– Plan. – Les arbres sont l'objet de règles de distance d'implantation prévues par les articles 671 et 672 du Code civil (A) qui, aussi importantes qu'elles soient dans les relations de voisinage, ne sont que supplétives (B).
Les prescriptions relatives à la distance d'implantation des arbres
Les prescriptions relatives à la distance d'implantation des arbres
Les règles fixées par le Code civil
– L'application stricte de la règle des distances légales. – Aux termes des articles 671 et 672 du Code civil, si le propriétaire d'un terrain peut y planter un arbre, il ne peut le faire qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers ou les usages locaux, ou, à défaut de telles règles spéciales, qu'à une distance de deux mètres depuis la ligne séparative pour les plantations qui dépassent deux mètres de hauteur et à une distance de 50 centimètres pour les autres plantations (celles dont la hauteur n'est pas supérieure à 2 mètres).
En cas de méconnaissance des distances légales, le voisin peut demander que les arbres soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée. Si l'arbre est implanté à plus de 50 centimètres et moins de deux mètres de la ligne séparative de propriété, le propriétaire de ce dernier peut choisir entre l'arrachage ou la réduction. Cependant, si la plantation est implantée à moins de 50 centimètres, elle sera nécessairement arrachée si le voisin le demande.
La Cour de cassation prononce l'arrachage ou la réduction, peu importe le caractère minime du dépassement et l'absence de préjudice subi par le voisin.
À noter que l'arrachage a pu être remplacé par des méthodes « moins destructrices et moins coûteuses », à l'image du tronçonnage des arbres au niveau du sol si celui-ci était suivi d'une dévitalisation des souches.
– Constitutionnalité des articles 671 et 672 du Code civil. – Le Conseil constitutionnel a été saisi en 2014 d'une question prioritaire de constitutionnalité sur les articles 671 et 672 du Code civil, pour laquelle étaient invoqués tant la Charte de l'environnement (Préambule, art. 1er à 4 et 6) que le droit de propriété résultant de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Après avoir écarté l'article 6 de la Charte de l'environnement, qui n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit, il juge que les articles du Code civil ne sont pas contraires à la Charte de l'environnement :
« Considérant que ces dispositions sont relatives aux règles de distance et de hauteur de végétaux plantés à proximité de la limite de fonds voisins ; que leur application peut conduire à ce que des végétaux plantés en méconnaissance de ces règles de distance soient arrachés ou réduits ; que ces dispositions s'appliquent sans préjudice du respect des règles particulières relatives à la protection de l'environnement, notamment l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme ; qu'eu égard à l'objet et à la portée des dispositions contestées, l'arrachage de végétaux qu'elles prévoient est insusceptible d'avoir des conséquences sur l'environnement ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la Charte de l'environnement est inopérant ».
Sur le respect du droit de propriété, le Conseil constitutionnel considère « qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les modalités selon lesquelles les droits des propriétaires de fonds voisins doivent être conciliés ; que les servitudes de voisinage sont au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ».
Il en déduit, en premier lieu, « que la servitude établie par les dispositions contestées n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 » et, en second lieu, que « d'une part, en imposant le respect de certaines distances pour les plantations en limite de la propriété voisine, le législateur a entendu assurer des relations de bon voisinage et prévenir les litiges ; que les dispositions contestées poursuivent donc un but d'intérêt général » et que « d'autre part, les dispositions contestées ne s'appliquent qu'aux plantations situées en limite de la propriété voisine ; qu'en présence d'un mur séparatif, des arbres, arbrisseaux et arbustes de toute espèce peuvent être plantés en espalier « sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance » ; que l'option entre l'arrachage et la réduction appartient au propriétaire ; que celui-ci a en outre le droit de s'y opposer en invoquant l'existence d'un titre, « la destination du père de famille » ou la prescription trentenaire ; que l'atteinte portée par les dispositions contestées à l'exercice du droit de propriété ne revêt donc pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte au droit de propriété doivent être écartés ».
Tempéraments et possibilité d'y renoncer
– Les articles 671 et 672 ne sont pas d'ordre public. – Les articles 671 et 672 du Code civil ne sont applicables qu'à défaut de règlements particuliers ou d'usages constants et reconnus.
Il en va ainsi d'arrêtés, documents d'urbanisme, servitudes d'utilité publique prescrivant des distances ou hauteurs particulières, ou de distances prescrites par un cahier des charges de lotissement. Il en est également de même par les usages, notamment l'usage parisien qui s'étend à toutes les communes de la banlieue, qui ne prescrit aucune distance sous réserve d'une gêne excessive causée au voisin, l'usage de Bordeaux, ou encore l'usage de Marseille qui ne prescrivent pas non plus de distance.
Le classement d'un arbre en espace boisé classé ou en une protection spécifique au titre de l'urbanisme permet également de faire échec au Code civil. Le classement comme espace boisé au sens de l'article L. 113-1 du Code de l'urbanisme prime l'article 671 du Code civil : « Attendu qu'ayant souverainement retenu que les arbres des époux Roudaut, dont l'arrachage était demandé par M. Gelat, étaient situés dans la zone boisée à conserver et à protéger du plan d'occupation des sols de la commune, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les dispositions de l'article 671 du Code civil n'ayant qu'un caractère supplétif et les distances prévues par ce texte ne s'imposant qu'à défaut d'usage ou de règlement contraire, le classement du site en espace boisé faisait obstacle à l'arrachage de ces arbres et a, par ces motifs, propres et adoptés, légalement justifié sa décision ».
Par ailleurs, le propriétaire de l'arbre peut faire échec à l'arrachage ou à la réduction en se prévalant de la prescription acquisitive, s'il peut démontrer que son arbre est implanté depuis plus de trente ans en méconnaissance des distances légales, dans le respect des exigences liées à l'article 2261 du Code civil. Il en est de même aux termes de l'article 672 du Code civil si le propriétaire démontre l'existence d'une servitude par destination du père de famille.
– La renonciation à se prévaloir de l'article 672 peut également prendre la forme d'une servitude établie par le notaire. – Il est également possible de renoncer à se prévaloir des dispositions du Code civil soit dans le cadre d'un acte de vente, soit dans le cadre de la mise en place d'une servitude ad hoc. C'est à ce titre que les notaires ont un rôle déterminant à jouer.
Un arrêt récent est tout à fait topique sur le sujet et reconnaît clairement la possibilité d'instituer une telle servitude. En l'espèce, un particulier avait acquis de son voisin deux petites parcelles sur lesquelles se trouvait un vieux chêne implanté en limite de propriété. Le vendeur restait propriétaire de la parcelle mitoyenne cadastrée. L'acte de vente du 23 octobre 1990 précisait que : « Les parties précisent que sur le terrain vendu est implanté un chêne. Le vendeur renonce dès à présent à tous les droits que lui réserve la loi relativement aux branches et aux racines de cet arbre (article 672 et 673 du Code civil). La volonté réciproque des parties est en effet de maintenir cet arbre dans son état naturel ».
Après le décès du vendeur, sa propriété fut vendue par ses héritiers à une société qui y réalisa un lotissement. Puis, un couple acquit un terrain à bâtir constituant le lot no 5 du lotissement, portant sur les parcelles cadastrées. L'acte de vente du lot no 5 rappelait dans son paragraphe relatif aux servitudes celle créée par l'acte du 23 octobre 1990, qui avait été publiée. Les acquéreurs du lot no 5, après obtention d'un permis de construire, débutèrent en janvier 2011 des travaux de construction de leur maison, qui furent achevés en 2014 sans contestation de leur conformité au permis de construire.
Toutefois, au début des travaux, leur voisin avait fait constater par huissier de justice « qu'un tractopelle avait commencé à creuser les fondations sur une profondeur d'environ 1 m et que des ramifications de racines étaient visibles à proximité du chêne, certaines de taille importante allant jusqu'à environ 4 à 5 centimètres de diamètre », puis les avait assignés en 2014 en démolition notamment des ouvrages qui violaient selon le demandeur « la servitude constituée aux termes de l'acte du 23 octobre 1990 (immeuble et piscine) sur une périphérie de 8 m autour du tronc de l'arbre ». Les voisins assignés contestaient que la renonciation aux droits tirés des articles 672 et 673 du Code civil constituait une servitude. Saisie de ce litige, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré que la renonciation constituait bien une servitude : « La rédaction de la clause dans l'acte du 23 octobre 1990 doit s'analyser comme une servitude en ce qu'elle vise les fonds concernés, a été publiée au bureau des hypothèques d'[Localité 3] le 16 novembre 1990, volume 90P no 72, puis mentionnée dans l'acte d'acquisition des époux [U], qui se trouvent ainsi tenus par l'engagement de leur auteur, pris en sa qualité de propriétaire du fonds 300, à « renoncer à tous les droits que leur réserve la loi relativement aux branches et aux racines de cet arbre (article 672 et 673 du Code civil) ». Ledit engagement, ayant été pris selon la commune volonté des parties de « maintenir l'arbre dans son état naturel », ne se limitait pas à une obligation personnelle mais concernait bien les propriétaires successifs des terrains concernés. En cela, ils ont bien créé une servitude interdisant aux propriétaires du fonds 300 de se prévaloir des droits tirés des articles 672 et 673 du Code civil ».
Elle a toutefois rejeté la demande en démolition des ouvrages réalisés, considérant que, s'il était démontré que les branches de l'arbre avaient été coupées, « rien ne permet d'établir que les constructions édifiées soient implantées de telle manière qu'elles empêchent l'épanouissement de l'arbre, et que seule leur démolition permettrait de le maintenir dans son état naturel, cette sanction ne paraissant pas appropriée à faire cesser la violation de la servitude instituée » et que « plus de dix ans sont passés depuis les coupes et constructions dénoncées et l'arbre est toujours en place, les photographies et documentations générales produites étant totalement insuffisantes à établir qu'il dépérit en l'absence de tout examen particulier dudit arbre par un professionnel ».
Dans cet arrêt, la cour d'appel d'Aix-en-Provence qualifie de servitude une renonciation à se prévaloir des articles 672 et 673 du Code civil en vue de protéger un vieux chêne, ce qui assure sa pérennité et donc la protection de l'arbre.