisme, etc. ».
Ainsi, par principe, toute convention tendant à conditionner l'octroi d'une autorisation d'occuper le sol à l'exécution par le maître d'ouvrage d'une obligation est illégale, l'objet même de la convention étant illicite. L'autorité administrative ne peut disposer de son pouvoir de police en dehors des cas prévus par la loi. L'interdiction faite à l'administration de s'engager dans la voie contractuelle au titre d'une décision relevant de son pouvoir a tout naturellement conduit le juge administratif, dans une décision Commune de la Chapelle-en-Serval du 2 octobre 1992, à procéder à une requalification en acte préparatoire d'une telle convention, refusant ainsi l'existence qu'un tel accord puisse seulement exister.
Mais la notion d'urbanisme contractuel peut-elle s'apprécier sous un prisme différent, en des termes étrangers à l'intérêt particulier pour le maître d'ouvrage d'obtenir une autorisation individuelle ?
– Les contours de « l'urbanisme contractuel ». – En 2012, dans ses « Douze propositions pour 2012 – Le Livre blanc des géomètres-experts », l'Ordre des géomètres-experts proposait de « libéraliser le droit de l'urbanisme par la voie du contrat ». Défendant une approche qualitative de l'urbanisme, il proposait d'instaurer une réelle contractualisation dans la définition et la réalisation d'un projet urbain entre son porteur et l'autorité publique concernée.
La proposition, largement relayée depuis par de nombreux auteurs, tient au fait que la règle locale d'urbanisme souffre de nombreux maux : sa prolixité, sa complexité, ainsi que les limitations excessives à la constructibilité ont pour effet d'étouffer toute possibilité d'innovation.
S'il est possible de déceler dans la concertation facultative prévue à l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme une volonté de favoriser la co-construction du projet, et permet d'y voir un ersatz de contrat, cette procédure ne nous paraît pas relever d'un urbanisme contractuel. En pratique, en effet (et même si le texte de l'article L. 300-2 prévoit que la concertation est réalisée préalablement au dépôt de la demande d'autorisation), le dossier présenté à la concertation est généralement déjà défini à ce stade. La marge de négociation après le résultat de la concertation est réduite à la portion congrue, contribuant ainsi à une certaine défiance des parties intéressées quant à la possibilité d'infléchir « les invariants » du projet conjointement arrêtés par la collectivité et le porteur du projet.
C'est donc en amont de cette phase facultative qu'il convient d'envisager le domaine de l'urbanisme contractuel. Il participe de la notion d'urbanisme de projet instituée par la loi SRU puis consacrée par les lois Grenelle et ALUR, dans un objectif affirmé de promouvoir et privilégier le qualitatif sur le quantitatif.
Il est possible d'identifier plusieurs axes de négociation avec l'autorité administrative.
La négociation peut d'abord être induite par les dérogations aux règles d'un plan local d'urbanisme que rendent possibles les articles L. 152-3 à L. 152-6-4 du Code de l'urbanisme. Initialement envisagées pour favoriser la production de logements sociaux, ces dérogations sont aujourd'hui principalement justifiées par des raisons environnementales. Nous en réservons l'étude au chapitre relatif à l'examen du projet par l'administration (V. infra, nos et s.).
Nonobstant les dérogations aux règles d'un plan local d'urbanisme, la négociation semble être aujourd'hui essentiellement circonscrite aux aspects financiers d'un projet, via par exemple un projet urbain partenarial (PUP), étant entendu que les chartes dites « promoteur », même signées, n'ont rien d'itératif et s'apparentent plus à un contrat d'adhésion. Si leur légalité interroge, elles n'en demeurent pas moins utiles d'un point de vue téléologique. L'adhésion des opérateurs à ces « chartes » participe d'une volonté commune d'emporter l'adhésion des administrés et de limiter les risques de contestation.
Tel est l'objectif de l'urbanisme contractuel à l'aune des bouleversements environnementaux dont nous percevons les prémices.