La santé environnementale liée à la pollution

La santé environnementale liée à la pollution

– La pollution atmosphérique est un risque de salubrité publique. – La Ville de Paris a conduit plusieurs opérations de couverture de son périphérique, notamment porte des Lilas pour la dernière dans les années 2010. Ces opérations n'avaient donné lieu à aucun contentieux. Dans le cadre du grand concours « Réinventer Paris », elle a souhaité proposer à des opérateurs la couverture de la porte Maillot et de la porte de Champerret.
Dans deux décisions du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé les permis de construire accordés par la maire de Paris aux deux projets qui prévoyaient la construction de bâtiments mixtes d'habitation, de bureaux, de commerces et de services, dont une crèche, sur des dalles recouvrant le boulevard périphérique, à proximité de la porte Maillot. Le tribunal a en effet jugé ces permis de construire illégaux, compte tenu du risque pour la salubrité publique lié à la pollution atmosphérique. La cour administrative d'appel de Paris a confirmé les jugements dans deux arrêts du 6 octobre 2022 dans les termes suivants : « le lieu d'implantation du projet est marqué par un niveau élevé de pollution de l'air, au-delà des valeurs limites fixées par le Code de l'environnement et les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé pour la concentration de dioxyde d'azote (NO2) et de particules fines, (…), [la réalisation du projet] entraînera toutefois une augmentation de plus de 20 % de dioxyde d'azote en plusieurs points de mesure aux alentours ainsi qu'une augmentation de la concentration en benzène pouvant atteindre ponctuellement 66 % ».
La motivation des juges apparaît sans appel : les services de l'urbanisme, lors de l'examen du dossier de demande de permis de construire, n'ont pas apprécié convenablement la faisabilité du projet, notamment eu égard aux dispositions de l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme. Les juges sanctionnent ici l'insuffisance des analyses d'impact des mesures de réduction produites par la Ville de Paris et par les porteurs de projet, les mesures de réduction de la pollution envisagées ne permettant pas « d'améliorer significativement les concentrations de polluants mesurées sur les points de mesure ».
– Pas de régularisation possible. – Faisant une application de la jurisprudence récente relative aux permis de construire modificatifs, la cour administrative d'appel conclut logiquement que le vice n'est pas régularisable en l'espèce : « S'agissant des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, et ainsi que l'a relevé le jugement, leur caractère général et leur réalisation incertaine et hypothétique ne permettent pas de compenser les atteintes que le projet est susceptible de porter à la santé publique. (…) Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait des techniques permettant d'assurer la conformité du projet sans apporter à ce dernier un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même ».
En dépit du contexte juridique relativement favorable aux pétitionnaires d'autorisations d'urbanisme, les projets « Villes multi-strates » et « Mille arbres » n'ont pu aboutir. En effet, aucune des techniques de construction novatrices envisagées par leurs constructeurs ne permettait ici de réduire la pollution atmosphérique en deçà des seuils acceptables, et les prescriptions spéciales fixées par les services d'urbanisme de la Ville de Paris étaient également insuffisantes.
Selon la cour administrative d'appel de Paris : « pour apprécier si les atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique sont de nature à justifier un refus du permis de construire, l'autorité compétente doit tenir compte, le cas échéant, de l'effet cumulé des différents risques et nuisances, dont celles résultant de la pollution de l'air, auxquels serait exposée la construction projetée, ainsi que ses alentours, même s'ils ne sont pas directement liés entre eux ».
C'est donc une étude globale – dépassant la seule construction projetée et incluant ses alentours – que les services instructeurs doivent mener pour apprécier le risque d'atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques.
L'obligation paraît en outre particulièrement renforcée, s'agissant de logements destinés à l'habitation : « cette exigence s'imposant particulièrement dans le cas où la construction est destinée à l'habitation ».
À ce titre, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris rappelle également les dispositions du I de l'article R. 221-1 du Code de l'environnement pour en conclure que le risque d'exposition est en l'espèce caractérisé. Dès lors que l'exposition de longue durée à ce polluant emporte nécessairement un risque important pour la santé des personnes exposées, le dépassement des valeurs limites de concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote constitue, pour les zones concernées, une méconnaissance des dispositions des articles L. 221-1 et R. 221-1 du Code de l'environnement.
Les juges administratifs considèrent en l'espèce qu'il ressortait des pièces du dossier :
« Qu'en raison du déplacement des polluants issus de la circulation automobile à l'entrée et à la sortie du tunnel d'une longueur conséquente créé par le projet, la réalisation de celui-ci entraînera également une augmentation de la concentration de dioxyde d'azote en plusieurs points de mesure aux alentours, en particulier rue Gustave Charpentier, dans laquelle sont situés des immeubles d'habitation et de bureaux et des établissements recevant du public, dont une résidence pour les personnes âgées ;
Que les solutions envisagées afin de diminuer les conséquences d'une augmentation des polluants dans l'air entraîneront une augmentation significative de la concentration de dioxyde d'azote sur plusieurs points de mesure aux alentours du terrain d'assiette du projet dans un environnement où l'air est déjà très pollué ;
Que les mesures de protection envisagées par le pétitionnaire, lesquelles doivent être menées en concertation avec le porteur du projet « Mille Arbres », circonstance qui en rend par ailleurs la réalisation incertaine, ne sont pas suffisantes pour compenser les atteintes du projet à la santé publique.
L'impact attendu du projet sur le niveau de pollution sur le terrain d'assiette et aux alentours résultant de la circulation, à la date de la décision attaquée, n'a donc pas été correctement apprécié par les services compétents, alors que la réduction à long terme de ladite pollution est quant à elle incertaine ».