Le règlement national d'urbanisme (RNU)

Le règlement national d'urbanisme (RNU)

– Le RNU, un régime primaire impératif ? – Le RNU serait à l'urbanisme ce que le régime légal et le régime primaire impératif seraient aux régimes matrimoniaux. La comparaison peut paraître audacieuse, mais elle parlera aux notaires, c'est là son seul intérêt.
Le règlement national d'urbanisme (RNU), codifié aux articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du Code de l'urbanisme, constitue le corpus légal et réglementaire applicable « aux constructions, aménagements, installations et travaux faisant l'objet d'un permis ou d'une déclaration ainsi qu'aux autres utilisations du sol » régies par le Code de l'urbanisme. Il s'applique par défaut à toute opération d'utilisation du sol sur le territoire français. Toutefois, dans les territoires dotés d'un document local de planification urbaine (PLU, POS, ZPPAUP, cartes communales), certaines de ces dispositions ne sont pas applicables. Pour filer la métaphore, ces dispositions constitueraient, en l'absence de document local d'urbanisme, le régime légal du droit de l'urbanisme.
S'agissant de ce que nous pourrions considérer comme le régime primaire impératif du droit de l'urbanisme, les dispositions d'ordre public du RNU ont une valeur supérieure aux règles locales pour certains sujets que le législateur entend protéger ou favoriser.
Nous en avons identifié deux qui nous semblent présenter un lien direct avec notre sujet (l'article R. 111-26 du Code de l'urbanisme, bien que directement lié à notre problématique, faisant l'objet de développements particuliers dans notre commission).
– L'article R. 111-24-1 du Code de l'urbanisme et l'obligation de raccordement à un réseau de chaleur. – Réintroduit dans l'ordonnancement juridique par le décret no 2022-666 du 26 avril 2022, cet article du règlement national d'urbanisme tend à poser comme condition d'octroi du permis de construire la question du raccordement du projet à un réseau de chaleur : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales lorsqu'il contrevient à l'obligation de raccordement à un réseau de chaleur ou de froid prévue à l'article L. 712-3 du code de l'énergie ».
Cette obligation tend à imposer aux porteurs de projet le raccordement de toute nouvelle construction ou construction existante devant faire l'objet de travaux soumis à autorisation d'urbanisme.
Le site du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires dans le cadre du Plan France Nation Verte en rappelle les conditions. Nous en résumons ci-après les grandes lignes.
Le classement d'un réseau de chaleur ou de froid est une procédure permettant de définir des zones à l'intérieur desquelles toute nouvelle installation doit être raccordée au réseau.
La procédure de classement d'un réseau de chaleur ou de froid permet de rendre obligatoire le raccordement à ce réseau.
Le classement d'un réseau n'est toutefois possible que si plusieurs conditions sont respectées dont 50 % minimum de source d'énergie renouvelable.
La collectivité ou le groupement de collectivités compétent définit par délibération, à l'intérieur de la zone desservie par le réseau, des périmètres de développement prioritaires à l'intérieur desquels le raccordement au réseau est obligatoire pour toute installation d'un bâtiment neuf ou faisant l'objet de travaux de rénovation importants, dès lors que la puissance pour le chauffage, la climatisation ou la production d'eau chaude dépasse 30 kilowatts.
Toutefois, quelques mesures de tempérament peuvent trouver à s'appliquer :
  • en cas d'incompatibilité technique ou à condition de démontrer que les installations ne peuvent être raccordées au réseau dans le délai nécessaire pour assurer la satisfaction des besoins des usagers ;
  • si le projet propose une solution de chauffage alternative alimentée par des énergies renouvelables ou de récupération à un taux équivalent ou supérieur au réseau classé ;
  • si le demandeur justifie de la disproportion manifeste du coût du raccordement et d'utilisation du réseau par rapport à d'autres solutions de chauffage.
On peut consulter ici, dans sa version intégrale, l'arrêté du 23 décembre 2022 relatif au classement des réseaux de chaleur et de froid :
– Le RNU au secours des communes confrontées à la problématique de la ressource en eau. – Depuis 2022, les épisodes de sécheresse révèlent régulièrement et surtout de plus en plus fréquemment des situations parfois alarmantes des nappes phréatiques ayant un impact direct quant à la disponibilité en eau potable des puits de forage. Le BRGM, service géologique national, assure la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité des eaux souterraines en France hexagonale. Face à cette situation jusqu'alors exceptionnelle, des arrêtés préfectoraux de restriction de l'usage de l'eau domestique ont pu être pris, mais certaines communes procèdent à un véritable gel des constructions afin de limiter voire interdire des constructions nouvelles compte tenu de la tension en eau potable sur les territoires concernés. Plusieurs fondements juridiques pourraient éventuellement être avancés.
Si l'article L. 2225-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) affirme la compétence des communes au titre du service public de défense extérieure contre l'incendie (DECI), un refus du permis de construire à ce titre semble hasardeux d'autant que ces dispositions sont étrangères à la police de l'urbanisme.
S'agissant de la possibilité de refuser une autorisation d'urbanisme en raison de l'infraction à une servitude d'utilité publique instituée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), il nous semble important de rappeler qu'à ce jour le risque « sécheresse » n'est pas consacré comme risque susceptible de donner lieu à une restriction de l'usage des sols.
Enfin s'agissant de l'application de l'article L. 111-11 du Code de l'urbanisme, son utilisation semble limitée à la circonstance où le projet ne permettrait pas un quelconque raccordement au réseau d'eau potable, faute de réseau ou qu'une extension du réseau doive être programmée. À cet égard, il ne nous paraît pas pertinent de défendre l'idée selon laquelle l'insuffisance du débit d'eau servi par le réseau existant pourrait fonder un refus du permis de construire dans la mesure où l'accessibilité à l'eau potable apparaît comme étant le droit des administrés à bénéficier d'un service relevant de la compétence communale ou intercommunale.
En revanche, parmi les articles d'ordre public RNU, l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme précise que : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».
Quant à son opposabilité au pétitionnaire d'une demande de permis de construire, les auteurs semblent s'accorder quant à son application au regard des conséquences induites par la situation de sécheresse. La position des communes concernées, épaulées par les services de l'État, ne risque-t-elle pas d'encourir la censure compte tenu de la jurisprudence du Conseil d'État sur le sujet de la légalité d'un refus ? Certes, certains arrêts d'espèce pourraient utilement être invoqués à l'appui de telles décisions de refus, mais le parallèle nous semble sinon audacieux, à tout le moins certainement sujet à discussion en droit.
En effet, les autorités locales croient pouvoir s'appuyer sur les considérants d'arrêts (notamment CAA Toulouse, 21 févr. 2023) rendus dans des circonstances bien particulières où l'infraction à l'article R. 111-2 trouvait son fondement dans l'application de l'article L. 111-1 du Code de l'urbanisme susvisé.
Or, et ainsi que le rappellent les juges du Palais-Royal dans l'arrêt susvisé, un permis ne peut légalement être refusé que s'il est avéré qu'aucune prescription spéciale ne pourrait être imposée pour assurer la conformité des constructions. Et telle est bien la difficulté à laquelle sont confrontés les édiles.
La question est donc de savoir si un permis de construire pourrait être assorti de prescriptions spéciales relativement à la question de l'accès à l'eau. Si, à première vue, des prescriptions pourraient apparaître comme suffisantes et non constitutives d'une rupture d'égalité devant le service public d'approvisionnement en eau sur lequel le risque de contentieux pourrait porter, il semble néanmoins délicat de pouvoir justifier de l'utilisation d'une prescription pour interdire une piscine ou limiter le nombre de salles de bains afin de rendre la construction conforme au regard de la raréfaction de la ressource en eau. Si la prescription est en revanche motivée au visa de l'article R. 111-2, la prescription imposant la réalisation d'une citerne pour faire face au risque d'incendie serait valablement imposée et nous paraît comme étant proportionnelle à l'aléa. L'accès à l'eau potable reste en réalité le véritable sujet, les restrictions à l'usage de l'eau domestique par arrêté préfectoral pouvant constituer un moyen d'action mais qui semble insuffisant.
L'étude des jurisprudences actuelles des juges du fond est très variable.
Le tribunal administratif de Grenoble, dans une décision du 12 février 2024, jugeait ainsi : « la circonstance que le secteur (…) a connu plusieurs épisodes de tensions dans la fourniture d'eau potable n'est pas un élément suffisant pour établir que la commune de Bons en chablais connaîtrait des difficultés d'approvisionnement en eau telles que le maire serait fondé à s'opposer au permis de construire litigieux au regard de l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme ».
Dans le sens contraire, le tribunal administratif de Toulon jugeait le 23 février 2024 : « une telle insuffisance qui expose à la fois les futurs occupants de la construction en cause mais également tous les usagers, pourtant tiers à l'opération projetée, constitue une atteinte à salubrité publique, au sens des dispositions de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire aurait pu valablement accorder le permis de construire sollicité en l'assortissant de prescriptions. Par conséquent, c'est à bon droit que le maire a pu s'opposer au projet au motif qu'il est de nature à porter atteinte à la salubrité publique ».
Toujours est-il que face à cette problématique préoccupante, une proposition de loi visant à préserver les ressources en eau des communes a été déposée le 29 novembre 2022 par le Député Christophe Naegelen. Elle a pour objet d'insérer dans le Code de l'urbanisme un nouvel article pour donner aux maires des communes non dotées d'un document de planification urbaine les outils nécessaires pour conditionner l'octroi d'autorisations d'urbanisme en zone de tension de la ressource en eau.
Une autre piste pourrait consister en l'institution d'une nouvelle servitude du type « servitude d'estive » codifiée à l'article L. 122-11 du Code de l'urbanisme par la loi no 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (dite « loi Montagne II »). Une telle prescription permettrait d'autoriser les constructions tout en assurant l'absence de contentieux administratif au titre de l'absence d'alimentation en eau potable.