– Objectif. – Pour lutter contre l'artificialisation des sols, le législateur vise à faire disparaître les friches existantes et prévenir l'apparition de nouvelles friches. Pour y parvenir, outre les outils traditionnels, les collectivités et les pouvoirs publics disposent de leviers spécifiques.
Les outils de réhabilitation des ZAE
Les outils de réhabilitation des ZAE
L'article L. 752-1, alinéas 11 et 12 du Code de commerce
– Obligation de démantèlement. – Le propriétaire du site d'implantation bénéficiant de l'AEC est responsable de l'organisation de son démantèlement et de la remise en état de ses terrains d'assiette s'il est mis fin à l'exploitation et qu'aucune réouverture au public n'intervient pendant un délai de trois ans. En cas de carence, le préfet, après une mise en demeure et avoir informé le maire, peut obliger le propriétaire à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser puis, en dernière extrémité, faire procéder d'office, aux frais du propriétaire, au démantèlement et à la remise en état du site. Cette disposition, financièrement contraignante et qui pèse sur le propriétaire, a pour but d'éviter l'émergence de friches.
Un nouvel outil pour revitaliser les ZAE : l'article L. 300-8 du Code de l'urbanisme
– Expropriation. – Dans les zones d'activité économique faisant l'objet d'un contrat de projet partenarial d'aménagement ou situées dans les secteurs d'intervention délimités par une convention d'opération de revitalisation du territoire, lorsque l'état de dégradation ou l'absence d'entretien par les propriétaires des locaux identifiés dans l'inventaire compromettent la réalisation d'une opération d'aménagement ou de restructuration de la zone d'activité, le préfet, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut mettre en demeure les propriétaires de procéder à la réhabilitation des locaux vacants ou non.
Lorsque les propriétaires n'ont pas manifesté dans un délai de trois mois la volonté de se conformer à la mise en demeure ou lorsque les travaux de réhabilitation n'ont pas débuté dans un délai d'un an, une procédure d'expropriation peut être engagée, dans les conditions prévues par le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, au profit de l'État, de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale ou d'un établissement public d'aménagement.
Introduit par la loi Climat et Résilience, l'article L. 300-8 du Code de l'urbanisme permet aux autorités d'imposer des travaux aux propriétaires dans les zones d'activité économique : un moyen fort de prévenir l'apparition de friches. Le dispositif est directement inspiré de l'article L. 300-7 qui accorde pareil pouvoir au préfet dans les « quartiers prioritaires de la ville » lorsque « l'état de dégradation ou l'absence d'entretien par le ou les propriétaires d'un ensemble commercial compromettent la rénovation urbaine d'un quartier ». Par conséquent, la loi Climat et Résilience a étendu le dispositif applicable aux « quartiers prioritaires de la ville » aux ZAE faisant l'objet d'un contrat de projet partenarial d'aménagement (PPA) ou situées dans le périmètre des secteurs d'intervention délimités par une convention d'opération de revitalisation du territoire (ORT). La procédure peut aboutir à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Au demeurant, il semble que le législateur a ainsi créé une nouvelle hypothèse d'utilité publique préétablie par la loi. L'étude d'impact de la loi Climat et Résilience souligne qu'une telle mesure, qui porte atteinte au droit de propriété, doit « être justifiée par un intérêt général suffisant et proportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi ». En l'espèce, l'article L. 300-8 tend à la maîtrise de l'occupation des sols et du développement urbain et, en luttant contre l'artificialisation des sols, poursuit aussi un but de protection de l'environnement qui constitue un objectif à valeur constitutionnelle.
Un outil à renforcer : la mobilité de l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC)
– Le principe traditionnel d'incessibilité de l'AEC. – La loi no 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », se référait au principe d'incessibilité et d'intransmissibilité depuis toujours applicable aux autorisations d'exploitation commerciale. Dans sa version en vigueur du 18 décembre 2014 au 8 août 2015, l'article L. 752-15 alinéa 4 du Code de commerce disposait en ce sens que : « L'autorisation préalable requise pour la création de magasins de commerce de détail ou pour la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, n'est ni cessible ni transmissible ».
– Une première exception au principe d'incessibilité de l'AEC. – La loi Pinel a toutefois aménagé pour la première fois une exception au principe d'incessibilité. L'article L. 752-15, alinéa 5 du Code de commerce qui en résultait disposait que : « Lorsque l'autorisation d'exploitation commerciale est sollicitée par le demandeur en qualité de promoteur, celui-ci peut procéder à la vente en l'état futur d'achèvement du projet. Le demandeur doit alors indiquer dans sa demande que le projet sera cédé, avant l'ouverture des surfaces de vente au public. L'acquéreur en l'état futur d'achèvement, qui ne peut se faire substituer, doit procéder à l'ouverture au public des surfaces de vente autorisées ».
– La libre cessibilité de l'AEC. – La loi no 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron », pour éviter de bloquer des investissements, a finalement abandonné ce principe. L'autorisation est désormais cessible à tout moment, sous réserve de satisfaire au dispositif de transfert de permis s'il est requis.
Toutefois, la cessibilité n'est que personnelle : elle permet uniquement un changement de titulaire et n'autorise pas de changement de site. En pareil cas, une nouvelle autorisation doit être sollicitée. Ainsi, en l'état actuel du droit, la reconstruction est une création, sauf si quatre conditions sont simultanément réunies :
- le nouveau bâtiment est reconstruit sur le même emplacement que l'ancien démoli, sans que la reconstruction à l'identique soit obligatoire ;
- le nouveau magasin n'entraîne ni augmentation ni modification de la nature de la surface de vente ;
- la nature du commerce doit être conservée ;
- la cessation d'activité commerciale n'excède pas trois ans.
Incontestablement, dans les opérations de réaménagement des zones d'activité, cette restriction quant à l'emplacement constitue un frein : le droit doit évoluer et admettre la transférabilité de l'AEC.
– Deux exceptions au principe d'intransférabilité de l'AEC. – Pour favoriser la mixité fonctionnelle des zones d'activité économique (ZAE), notamment au profit d'implantations industrielles, l'article 22 de la loi no 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte a réservé deux exceptions au principe d'intransférabilité de l'AEC :
- les regroupements de surfaces de vente de magasins situées dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme (GOU) qui comporte la transformation d'une ZAE afin d'en favoriser la mixité fonctionnelle, notamment au profit de l'industrie, ne sont pas soumis à une AEC lorsqu'ils remplissent les trois conditions cumulatives suivantes : a) ils contribuent à la réalisation des objectifs de cette opération ; b) ils résultent du transfert de surfaces de vente autorisées sans création de surfaces de vente supplémentaire ; c) ils n'engendrent pas une artificialisation des sols au sens du 9e alinéa de l'article L. 101-2-1 du Code de l'urbanisme. Cette première exception s'applique pendant toute la durée de la GOU ;
- les regroupements de surfaces de vente de magasins, à l'intérieur d'une même ZAE, ou entre différentes ZAE situées dans le périmètre d'un même établissement public de coopération intercommunale, en vue de favoriser la mixité fonctionnelle d'une ou plusieurs de ces zones au profit d'implantations industrielles, ne sont pas soumis à AEC lorsqu'ils remplissent les trois conditions cumulatives suivantes : a) ils contribuent à la réalisation des objectifs de cette opération ; b) ils résultent du transfert de surfaces de vente autorisées sans création de surfaces de vente supplémentaire ; c) ils n'engendrent pas une artificialisation des sols au sens du 9e alinéa de l'article L. 101-2-1 du Code de l'urbanisme. Cette seconde exception s'applique à titre expérimental pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi.
– Proposition : une libre transférabilité de l'AEC au sein d'une ZAE. – Au-delà des aménagements restrictifs introduits par la loi relative à l'industrie verte, il nous semble qu'un libre transfert d'une AEC à l'intérieur d'une même ZAE pourrait être admis sans atteinte aux grands équilibres protégés par le Code de commerce.
Tous ces outils ont pour objectif de réhabiliter les zones d'activité existantes. Plus dynamiques, elles attireront davantage les investissements de création, de modernisation ou d'extension de sites, sans consommer de nouveaux espaces.