Le champ d'application restreint du permis de démolir

Le champ d'application restreint du permis de démolir

– Principe, situations spéciales et dérogations. – Le champ d'application du permis de démolir448 est prévu par les articles R. 421-26 à R. 421-29 du Code de l'urbanisme. Le principe est formulé par l'article R. 421-27, les deux autres dispositions énonçant cinq situations spéciales et sept dérogations.
Aux termes de cet article R. 421-27 : « Doivent être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction située dans une commune ou une partie de commune où le conseil municipal a décidé d'instituer le permis de démolir ».
Sauf pour les travaux qui en sont dispensés au titre de l'article R. 421-29, un permis de démolir n'est donc exigé que dans les communes l'ayant rendu applicable449, sous réserve des cinq situations spéciales énoncées à l'article R. 421-28 pour lesquelles des travaux non dispensés au titre de l'article R. 421-29 sont toujours soumis à permis de démolir quelles que soient les communes considérées.
L'agencement de ces articles n'est sans doute pas des plus clairs. Mais on finit par s'y retrouver.
– Qualification de la démolition. – Sur le plan matériel, le permis de démolir concerne, comme l'indiquent les articles précités du Code de l'urbanisme, « les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction ».
La caractérisation d'une démolition450 ne pose pas de difficulté quand il s'agit de remettre le terrain d'assiette d'une construction « à nu ». Sont également assimilés à une démolition les travaux rendant l'utilisation de locaux à ce point dangereuse ou impossible qu'ils aboutissent à leur inhabitabilité.
Plus délicate est la question des travaux ayant simplement pour objet de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction. Le Conseil d'État reconnaît par exemple une telle hypothèse dans les travaux entraînant l'enlèvement de la toiture d'une construction existante451. La notion de « construction existante » revêt à cet égard une importance, qu'il s'agisse des règles applicables aux travaux sur existant (V. infra, nos et s.)ou encore de la détermination de l'intention de bâtir en lotissement (V. infra, n° ). Le lexique national d'urbanisme en donne la définition suivante : « Une construction est considérée comme existante si elle est reconnue comme légalement construite et si la majorité des fondations ou des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage remplissent leurs fonctions. Une ruine ne peut pas être considérée comme une construction existante ».
Lorsque le contrôle des démolitions répondait à un objectif de protection du logement, la référence aux travaux rendant inutilisable une construction se comprenait aisément. Mais le recentrage récent du contrôle des démolitions sur le seul motif patrimonial laisse apparaître une forme de contradiction entre les objectifs visés et la rédaction du Code de l'urbanisme. S'agirait-il d'une scorie dont il faudrait expurger le texte ? La référence aux travaux rendant « inutilisable tout ou partie d'une construction » pourrait plutôt s'expliquer par la volonté d'éviter que des titulaires de droits sur un bâtiment n'engagent délibérément des travaux conduisant à son état de ruine afin de bénéficier du jeu de l'article L. 451-2 du Code de l'urbanisme auquel nous renvoyons452.
Par ailleurs, s'agissant des opérations de démolition, un motif tiré de la protection de l'environnement ne saurait ni contrarier une règle civile ou urbanistique ni absoudre le contrevenant au droit de l'urbanisme dont la démolition de la construction litigieuse pourrait être ordonnée judiciairement453.

Le porteur de projet et la démolition

La réalisation d'une opération immobilière suppose souvent la déconstruction de bâtiments comme préalable à l'implantation de constructions nouvelles. Le porteur de projet se trouve alors face à une alternative fixée par les articles R. 431-21 et L. 451-1 du Code de l'urbanisme (dépôt d'un permis de démolir préalable<sup class="note" data-contentnote=" Ou à tout le moins du dépôt de la demande de permis de démolir (cette situation peut présenter un intérêt dans le cadre d&#039;un portage foncier pour lequel la démolition peut intervenir pour des questions de sécurisation des lieux, de limitation d&#039;occupation sauvage, voire pour avancer à temps masqué dans la conduite du projet).">454</sup> ou indication que le projet porte à la fois sur la construction et la démolition). C'est ce point particulier qu'il nous paraît nécessaire de développer.

La circonstance que le permis de construire et le permis de démolir fassent l'objet d'un même arrêté, et figurent ainsi dans le même <em>instrumentum</em>
<sup class="note" data-contentnote=" J. Burguburu, CE, 21 févr. 2018, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 401043, &lt;em&gt;SCI La villa Mimosas : Rec. CE&lt;/em&gt; 2018, tables ; &lt;em&gt;JCP &lt;/em&gt;A 2018, 2184.">455</sup>, ne les rend pas indissociables au point que l'illégalité de l'un entraîne celle de l'autre. Ainsi il résulte de l'arrêt <em>SCI La Villa Mimosas</em>
<sup class="note" data-contentnote=" X. Couton, &lt;em&gt;L&#039;annulation d&#039;un permis de construire n&#039;emporte pas annulation du permis de démolir : Constr.-Urb.&lt;/em&gt; 2018, comm. 52.">456</sup> comme de la jurisprudence rendue depuis par le Conseil d'État<sup class="note" data-contentnote=" CE, 24 avr. 2019, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 420965, &lt;em&gt;C&lt;sup&gt;ne&lt;/sup&gt; de Colombier-Saugnieu&lt;/em&gt;, concl. L. Dutheillet de Lamothe sur ArianeWeb.">457</sup> que la décision statuant sur la demande de permis de construire ne peut valoir autorisation de démolir au sens de l'article L. 451-1 du Code de l'urbanisme<sup class="note" data-contentnote=" C. urb., art. L. 451-1 : « Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d&#039;aménagement, la demande de permis de construire ou d&#039;aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l&#039;aménagement ».">458</sup> que si la demande et l'arrêté de permis de construire ou le permis d'aménager autorisent expressément la démolition. Ainsi, excepté l'hypothèse d'une indissociabilité technique telle qu'une démolition partielle et reconstruction en vue d'extension<sup class="note" data-contentnote=" CE, 30 déc. 2011, n&lt;sup&gt;o&lt;/sup&gt; 342398, &lt;em&gt;C&lt;sup&gt;ne&lt;/sup&gt; de Saint-Raphaël&lt;/em&gt;.">459</sup>, la circonstance que les plans joints à la demande de permis de construire montrent que la réalisation de la construction implique la démolition de bâtiments existants n'est pas suffisante.

Aussi, en tant qu'autorisation distincte l'affichage de l'autorisation devra nécessairement faire référence à la démolition. L'information des tiers est en effet indispensable compte tenu des conséquences souvent irrémédiables de la démolition<sup class="note" data-contentnote=" Notons à ce sujet que la prévention de la mise en œuvre trop hâtive du permis de démolir trouve un écho dans deux dispositions particulières du Code de l&#039;urbanisme : le permis de démolir ne devient exécutoire que quinze jours après sa notification au demandeur et sa transmission au préfet (C. urb., art. L. 424-9 et R. 452-1). La consultation éventuelle de l&#039;architecte des Bâtiments de France impose que ce dernier rende un avis conforme (C. urb., art. R. 425-18).">460</sup>.