L'autorisation au titre de la loi sur l'eau

L'autorisation au titre de la loi sur l'eau

– Le défi de la protection de l'eau. – Si la protection de la ressource en eau est le grand défi de notre époque, différentes polices des eaux existent déjà depuis longtemps et ont fait l'objet d'une loi essentielle en ce domaine : la loi sur l'eau no 92-3 du 3 janvier 1992 qui a posé pour la première fois le principe du développement et de la protection de la ressource en eau, de l'unicité de la ressource en eau et de sa gestion équilibrée, et qui consacre une approche globale de l'eau et des milieux aquatiques.
Si cette loi édicte que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation », elle ne va pas jusqu'à remettre en cause le droit de propriété ; à défaut d'unité de régime, elle va toutefois rechercher une unité de police et de gestion. Elle érige donc en principe l'obligation d'obtenir une autorisation ou de faire une déclaration pour tout projet susceptible d'avoir une influence sur le régime des eaux.

Les régimes de protection de l'eau : autorisation ou déclaration

– La nomenclature IOTA. – Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 du Code de l'environnement, désignés sous le terme « IOTA », sont définis dans une nomenclature établie par décret en Conseil d'État, inspirée de celle relative aux ICPE. Ainsi ces IOTA sont soumis à autorisation ou à déclaration selon les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques, compte tenu notamment des périmètres institués pour la protection de l'eau et de ces milieux.
– Un régime de protection intégré partiellement dans l'autorisation environnementale unique. – L'ordonnance du 12 juin 2014 qui a expérimenté l'autorisation environnementale, puis celle du 26 janvier 2017 qui l'a généralisée, ont intégré l'autorisation au titre de la loi sur l'eau à cette autorisation environnementale unique, que nous étudierons sous la deuxième section du présent chapitre. En revanche, les projets soumis à simple déclaration au titre de la loi sur l'eau continuent à faire l'objet d'une autorisation « loi sur l'eau » spécifique.
– Le défi de la détermination de la procédure : autorisation ou déclaration. – Il convient de s'en reporter à la nomenclature des IOTA figurant à l'article R. 214-1 du Code de l'environnement pour savoir si le projet est soumis à autorisation ou à déclaration.
En pratique, la distinction entre les deux régimes va dépendre du débit d'eau prélevé, de l'importance des rejets, de la nature des travaux, etc.
Un même projet peut relever de plusieurs rubriques de la nomenclature ; dans ce cas, le régime plus exigeant de l'autorisation va prévaloir sur celui de la déclaration et les seuils vont être appréciés en cumulant les différents travaux, ouvrages ou installations dès lors qu'ils seront réalisés par la même personne sur un même site.
Plusieurs demandes d'autorisations ou déclarations peuvent également être regroupées si les opérations sont connexes ou relèvent de la même activité sur un même bassin ou milieu. Un seul dossier « loi sur l'eau » sera donc déposé si le projet prévoit plusieurs aménagements sur un même bassin versant, que leur réalisation soit simultanée ou successive.
– Une difficile qualification dont la responsabilité incombe au maître d'ouvrage. – La qualification, qui pèse sur le porteur de projet, peut s'avérer complexe pour bien appréhender notamment les seuils de surface qui doivent intégrer celle du bassin versant ainsi que les zones humides, pour tenir compte du cumul des impacts issus des aménagements et travaux projetés avec ceux issus des aménagements déjà existants, et pour appréhender le projet tant en phase chantier qu'en phase d'exploitation.

Exemple d'analyse des rubriques IOTA pour un programme immobilier

Un promoteur envisage de réaliser un ensemble immobilier comportant des immeubles de cinq étages avec parkings en sous-sol :

Le régime IOTA soumis à autorisation = l'autorisation environnementale

– La demande d'autorisation IOTA… – La procédure de dépôt et d'instruction de la demande d'autorisation correspond à celle de l'autorisation environnementale unique. Le dossier de demande comprend les éléments communs à toute demande d'autorisation environnementale ainsi que des pièces spécifiques à la loi sur l'eau ; il sera le plus souvent composé d'une étude d'incidences environnementales.
La loi no 2006-1772 du 30 décembre 2006 est venue renforcer la force juridique du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), passant d'un rapport de simple compatibilité à un rapport de stricte conformité pour ce qui concerne le règlement du SDAGE que le projet doit désormais respecter.
Étant précisé que, sur le rapport de compatibilité du règlement et des documents cartographiques du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ou du SDAGE, le juge administratif veille à ce que le maître d'ouvrage justifie du respect de cette obligation de compatibilité.
L'autorisation environnementale prise au titre de la loi sur l'eau sera délivrée au moyen d'un arrêté préfectoral.
– … soumise au régime de l'autorisation environnementale. – Pour le reste, il s'agira du même régime que nous étudierons plus loin au sujet de l'autorisation environnementale avec la possibilité, via des arrêtés préfectoraux complémentaires, d'adapter les prescriptions administratives à l'évolution du projet, du « porté à connaissance » auprès du préfet de toute modification, de la possibilité de transférer totalement ou seulement partiellement l'autorisation, des délais de recours de quatre mois pour les tiers intéressés et de deux mois pour les pétitionnaires, à l'occasion desquels le juge administratif va exercer un contrôle de plein contentieux.
– L'articulation avec le régime des installations classées. – Initialement, une installation classée soumise à autorisation devait obtenir parallèlement une autorisation de rejet dans les eaux, soit deux procédures et deux autorisations. Un décret de 1987 décida que l'autorisation délivrée au titre des installations classées valait autorisation de rejet dans les eaux au titre de la loi sur l'eau ; pour autant, si l'autorisation avait été unifiée, les procédures restaient doubles.
Il aura fallu attendre 1995 pour voir abroger ce mécanisme complexe. Désormais, le régime des ICPE absorbe en quelque sorte celui des IOTA :
  • seuls sont soumis au régime de la loi sur l'eau les IOTA qui ne relèvent pas de la nomenclature des installations classées ;
  • quant aux installations classées qui prélèvent ou rejettent dans le milieu aquatique, elles relèvent du régime des ICPE ou de l'autorisation environnementale unique.

Le régime IOTA soumis à déclaration = la déclaration loi sur l'eau

La déclaration IOTA

– Dépôt de la déclaration. – La demande doit être adressée au préfet du département du lieu du projet sous forme électronique ; puis dans les quinze jours, l'administration délivre un avis de réception soit pour un dossier incomplet, auquel cas un délai de complétude de son dossier est notifié au pétitionnaire, soit pour un dossier complet, auquel cas est précisée la date à laquelle l'opération projetée pourra être mise en œuvre, voire la possibilité de commencer les travaux sans délai.
– Dossier de déclaration. – Parmi les pièces requises, le document d'incidences environnementales constitue un élément clé dans la mesure où il indiquera les incidences du projet sur le milieu aquatique, le cas échéant sur un site Natura 2000, et s'il y a lieu, les mesures correctives ou compensatoires. C'est aussi dans ce document que le maître d'ouvrage devra justifier de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement ou de gestion des eaux, ou encore de la conformité du projet avec le règlement et les documents graphiques du SAGE s'il existe. Il s'agit d'une exigence de démonstration positive dont le non-respect peut aboutir à l'illégalité du récépissé de déclaration.
– Délai d'instruction. – Le préfet dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer à une déclaration complète, de sorte que les travaux ne peuvent démarrer avant l'expiration de ce délai de deux mois, sauf autorisation indiquée dans le récépissé de démarrer l'installation immédiatement.
Le préfet s'opposera à la demande si le projet s'avère incompatible avec le SDAGE ou le SAGE ou porte atteinte aux intérêts environnementaux de l'article L. 211-1 du Code de l'environnement et qu'aucune prescription ne permette d'y remédier. Le préfet peut à l'inverse assortir son autorisation de prescriptions particulières, ce qui a pour effet de suspendre le délai pendant trois mois maximum pour laisser le temps au pétitionnaire de faire ses observations. À compter de leur réception par le préfet ou de l'expiration du délai imparti au pétitionnaire pour émettre ses observations, c'est un nouveau délai de deux mois qui court avant l'expiration duquel les travaux ne pourront pas démarrer.
À noter que le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois sur une déclaration IOTA vaut acceptation.
– Publicité. – La déclaration et son récépissé ou la décision d'opposition doivent être transmis à la mairie du lieu du projet, qui l'affiche pendant un mois et le met à disposition du public sur le site internet de la préfecture pendant au moins six mois.

La vie de la déclaration IOTA

– Du « porté à connaissance » au recours. – Toute modification des conditions d'exploitation de l'installation qui entraîne un changement notable des éléments du dossier doit être « portée à connaissance » du préfet.
Le préfet et le maire doivent être informés dans les meilleurs délais par quiconque en ayant connaissance de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux.
Le bénéfice de la déclaration peut être transféré à un tiers qui doit en informer l'administration dans les trois mois.
On retrouve donc ici les mêmes règles de vie qu'en matière d'autorisation environnementale, ainsi que le même type de contentieux de pleine juridiction :
  • recours par le demandeur ou l'exploitant dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ;
  • recours par les tiers, les communes intéressées ou leurs groupements dans un délai de quatre mois à compter de la publication ou de l'affichage de la décision.

La fin de la déclaration IOTA

– De la caducité à la cessation d'activité. – La déclaration est caduque, sauf demande de prorogation, si le projet n'a pas été mis en service ou réalisé dans les trois ans de la déclaration.
L'exploitant d'une installation IOTA qui cesse son activité se trouvera soumis à une obligation de remise en état du site dans un état ne pouvant porter atteinte à la gestion équilibrée de l'eau. Il devra, comme en matière d'ICPE, informer le préfet de la cessation d'activité et des mesures prises.
Le défaut de l'exploitant portera cette responsabilité sur la tête du propriétaire du site.
À noter que l'autorité administrative qui se trouverait face à un exploitant qui n'a jamais fait de déclaration (ni de demande d'autorisation) devra exiger au préalable le dépôt d'un dossier de demande, avant de pouvoir lui ordonner des mesures de remise en état.

Des sanctions importantes pour nos clients…

Il est certain que les atteintes au milieu aquatique et à la gestion équilibrée de l'eau font l'objet d'une attention particulière de la police environnementale dans un contexte de tension des ressources et de leur gestion, comme l'ont révélé l'affaire des mégas bassines ou encore le refus de certains maires de communes carencées en eau potable de délivrer des permis de construire dans le sud de la France.

Les services de police en matière d'environnement sont organisés au sein d'une Mission de coordination interservices des polices de l'environnement (MIPE). L'ordonnance n<sup>o</sup> 2012-34 du 11 janvier 2012 a uniformisé les instruments de la police administrative et regroupé les agents chargés de constater les infractions sous l'appellation d'inspecteurs de l'environnement.

<strong>Sanctions pénales.</strong> Les atteintes à l'eau et aux milieux aquatiques peuvent être punies de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

<strong>Sanctions administratives.</strong> Après une mise en demeure adressée à l'exploitant de régulariser la situation dans un délai d'un an maximum, l'autorité administrative peut prescrire des mesures conservatoires, voire suspendre l'exploitation des ouvrages et installations, et même ordonner la suppression des installations et la cessation définitive des travaux ou activités.

Le préfet peut auparavant ordonner la consignation d'une somme correspondant aux travaux de « mise aux normes » à réaliser, et faire procéder d'office à ces travaux.

Les sanctions seront les mêmes si l'exploitant exerce son activité ou réalise des travaux ou une installation sans autorisation.

Le principe « pollueur-payeur » s'applique.

<strong>La réalité des contrôles et des sanctions s'avère toutefois décevante</strong>, très certainement à cause d'un manque de moyen ; ainsi en 2017, 60 074 contrôles ont été effectués, donnant lieu à 15 863 constats de non-conformité… et seulement 225 sanctions administratives.

Les zones humides

– Des zones essentielles à protéger. – Les zones humides sont des zones caractérisées par la présence d'eau dans le sol à une faible profondeur et plus particulièrement par des sols hydromorphes (gorgés d'eau) ou dont la végétation est dominée par des plantes hygrophiles (plantes adaptées à la vie dans des milieux très humides ou aquatiques).
Ces zones présentent une très grande valeur écologique en termes notamment hydriques, car elles jouent un rôle d'éponge et donc de rétention des crues, de biodiversité comme étant le lieu de reproduction pour les poissons et de nidification pour les oiseaux. Mais la nécessité de les protéger n'est apparue que récemment, après des siècles de politique d'assèchement pour des raisons sanitaires (ces zones étaient jugées responsables de la propagation de maladies telles que la malaria) et pour des raisons économiques d'exploitation. Ce long processus de destruction a entraîné une régression spectaculaire des surfaces de zones humides en France et dans le monde.
Les zones humides subissent des fluctuations journalières, saisonnières ou annuelles, qui dépendent des conditions climatiques et de leur localisation. Ce sont d'ailleurs ces fluctuations qui en font un sol si particulier et si riche en végétation et faune spécifiques. À la lisière entre l'eau, la terre et l'air, elles abritent une quantité de matière organique végétale hors du commun, à la base de la chaîne alimentaire qui sert d'intermédiaire pour les oiseaux.
Ces facteurs expliquent que la définition et la délimitation des zones humides soient des sujets très complexes, et matière à controverse.
– Des zones difficiles à identifier. – Pour savoir si son projet impacte une zone humide et doit, à partir d'un certain seuil, être déclaré ou autorisé au titre de la loi sur l'eau, le porteur de projet devra se référer :
  • à l'inventaire départemental mis à disposition par les services départementaux de l'État (C. env., art. L. 214-7-1) ;
  • aux documents de planification et d'urbanisme (SAGE, SDAGE, site Natura 2000, contrats de rivières, plans de gestion stratégique des zones humides, PLU…). Les communes doivent, dans le cadre de l'évaluation environnementale de leur PLU, identifier les zones humides, mais en pratique cela nécessite de trop nombreuses études et sondages pour que le résultat soit complet. Ainsi les zones identifiées comme telles dans ces documents doivent être vues uniquement à l'échelle du document de planification mais pas à l'échelle de l'opération.
L'opérateur ne pourra néanmoins pas se contenter de consulter ces bases de données qui ne sont donc pas exhaustives, mais devra missionner un bureau d'études qui mènera une étude végétale et pédologique pour déterminer si son projet se trouve ou non dans une zone humide. En effet, si l'inventaire des zones humides doit être réalisé par les services de l'État sur la base de critères désormais stabilisés depuis 2008 et 2009, la simple suspicion de présence d'une zone humide autorise la police de l'eau à exiger du maître d'ouvrage qu'il fasse réaliser une expertise.
– Des zones qui nécessitent des mesures de compensation et de gestion adaptées. – S'il s'avère que son projet porte atteinte à une zone humide, le préfet pourra imposer des mesures compensatoires comme la réalisation d'une zone humide dans le même bassin versant présentant les mêmes intérêts notamment hydrauliques et au moins la même surface que la zone humide impactée par le projet ; à défaut, il devra réaliser une surface de compensation représentant a minima 150 % de la surface impactée. En outre, des mesures d'accompagnement soutenant la gestion des zones humides sont à prévoir, afin d'assurer une gestion pérenne.
En cas de contentieux, le juge s'attache à vérifier l'existence de garanties quant à la capacité des milieux recréés à reproduire, de manière pérenne, les fonctions écologiques assurées par les milieux devant être détruits, et ce indépendamment de la surface des milieux recréés et de l'importance du coût pour le maître d'ouvrage.
Les dispositions du Code de l'environnement dans son article L. 211-1 ont en effet pour objet « une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ».