La réponse du gouvernement à la fronde des élus locaux

La réponse du gouvernement à la fronde des élus locaux

– Au cœur de l'automne, trois décrets éclairent le ZAN. – Après plusieurs mois de concertation et de travaux, notamment avec les représentants des élus locaux, trois décrets sur le ZAN sont parus au Journal officiel le 28 novembre 2023, dont deux apportent des évolutions majeures.
Il s'agit d'une part, du décret no 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols, qui réécrit le décret no 2022-763 du 29 avril 2022 (A) et, d'autre part, du décret no 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols, qui revoit le décret no 2022-762 du 29 avril 2022 (B).

Le décret no 2023-1096 du 27 novembre 2023

– Un décret pour mieux comprendre la nomenclature. – Ce premier décret ajuste et complète le décret no 2022-763 du 29 avril 2022 dit décret « nomenclature », qui avait suscité la contestation notamment sur la question du caractère artificialisé ou non des pelouses attenantes à une maison d'habitation. Pour cela, le décret précise la portée de la nomenclature (I) et définit les catégories de surfaces (II).

La portée de la nomenclature

– La nomenclature limitée à un outil de mesure de l'artificialisation. – L'article R. 101-1 du Code de l'urbanisme est réécrit et confirme que, dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, le solde entre les surfaces artificialisées et les surfaces désartificialisées est évalué au regard des catégories listées par la nomenclature. Avec clarté, la notice du décret précise la portée de la nomenclature : un outil de mesure pour évaluer le solde d'artificialisation nette des sols dans le cadre de la fixation et du suivi des documents de planification et d'urbanisme, selon une méthode commune d'estimation à tous les échelons territoriaux (national, régional, local). En aucune manière la nomenclature n'a vocation à définir la constructibilité d'une zone dans un plan local d'urbanisme ou à s'appliquer au niveau d'un projet. L'artificialisation engendrée par une construction s'appréciera au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du Code de l'urbanisme.

La définition des surfaces artificialisées et non artificialisées

– Une nouvelle nomenclature. – Le décret du 27 novembre 2023 remplace la nomenclature annexée à l'article R. 101-1 du Code de l'urbanisme.
– Les surfaces artificialisées au sens de la nomenclature. – Sont désormais considérées comme artificialisées :
  • les surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations) ;
  • les surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d'un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles) ;
  • les surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux, ou dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux) ;
  • les surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d'infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée ;
  • les surfaces entrant dans les catégories 1° à 4°, qui sont en chantier ou en état d'abandon.
– Les surfaces non artificialisées au sens de la nomenclature. – Au contraire sont considérées comme non artificialisées :
  • les surfaces naturelles dont les sols sont soit nus (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d'activités extractives de matériaux en exploitation) soit couverts en permanence d'eau, de neige ou de glace ;
  • les surfaces à usage de cultures dont les sols sont soit arables ou végétalisés (agriculture), y compris si ces surfaces sont en friche, soit recouverts d'eau (pêche, aquaculture, saliculture) ;
  • les surfaces dont les sols sont végétalisés et à usage sylvicole ;
  • les surfaces dont les sols sont végétalisés et qui constituent un habitat naturel ;
  • les surfaces dont les sols sont végétalisés et qui n'entrent pas dans les catégories précédentes.
L'article R. 101-1, III du Code de l'urbanisme précise que peuvent être également considérées comme non artificialisées au sens de la nomenclature les surfaces sur lesquelles sont implantées des installations de production d'énergie solaire photovoltaïque qui respectent des critères fixés par décret et les parcs et jardins publics.
– Les seuils de référence. – Sont intégrés dans la nouvelle nomenclature les seuils de référence à partir desquels pourront être qualifiées les surfaces (50 m² pour le bâti et 2 500 m² pour les autres catégories de surface ; 5 mètres de large pour les infrastructures linéaires et au moins 25 % de boisement d'une surface végétalisée pour qu'elle ne soit pas seulement considérée comme herbacée). Seules les surfaces supérieures à ces seuils seront décomptées au niveau national par l'observatoire de l'artificialisation des sols.
– L'équilibre trouvé sur les jardins ? – La pelouse d'une zone résidentielle est considérée comme artificialisée, au contraire de la pelouse d'un parc public. En effet, l'objectif public est de densifier les zones pavillonnaires. Construire sur cette pelouse un bâtiment n'entraîne pas d'artificialisation supplémentaire. Par exception, les jardins des maisons individuelles sont considérés comme non artificialisés s'ils mesurent plus de 2 500 m2 et sont boisés sur au moins un quart de leur surface : il s'agit alors de préserver un espace vert, îlot de fraîcheur.

Le décret no 2023-1097 du 27 novembre 2023

– Un décret pour mieux assurer la territorialisation des objectifs. – Ce deuxième décret ajuste et complète le décret no 2022-762 du 29 avril 2022, dit décret « SRADDET », qui avait suscité la contestation, notamment des élus locaux qui s'alarmaient du caractère prescriptif des SRADDET et qui y voyaient un risque de tutelle des régions sur les autres collectivités. Pour assurer une meilleure déclinaison à l'échelle infrarégionale des objectifs de la politique du ZAN, le décret renforce les critères de territorialisation (I), supprime la fixation obligatoire d'une cible chiffrée d'artificialisation (II), renforce la protection des activités agricoles (III) et des autorisations d'urbanisme (IV).

Le renforcement des critères de territorialisation

– De nouveaux critères de territorialisation dans le rapport d'objectifs du SRADDET. – L'article R. 4251-3 du Code général des collectivités territoriales est complété pour renforcer les critères à considérer dans le rapport d'objectifs du SRADDET. En plus des quatre critères issus du décret du 29 avril 2022, il est désormais fait mention explicitement des efforts de réduction déjà réalisés, des particularités géographiques locales pour les communes littorales et les zones de montagne, de la recomposition des communes exposées au trait de côte et des enjeux de maintien et de développement des activités agricoles.

La suppression de la fixation obligatoire d'une cible chiffrée d'artificialisation

Exit la cible chiffrée d'artificialisation dans le fascicule du SRADDET. – L'article R. 4251-8-1, alinéa 1 du Code général des collectivités territoriales est modifié dans un sens moins prescriptif : « En matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols, des règles différenciées peuvent être définies afin d'assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire en tenant compte des périmètres des schémas de cohérence territoriale ». Quant à la seconde phrase qui prévoyait qu'était « déterminée pour chacune d'elles une cible d'artificialisation nette des sols au moins par tranches de dix années », elle est purement et simplement supprimée. La notice du décret du 27 novembre 2023 précise toutefois que la fixation d'une cible chiffrée reste une faculté pour la région.
En contrepartie, deux prescriptions nouvelles figurent à l'article R. 4251-8-1 réécrit.
D'une part, la déclinaison territoriale doit garantir à chaque commune une surface minimale d'un hectare de consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers.
D'autre part, la déclinaison territoriale doit permettre de favoriser les projets de recomposition spatiale des communes exposées au recul du trait de côte.
Enfin, l'article R. 4251-8 adapte la faculté de mutualisation de la consommation ou de l'artificialisation emportée par certains projets d'envergure régionale (le décret précédent visait des projets d'intérêt général majeur et d'envergure nationale ou régionale), qui feront l'objet d'une liste dans le fascicule. Cette liste sera au moins transmise pour avis aux SCoT, aux EPCI, aux communes et aux départements concernés par ces projets.

La protection des activités agricoles

– Protéger l'agriculture. – Le décret du 27 novembre 2023 cherche également à concilier la préservation des espaces dédiés aux activités agricoles et la lutte contre l'artificialisation des sols. Dans ce but, et comme nous l'avons vu, le décret a ajouté un critère de territorialisation dans le rapport d'objectifs du SRADDET pour le maintien et le développement des activités dans ce domaine. Par ailleurs, les SRADDET auront la possibilité de mettre en place une part réservée de l'artificialisation des sols pour des projets à venir de création ou d'extension de bâti agricole, et ce notamment pour contribuer aux objectifs et orientations prévus dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (CGCT, art. R. 4251-8-1, II). Enfin, la notice du décret précise que « pour la première tranche de dix ans (2021-2031), les constructions ou installations à destination agricole qui sont réalisées dans les espaces agricoles ou naturels n'emportent généralement pas de création ou d'extension d'espaces urbanisés et donc de consommation de ces espaces ».

La protection des autorisations d'urbanisme

– L'absence d'opposabilité du ZAN aux autorisations d'urbanisme. – L'article 3 du décret du 27 novembre 2023 dispose qu'une « autorisation d'urbanisme conforme aux prescriptions d'un document d'urbanisme en vigueur et ayant fixé des objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation des sols en application du IV de l'article 194 de la loi no 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne peut être refusée au motif qu'elle serait de nature à compromettre le respect de ces objectifs ».
– La politique du ZAN enfin compréhensible ? – Les décrets du 27 novembre 2023 apportent des précisions fondamentales sur la politique devant conduire au ZAN et en facilitent la compréhension. Deux enseignements majeurs en ressortent.
D'une part, l'atténuation du caractère prescriptif des SRADDET avec notamment la fin du caractère obligatoire des cibles chiffrées d'artificialisation : ainsi les documents infrarégionaux retrouvent une marge de manœuvre.
D'autre part, l'absence d'opposabilité de la nomenclature et des objectifs chiffrés du ZAN aux autorisations d'urbanisme.