La garantie des vices cachés

La garantie des vices cachés

– Fondement légal. – L'article 1641 du Code civil indique que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Pour qu'une telle garantie puisse être mise en œuvre par l'acquéreur, trois conditions doivent être réunies : l'antériorité du vice à l'acte de vente, un vice non connu de l'acquéreur au moment de la vente, un vice rendant la chose impropre à sa destination ou qui en diminue fortement l'utilisation. Nul doute que ces trois conditions seront souvent réunies en matière de biens symptomatiques. Aussi, sauf efficacité de la clause de « vente en l'état », en apportant la preuve de ces trois conditions, l'acheteur bénéficiera d'un délai de deux ans pour agir et choisir l'une des options prévues par l'article 1644 du Code civil : « rendre la chose et (...) se faire restituer le prix », ou « garder la chose et (...) se faire rendre une partie du prix ». Il s'agit des actions dites « rédhibitoire » ou « estimatoire », que le juge pourra compléter par des dommages et intérêts couvrant les frais de dépollution. Et, là encore, comme précédemment, il faut noter le risque pour le vendeur de payer une somme bien supérieure au prix reçu : ainsi, telle affaire, où le vendeur a été condamné à verser plus de 700 000 € de dommages intérêts, tandis que le prix de la transaction était de 270 000 € .

L'affaire

Dans une espèce, la société Total Mayotte avait échangé le 29 mars 2010 avec la société Nel une
parcelle de terrain, sur laquelle avait été exploitée une station-service. Le 31 mai 2010, la
société Nel a revendu ce terrain à la société Station Kaweni. Celle-ci a ensuite conclu un bail au
profit de Sodifram, en vue de la construction de parkings, commerces et bureaux. Au commencement
des travaux, en 2013, une pollution est découverte sur le terrain. Acquéreur « final » et preneur
assignent alors les vendeurs successifs en indemnisation de leur préjudice, pour non-respect des
dispositions du Code de l'environnement relatives à la mise à l'arrêt et remise en état du site,
manquement à l'obligation de délivrance conforme, et garantie des vices cachés. La société Total
Mayotte appelle en garantie la société Nel, revendiquant l'application de la « clause de pollution
» insérée dans l'acte d'échange.

La clause litigieuse portait à la connaissance du coéchangiste un « rapport de synthèse de
dépollution » laissant penser qu'une dépollution complète du site avait été réalisée, et elle
avait donc pour objectif de prémunir la société Total de tout recours relatif à l'état du sol ou
du sous-sol. L'acquéreur, la société Nel, avait même déclaré à l'acte « renoncer de manière
générale à tout recours contre la société Total Mayotte ayant pour cause l'état du sol et du
sous-sol de l'immeuble vendu ».

Peine perdue : les juges du fond ont relevé que la pollution était bien présente, et que le
travail de remise en état réalisé ne correspondait pas au rapport fourni (pollution visible « dès
le premier coup de godet »). Dès lors, le rapport technique joint à l'acte a constitué un étalon
de mesure de l'état environnemental du terrain, faisant entrer par erreur dans le champ
contractuel un bien présenté comme « dépollué » ; ce qui a valu au vendeur d'être condamné pour
manquement à son obligation de délivrance. On voit ici ce que l'on expliquait précédemment :
l'application du droit commun des obligations (la délivrance conforme) vient alourdir
considérablement les obligations du vendeur, faisant d'un bien erronément présenté comme «
dépollué » une obligation de délivrance, alors que le Code de l'environnement n'oblige qu'à une
remise en état compatible avec l'usage futur lors de l'arrêt d'une ICPE. On ne saurait que trop
inviter les parties – et le notaire – à s'assurer de la portée des documents fournis et annexés
aux actes.

Mais il s'agit d'illustrer ici la garantie des vices cachés. En effet, la clause de «
dépollution » précédente n'a pas été reprise dans l'acte de revente entre la société Nel et la
société Station Kaweni. Aussi, la cour a considéré que la dépollution n'était pas entrée dans le
champ contractuel. En revanche, pour aboutir à un résultat similaire, elle a retenu que
l'inconstructibilité du terrain constituait un vice caché, justifiant la garantie du vendeur à
l'égard de l'acquéreur

.

– Les aménagements et leurs limites. – Face aux sanctions potentielles, grande sera la tentation d'user des clauses exonératoires de garantie des vices cachés. Les aménagements conventionnels sont a priori autorisés ; toutefois, comme le souligne le professeur Charles Gijsbers, « il faut cependant tenir compte du fait que l'on est ici sur un terrain fortement pénétré d'ordre public, à savoir le droit de l'environnement, qui restreint davantage qu'à l'accoutumée l'initiative des volontés privées » . S'agissant de la garantie des vices cachés, le Code civil prévoit lui-même la possibilité d'aménager la garantie due par le vendeur. L'article 1643 du Code civil indique qu'il « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».
– La clause exonératoire totale. – Le vendeur pourra être tenté de prévoir une clause exonératoire totale, à l'instar du cas d'espèce développé précédemment.
Cette clause n'aura pas vocation à produire ses effets :
  • si le vendeur est de mauvaise foi ;
  • si le vendeur est un professionnel de l'immobilier, ce qui sera le cas le plus fréquent ;
  • si le vendeur n'a pas fourni les diagnostics prévus par la loi et/ou les informations prévues par les textes spécifiques tels que l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, ou encore l'article L. 125-7 dudit code concernant les SIS.
– La prise en charge par le vendeur. – Le vendeur pourra également convenir avec l'acquéreur des modalités de prise en charge matérielle et financière de l'état du terrain, voire une indemnisation de l'acheteur en cas de nuisances résultant d'une pollution.

La portée de la clause de non-garantie des vices cachés

Un arrêt du 29 juin 2017 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venu
préciser la portée de la clause de non-garantie des vices cachés

. Les faits de l'espèce sont les suivants : un vendeur avait cédé à une SCI le rez-de-chaussée
d'un immeuble dans lequel avait été exploité un garage automobile. La SCI avait connaissance de
cet élément, et prévoyait de transformer le bien pour un usage d'habitation.

Une clause de non-garantie des vices cachés avait été insérée dans le contrat. Lors de
l'exécution des travaux, la SCI a découvert l'existence de cuves enterrées fuyardes, et la
présence notamment d'hydrocarbures. Elle réclame donc indemnisation pour la réalisation des
travaux de « dépollution » au visa de l'article 1641 du Code civil. Les vendeurs assignés
entendent quant à eux se prévaloir de la clause exonératoire de garantie, sur le fondement de
l'article 1643 du même code. La cour d'appel donne raison aux acquéreurs et condamne les vendeurs
à prendre en charge les travaux de dépollution et les autres préjudices

. Ceux-ci se pourvoient en cassation, et le pourvoi est rejeté par la Haute juridiction. En effet,
les juges font valoir que le vendeur ne pouvait pas ignorer la pollution, puisque les parents de
ce dernier, et lui-même, avaient exploité le garage familial. De plus, l'acquéreur avait manifesté
dans l'acte le changement de destination futur du bien pour un usage d'habitation. L'on voit de
nouveau que la mention du projet de l'acquéreur dans l'acte sera un argument supplémentaire face à
un vendeur appelé en garantie.

La cour admet donc la responsabilité des vendeurs, bien qu'une clause de non-garantie de vice
caché ait été stipulée. La seule qualité d'ancien exploitant suffit, pour les juges, à réputer que
le vendeur avait connaissance de la pollution qu'il a lui-même causée, et donc à l'obliger à
garantie.

La responsabilité de l'agent immobilier a été également retenue, en l'espèce, puisque ce dernier
a admis avoir eu connaissance de la présence des cuves, sans en avoir informé l'acquéreur et les
notaires instrumentaires. Ces derniers, non informés, échappent à toute condamnation.