La responsabilité des parties

La responsabilité des parties

– La nécessité d'un débiteur solvable. – D'innombrables jurisprudences tant publiques que privées sont intervenues concernant le débiteur de l'obligation de dépollution (le propriétaire du terrain ou l'exploitant) et la définition de l'exploitant.
La responsabilité du dernier exploitant est un principe acquis en vertu de la réglementation ICPE. Le Conseil d'état est venu préciser que la remise en état ne peut peser sur le propriétaire pour la seule raison qu'il est propriétaire . Le juge civil a quant à lui affirmé que l'absence de remise en état constitue une faute civile entra înant la responsabilité délictuelle, sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil.
L'affaire Metaleurop a toutefois mis en lumière la difficulté d'une dépollution effective lorsque la cessation d'activité est due à une déconfiture. La filiale, en liquidation judiciaire, était évidemment incapable d'assumer son passif environnemental. Pour trouver un débiteur solvable, les liquidateurs étaient parvenus à obtenir l'extension de la procédure à la société mère. Mais la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d'appel de Douai, en considérant que, dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société mère sont insuffisants à caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines .
Pour cette raison, la loi a évolué. Désormais, l'article L. 512-17 du Code de l'environnement prévoit une procédure spécifique, dans l'hypothèse uniquement des liquidations judiciaires. Il est désormais possible de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de réhabilitation du site, en démontrant « l'existence d'une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale ». C'est la même raison de la potentielle insolvabilité de l'exploitant qui a amené les juges à se tourner vers le propriétaire sur le fondement de la police des déchets – ainsi que cela a été évoqué précédemment.
– La hiérarchisation des responsabilités. – La loi ALUR a fixé un ordre dans les responsabilités, que l'on retrouve à l'article L. 556-3 du Code de l'environnement :
1) Le dernier exploitant est responsable, à titre principal, de la remise en état d'un site pollué par l'exploitation d'une installation classée. Toutefois, la situation se complique lorsque le dernier exploitant a disparu. La jurisprudence considère que l'obligation de remise en état du site pèse alors sur son ayant droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. En cas de succession d'exploitants, le dernier exploitant en date doit supporter l'obligation de remise en état.
Néanmoins, la charge financière des mesures à prendre au titre de la remise en état d'un site ne peut plus être imposée à un exploitant ou à son ayant droit après trente ans : bien qu'il s'agisse d'une affaire de police, il est ici fait application de la « prescription trentenaire » . Le point de départ de cette prescription a été précisé par le Conseil d'état et deux cas de figure sont à distinguer :
  • cessation d'activité ICPE avant le 8 octobre 1977 : le point de départ de la prescription trentenaire est la date de la cessation effective de l'activité ;
  • cessation d'activité ICPE après le 8 octobre 1977 : le point de départ de la prescription trentenaire est la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration. Toutefois, cette prescription ne s'applique pas à l'exploitant de mauvaise foi.
2) Le propriétaire d'un terrain peut, quant à lui, voir sa responsabilité engagée :
  • pour les sols pollués par une activité non soumise à la réglementation des installations classées ou des installations nucléaires de base, en tant que détenteur des déchets dont la faute y a contribué ;
  • à titre subsidiaire, s'il est démontré qu'il a fait preuve de négligence ou qu'il n'est pas étranger à la pollution.

Conseil

Vers une extension de la mise en cause du propriétaire ?

Dans une affaire récente, le Conseil d'état a considéré que le propriétaire peut, en cette seule qualité, être débiteur de l'obligation de remise en état si l'acte par lequel il a acquis le terrain d'assiette a pour effet, eu égard à son objet et à sa portée, en lui transférant l'ensemble des biens et droits se rapportant à l'exploitation concernée, de le substituer à l'exploitant, même sans autorisation préfectorale . Cette solution, bien que s'appliquant à des faits qui restent rares en pratique, touche au principe bien établi de responsabilité du dernier exploitant, et au principe selon lequel les stipulations contractuelles sont inopposables à l'administration. Cette position est donc à surveiller, puisqu'elle permettrait à l'administration, informée de l'existence d'un tel contrat sans que l'acquéreur ait procédé à sa substitution en qualité d'exploitant, de lui imposer les obligations de remise en état.
– La responsabilité transférée à un tiers. – Les développements précédents ont montré que de plus en plus souvent, c'est la responsabilité du propriétaire qui sera recherchée. Aussi, la pratique cherche à transférer la charge à un tiers. En ce sens, il y a l'idée d'user de la fiducie à fin environnementale .
Surtout, la loi ALUR a créé un mécanisme de transfert de la responsabilité de l'exploitant. Elle permet, contrairement aux principes bien établis d'inopposabilité du transfert d'obligation en la matière, de décharger l'exploitant de sa responsabilité vis-à-vis de l'administration, en la transférant sur la tête du tiers. Dans cette hypothèse, le tiers s'engage à réaliser et à supporter le coût des travaux de remise en état du bien, afin de le conformer à son usage futur. Il ne s'agit plus ici d'un simple transfert du coût et de la charge matérielle des travaux, mais bel et bien d'un transfert de responsabilité.
Ce mécanisme n'est pas sans rappeler les vœux formulés, en 2008, par le 104e Congrès des notaires de France . Cette procédure est fixée par les articles L. 512-21 et R. 512-76 du Code de l'environnement et requiert, de nouveau, s'agissant d'un transfert d'obligation, le support du contrat de droit privé et toute l'expertise du rédacteur en la matière . La substitution, qui peut être totale ou partielle, suppose que le tiers intéressé dispose de garanties financières et justifie de capacités techniques. Il s'agira en effet d'un aménageur, promoteur, ou encore d'une entreprise spécialisée dans la reconversion des friches.
La loi no 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte est venue modifier le dispositif. Le tiers peut demander, par anticipation, l'autorisation de se substituer à l'exploitant en cas de future cessation d'activité. Le tiers peut également être substitué pour tout ou partie des mesures de mise en sécurité de l'installation – plus seulement la réhabilitation. Par contre, la loi para ît limiter le dispositif aux hypothèses où l'exploitant (ou son ayant droit) est encore présent sur le site, et qu'il donne son accord pour qu'un tiers intéressé se substitue à lui : le dispositif ne pourrait donc être utilisé pour le site orphelin ayant été le siège passé d'une installation classée .