La protection des littoraux renforcée par le ZAN

La protection des littoraux renforcée par le ZAN

– Plan. – La politique de réduction de l'artificialisation devant conduire à l'horizon 2050 au ZAN ne sera pas sans effet sur les territoires littoraux : elle fixe des contingents de surfaces à artificialiser par décennie (I) et tient compte du recul du trait de côte (II).

Les contingents de surfaces à artificialiser

– La politique du ZAN en appui de la protection de la loi Littoral. – Comme nous l'avons vu, la loi Littoral assure une protection des territoires côtiers et constitue un instrument de sobriété foncière. Elle répond à deux grandes questions : où et comment construire ? La politique du ZAN complète le dispositif de protection, d'une part, en s'appliquant à des projets qui échappent aux restrictions posées par la loi Littoral, par exemple aux dérogations, mais aussi aux projets plus modestes qui ne peuvent être considérés comme une ouverture de l'urbanisation et, d'autre part, en apportant une réponse à une nouvelle question : combien ? Par la déclinaison des objectifs en cascade dans les documents d'urbanisme, les PLU préciseront le nombre d'hectares ouverts à l'artificialisation. Ainsi les constructions d'une station d'épuration sur un terrain de 3 hectares en retrait de la côte, d'un immeuble collectif sur une parcelle de 3 000 m2 en continuité d'une agglomération ou de quatre pavillons sur un jardin arboré de 2 500 m2 dans les espaces proches du rivage sont autorisées par la loi Littoral, mais consommeront des espaces qui seront décomptés du contingent fixé par le ZAN. En résumé, l'ouverture à l'urbanisation s'appliquera conformément aux règles de la loi Littoral dans la limite du contingent communal de surfaces à artificialiser.
– Depuis la loi ELAN, le SCoT a un rôle déterminant pour la protection des littoraux qui se trouve encore renforcé par la politique conduisant au ZAN. – Comme nous l'avons vu, le SCoT détermine les critères d'identification des agglomérations, villages et secteurs urbanisés au sens de l'article L. 121-8 et en définit la localisation (V. supra, n° ), et facilite l'urbanisation dans les espaces proches du rivage (V. supra, n° ). Plus généralement, le SCoT précise les modalités d'application de la loi Littoral, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire (C. urb., art. L. 121-3). Par le jeu de la traduction en cascade des objectifs du ZAN, le SCoT fixera pour chaque PLU ou PLUi la surface maximale susceptible d'être artificialisée. Selon la formule d'Olivier Fuchs, « le SCoT n'est pas un écran faisant apparaître la loi, il est un filtre, au sens photographique du terme, qui est appliqué par la loi et qui la colore. Il constitue la clé d'interprétation de cette loi ». La clé d'interprétation et bientôt la mesure…

La problématique du recul du trait de côte

– L'indispensable conciliation entre reconfiguration spatiale et lutte contre l'artificialisation. – Sous l'effet de la montée des eaux, le littoral est soumis à d'importantes pressions. C'est pourquoi la loi Climat et Résilience a consacré la stratégie nationale du trait de côte aux articles L. 321-13, A et suivants du Code de l'environnement, puis l'ordonnance du 6 avril 2022 a prévu des dérogations à la loi Littoral lorsqu'elles sont nécessaires à la mise en œuvre d'un projet de relocalisation des constructions menacées. Rapidement s'est posée la question de concilier la reconfiguration spatiale des communes concernées par le trait de côte avec la politique de réduction de consommation foncière. En effet, ces communes sont soumises au droit commun de la stratégie « ZAN », alors qu'elles font face au risque de voir certaines surfaces rendues impropres à tout usage et à la nécessité de relocaliser des aménagements et des constructions.
– À la recherche de l'équilibre. – Afin de trouver un équilibre, les sénateurs ont d'abord proposé que les surfaces artificialisées rendues impropres à l'usage en raison de l'érosion côtière ayant fait l'objet d'une renaturation soient décomptées de l'artificialisation ou de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et que l'artificialisation ou la consommation d'espaces résultant des projets de relocalisation ne soit pas prise en compte pour évaluer l'atteinte des objectifs posés par la loi Climat et Résilience. Après discussion parlementaire, la loi du 20 juillet 2023 a créé l'article L. 321-15-1 du Code de l'environnement. Ce nouvel article pose d'abord un principe : il est désormais tenu compte des enjeux d'adaptation et de recomposition spatiale du territoire des communes concernées pour la fixation dans les documents d'urbanisme des objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation ; puis le traduit pratiquement : « pour l'atteinte de ces objectifs, les surfaces artificialisées situées dans une zone exposée au recul du trait de côte délimitée en application du 1° de l'article L. 121-22-2 du Code de l'urbanisme peuvent être considérées comme désartificialisées, au sens de l'article L. 101-2-1 du même code, dès lors que ces surfaces ont vocation à être renaturées dans le cadre d'un projet de recomposition spatiale du territoire littoral. Au terme de chaque tranche de dix années, les surfaces n'ayant pas fait l'objet d'une renaturation sont de nouveau considérées comme artificialisées ».
– La compensation par anticipation. – Le dispositif finalement voté s'inscrit très en retrait par rapport au projet initial du Sénat, au point de se trouver réduit à « peau de chagrin ». Si la question du trait de côte est traitée dans un article spécifique, sa traduction pratique renvoie largement au droit commun. En effet, ne pas prendre en compte l'artificialisation d'un terrain si elle est compensée est le principe de base de la loi. La seule particularité du dispositif est d'autoriser une sorte de « compensation par anticipation ». En définitive, l'équilibre reposera entièrement sur la prise en compte des enjeux d'adaptation et de recomposition spatiale du territoire par les documents d'urbanisme pour la fixation des objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation.
– Proposition. – Pour l'ensemble des communes françaises, la politique conduisant au ZAN est un défi. Pour les communes concernées, la gestion du recul du trait de côte est un défi encore plus grand. La solution équilibrée aurait sans doute été d'exclure ces communes en plein bouleversement de l'application des règles générales de réduction de l'artificialisation des sols posées par la loi Climat et Résilience. À défaut, les hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (HNIE), supprimés par la loi ELAN du 23 novembre 2018, devraient de nouveau être autorisés dans les communes exposées au recul du trait de côte.