L'affaire
Dans une espèce, la société Total Mayotte avait échangé le 29 mars 2010 avec la société Nel une
parcelle de terrain, sur laquelle avait été exploitée une station-service. Le 31 mai 2010, la
société Nel a revendu ce terrain à la société Station Kaweni. Celle-ci a ensuite conclu un bail au
profit de Sodifram, en vue de la construction de parkings, commerces et bureaux. Au commencement
des travaux, en 2013, une pollution est découverte sur le terrain. Acquéreur « final » et preneur
assignent alors les vendeurs successifs en indemnisation de leur préjudice, pour non-respect des
dispositions du Code de l'environnement relatives à la mise à l'arrêt et remise en état du site,
manquement à l'obligation de délivrance conforme, et garantie des vices cachés. La société Total
Mayotte appelle en garantie la société Nel, revendiquant l'application de la « clause de pollution
» insérée dans l'acte d'échange.
La clause litigieuse portait à la connaissance du coéchangiste un « rapport de synthèse de
dépollution » laissant penser qu'une dépollution complète du site avait été réalisée, et elle
avait donc pour objectif de prémunir la société Total de tout recours relatif à l'état du sol ou
du sous-sol. L'acquéreur, la société Nel, avait même déclaré à l'acte « renoncer de manière
générale à tout recours contre la société Total Mayotte ayant pour cause l'état du sol et du
sous-sol de l'immeuble vendu ».
Peine perdue : les juges du fond ont relevé que la pollution était bien présente, et que le
travail de remise en état réalisé ne correspondait pas au rapport fourni (pollution visible « dès
le premier coup de godet »). Dès lors, le rapport technique joint à l'acte a constitué un étalon
de mesure de l'état environnemental du terrain, faisant entrer par erreur dans le champ
contractuel un bien présenté comme « dépollué » ; ce qui a valu au vendeur d'être condamné pour
manquement à son obligation de délivrance. On voit ici ce que l'on expliquait précédemment :
l'application du droit commun des obligations (la délivrance conforme) vient alourdir
considérablement les obligations du vendeur, faisant d'un bien erronément présenté comme «
dépollué » une obligation de délivrance, alors que le Code de l'environnement n'oblige qu'à une
remise en état compatible avec l'usage futur lors de l'arrêt d'une ICPE. On ne saurait que trop
inviter les parties – et le notaire – à s'assurer de la portée des documents fournis et annexés
aux actes.
Mais il s'agit d'illustrer ici la garantie des vices cachés. En effet, la clause de «
dépollution » précédente n'a pas été reprise dans l'acte de revente entre la société Nel et la
société Station Kaweni. Aussi, la cour a considéré que la dépollution n'était pas entrée dans le
champ contractuel. En revanche, pour aboutir à un résultat similaire, elle a retenu que
l'inconstructibilité du terrain constituait un vice caché, justifiant la garantie du vendeur à
l'égard de l'acquéreur
.