– Plan. – Pour réindustrialiser la France tout en respectant les objectifs du ZAN, les outils sont protéiformes : recenser le foncier disponible (A), optimiser le foncier artificialisé (B), accélérer et simplifier les procédures d'implantations industrielles (C), anticiper les besoins futurs pour répondre le plus immédiatement possible aux besoins d'espaces de réindustrialisation (D), restaurer les sites naturels et renaturer (E), mais aussi assurer un financement (F).
La boîte à outils au service d'une réindustrialisation foncièrement sobre
La boîte à outils au service d'une réindustrialisation foncièrement sobre
Recenser le foncier disponible
– Identifier le foncier disponible. – Issus de démarches locales ou d'initiatives nationales, les outils de recherche du foncier industriel sont divers.
Les bases de données des fonciers disponibles à destination industrielle ne pallient pas les difficultés de recensement des friches industrielles. Elles pourraient être enrichies d'informations pertinentes. Par exemple, à date, la plateforme Datavis sites clés en main ne donne pas d'informations sur la desserte ferrée et la puissance électrique disponible à dix-huit mois.
Optimiser le foncier artificialisé
Compacter les usines
– La miniaturisation, un levier significatif. – Créer des machines moins volumineuses, optimiser l'espace des postes de travail, diminuer le besoin de stockage permettrait de réduire l'investissement immobilier. Les axes d'amélioration sont nombreux : utiliser les espaces vacants, mutualiser les constructions et les services supports (stationnement, restaurant d'entreprise, zone de chargement), compacter et densifier le bâti par la construction innovante d'usines ou de logistiques en « vertical ».
H2 de Hoffmann Green Cement : première cimenterie verticale. Site de Bournezeau (Vendée)
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Source : ciments-hoffmann.fr">Lien</a>
Densifier et intensifier les zones industrielles existantes
– Le rôle clé des SRADDET. – L'article 1 de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte instaure à l'échelle régionale une planification du foncier industriel. Désormais, les SRADDET devront intégrer un objectif en matière de développement industriel. Les concertations préalables du public pourront être mutualisées à l'échelle d'un même territoire (et non plus d'un projet) dans les zones de fort développement.
– Le règlement du PLU. – Les destinations et sous-destinations constituent des instruments de planification urbaine, utilisables pour densifier les zones industrielles. L'article R. 151-28 du Code de l'urbanisme prévoit que l'industrie est l'une des sous-destinations possibles de la destination « Autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire ». Les sous-destinations peuvent constituer des instruments précis de planification urbaine. Ainsi, pour faciliter la densification des zones industrielles existantes, l'agglomération de Saint-Nazaire a intégré à son PLUi une sous-destination pour l'industrie qui recouvre les constructions destinées à l'activité extractive et manufacturière du secteur primaire, les constructions destinées à l'activité industrielle du secteur secondaire ainsi que les constructions artisanales du secteur de la construction et de l'industrie.
Mobiliser le foncier caché
– Recenser les espaces libres. – Le foncier caché est constitué par les espaces non utilisés. Appartenant à des entreprises privées ou des personnes publiques, ils ne sont pas mis sur le marché. Le foncier caché est difficilement repérable et seul un traitement au niveau local semble envisageable. En parvenant à le recenser, il pourrait constituer un vivier d'espaces au service de la sobriété foncière industrielle.
Réhabiliter les friches et prévenir leur apparition
– Les friches, toujours les friches. – Estimées entre 87 000 et 170 000 hectares, les friches sont disparates tant en termes de caractéristiques que de localisation. Le coût en temps et en argent pour réhabiliter les friches est extrêmement élevé. Cela étant, « la mobilisation de friches industrielles sans changement d'affectation serait deux fois moins chère que la mobilisation avec changement d'usage ». Pour les auteurs du rapport sur la « Stratégie nationale de mobilisation pour le foncier industriel », la réhabilitation des friches permettrait de satisfaire 45 % des besoins en foncier de la réindustrialisation. Pour ceci, une action volontariste doit être entreprise pour mobiliser 2 000 hectares (ce qui correspondrait à la création de cinquante sites).
– Le droit de préemption pour lutter contre les friches. – La loi du 20 juillet 2023 permet l'exercice du droit de préemption urbain portant sur les espaces à privilégier pour le recyclage foncier, tels que les friches, si elles sont situées dans un secteur identifié comme prioritaire dans un document d'urbanisme et présentant un potentiel foncier majeur pour favoriser le ZAN.
– L'extension provisoire du recours à l'attestation de mise en sécurité d'un ICPE. – La loi du 7 décembre 2020, dite « loi ASAP », et le décret no 2021-1096 du 19 août 2021 ont prévu le recours à un bureau d'études certifié pour attester de la mise en sécurité du site objet d'une déclaration de cessation d'activité réalisée depuis le 1er juin 2022. Jusqu'au 1er janvier 2026, la loi relative à l'industrie verte (art. 8) étend cette procédure aux exploitants d'ICPE dont la cessation d'activité a été notifiée avant le 1er juin 2022.
– La mise en demeure préfectorale de l'exploitant de mettre à l'arrêt définitif une partie seulement d'une installation. – La loi Industrie verte offre la possibilité au préfet de mettre en demeure l'exploitant de procéder à la mise à l'arrêt définitif d'une partie seulement de son exploitation, l'autre partie continuant à fonctionner. Auparavant, cette mise en demeure devait concerner l'ensemble de son exploitation.
– L'amélioration de la procédure du tiers demandeur. – Le tiers demandeur a la possibilité de se substituer à l'exploitant pour réaliser les travaux de réhabilitation du site. La loi Industrie verte lui offre désormais la possibilité de demander également, dès la notification de la cessation d'activité d'une installation classée, la substitution pour tout ou partie des mesures de mise en sécurité du site. En outre, le tiers demandeur peut « par anticipation » solliciter l'autorisation de se substituer à l'exploitant en cas de future cessation d'activité.
– La consécration d'une créance privilégiée environnementale. – En cas de liquidation de l'entreprise, la loi Industrie verte prévoit que les frais de mise en sécurité d'un site pollué constituent une créance privilégiée (C. com., art. L. 643-8). Ainsi est né le privilège environnemental, jouissant d'une sixième position, très favorable, dans l'ordre des créances privilégiées.
– Le renforcement des pouvoirs du préfet en cas d'exploitation illégale d'une exploitation. – Pour les installations fonctionnant sans les autorisations requises, la loi Industrie verte donne la possibilité au préfet d'infliger à l'exploitant une amende pouvant aller jusqu'à 15 000 €. Le préfet peut également contraindre l'exploitant à consigner une somme correspondant au coût des travaux devant être réalisés en cas de non-exécution des mesures conservatoires imposées par l'administration.
Accélérer et simplifier les procédures d'implantation des industries
– Le facteur temps. – Les porteurs de projets industriels sont unanimes : les délais constituent le principal frein à l'installation des entreprises en France. Aussi, le gouvernement souhaite diviser par deux le délai administratif d'obtention d'une autorisation pour implanter une usine. Dans ce but, un certain nombre de mesures ont été adoptées par la loi Industrie verte.
– Un seul débat public ou une seule concertation préalable portant sur l'ensemble des projets. – Le nouvel article L. 121-8-1 du Code de l'environnement permet, lorsque plusieurs projets d'aménagement susceptibles de relever de la Commission nationale du débat public sont envisagés sur un territoire délimité et homogène, d'organiser un seul débat public ou une seule concertation préalable. En outre, le délai pendant lequel les projets ayant fait l'objet d'une telle participation sont dispensés de procédures de participation du public a été porté de cinq à dix ans. La notion de « territoire délimité et homogène » devra être définie par décret en Conseil d'État.
– Une nouvelle procédure de consultation pour les demandes d'autorisation environnementale. – La loi Industrie verte instaure une nouvelle procédure de consultation pour les demandes d'autorisation environnementale actuellement soumises à enquête publique dans l'objectif de réduire de neuf à six mois la durée théorique de la consultation. L'innovation consiste à consulter le public plus précocement dans la procédure. La loi Industrie verte « s'attache à concilier une association précoce du public au processus de décision, au moment où le projet n'a pas encore évolué sous l'influence des avis des autorités consultées, et la possibilité pour le public d'être éclairé par ces avis avant de produire des observations » L'hybridation procédurale consiste à « mélanger » l'enquête publique et la procédure de participation du public. La phase de consultation aura lieu concomitamment à la phase d'instruction de la demande d'autorisation environnementale. L'objectif de cette concomitance est bien sûr d'accélérer l'implantation des usines. Le commissaire enquêteur sera désigné par le président du tribunal administratif, à moins que le projet n'ait fait l'objet d'une concertation préalable sous l'égide d'un garant. Dans cette hypothèse, celui-ci sera nommé commissaire enquêteur (sauf opposition motivée du président du tribunal administratif).
– Ouverture de la consultation. – Dès que le dossier de demande sera jugé complet et régulier et que le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête sera désigné, la phase de consultation sera lancée. Le public sera avisé de l'ouverture de la consultation selon les mêmes modalités que celles définies par l'article L. 123-19 du Code de l'environnement. Les avis recueillis par l'administration sur la demande d'autorisation seront alors mis à disposition du public sans délai au fur et à mesure de leur émission.
– Organisation de deux réunions publiques. – « Le commissaire enquêteur doit organiser deux réunions publiques au début et à la fin de la période de consultation en présence du pétitionnaire. La durée de la consultation est portée de trente jours à trois mois, ou bien, lorsque l'avis de l'autorité environnementale est requis, à une durée supérieure d'un mois au délai imparti à cette autorité »
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– Durée de la consultation. – Trois mois, au lieu de trente jours actuellement, ou, lorsque l'avis de l'autorité environnementale est requis, un mois de plus que le délai imparti à celle-ci pour rendre son avis.
– Observations, propositions et réponse du pétitionnaire. – Les observations et propositions transmises par voie électronique seront accessibles sur un site internet dédié. Les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation seront réputées faire partie du dossier de demande, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, dès lors qu'elles n'en modifieront pas l'économie générale. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rendra son rapport et ses conclusions motivées dans le délai de trois semaines après la clôture de la consultation du public.
A également été créé l'article L. 123-1, B du Code de l'environnement prévoyant que le juge administratif des référés devra faire droit à toute demande de suspension d'une décision prise sans que la participation du public requise ait eu lieu.
Le Conseil d'État a validé le dispositif de participation du public. Cependant, il demeure dubitatif sur le fait que la nouvelle procédure de consultation du public suffise à raccourcir les délais de traitement des demandes d'autorisation environnementale.
– Une procédure adaptée pour les projets majeurs. – Les projets « d'intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique » sont identifiés par décret et bénéficieront de quatre dispositions dérogatoires au droit commun :
- procédure allégée de mise en compatibilité des documents d'urbanisme : la procédure est inspirée de celle mise en place pour la construction de réacteurs déclarés d'intérêt général ;
- soustraction à la compétence de droit commun du maire des autorisations d'urbanisme en vue de les confier à l'État ;
- extension des dérogations temporaires en matière de raccordement au réseau de transport d'électricité ;
- reconnaissance des projets comme répondant à une « raison impérative d'intérêt public majeur » (RIIPM).
Cette reconnaissance constitue l'une des trois conditions cumulatives nécessaires au bénéfice d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées. En outre, l'existence d'une RIIPM aurait lieu dès la phase de la déclaration d'utilité publique (DUP). Cela signifie que sa contestation ne pourra avoir lieu qu'au stade de la DUP devant le juge administratif et non à celui de la délivrance de la dérogation « espèces protégées ».
Les sites industriels « clés en main »
– Les sites industriels « clés en main », élément-clé pour réindustrialiser la France. – Un site industriel clés en main est « un site immédiatement disponible, pouvant recevoir des activités industrielles ou logistiques, et pour lequel lesprocédures relatives à l'urbanisme, à l'archéologie préventive et à l'environnement ont été anticipées afin de permettre l'instruction des autorisations nécessaires à l'implantation d'une nouvelle activité industrielle dans des délais maîtrisés ». Le prêt à l'emploi de fonciers permet de démarrer rapidement la construction du bâti « tout en garantissant un haut niveau de protection de l'environnement, ces sites sont un atout précieux pour convaincre les investisseurs et accélérer la concrétisation des projets industriels en période de relance (…) Les sites clés en main se distinguent également en matière d'attractivité : accessibilité, réseaux disponibles, services proposés aux entreprises et aux salariés, écosystèmes locaux… Autant d'atouts qui font la différence dans la compétition internationale pour les nouveaux projets, et qui contribuent à convaincre les investisseurs de faire le choix de la France ».
Une première campagne a permis l'identification en 2020 de soixante-dix-huit sites clés en main. Afin de renforcer l'offre, le dispositif a été suivi d'une procédure d'appel à propositions lancé par le ministère de l'Économie. Ainsi, quarante-neuf nouveaux « sites industriels clés en main » ont été sélectionnés en septembre 2021. La Banque des territoires devrait notamment investir un milliard d'euros entre 2023 et 2027 pour créer cinquante sites « clés en main » pré-aménagés, en dépolluant des friches industrielles.
Renaturer, restaurer et compenser le ZAN
– Renaturer et restaurer. – Pour faciliter le déploiement de l'industrie, le gouvernement souhaite améliorer l'offre d'unités de compensation à destination des porteurs de projets. Renaturer suscite encore de nombreuses interrogations qui ne sont pas propres à la réindustrialisation. Aussi, nous renvoyons ici au chapitre V, « La renaturation : la clé pour réussir le ZAN » (V. infra, nos
et s.).
Financer
– Du fonds friches au volet « Friches » du fonds vert. – Pour inciter les porteurs de projets au recyclage des friches, le gouvernement a mis en place les fonds friches pour lesquels nous renvoyons au 119e Congrès des notaires. Peu de projets industriels ont cependant été bénéficiaires de fonds friches. Selon certaines estimations, il serait nécessaire d'allouer une enveloppe complémentaire d'aide aux recyclages des friches d'environ 1 milliard d'euros d'ici 2030. Depuis janvier 2023, les subventions destinées à la réhabilitation des friches constituent l'un des volets du fonds vert, doté globalement de 2 milliards d'euros.
– Mobiliser l'épargne privée pour financer l'industrie verte grâce au PEAC. – La loi Industrie verte inaugure un nouveau produit d'épargne défiscalisé pour les jeunes, le « Plan d'épargne Avenir Climat » (PEAC). Ce plan peut être ouvert par les parents dès la naissance de leur enfant auprès d'une banque ou d'une compagnie d'assurance. L'épargne ainsi collectée sera affectée à l'acquisition de titres financiers contribuant au financement de l'économie productive et de la transition écologique : une recette d'un milliard d'euros est attendue.
– Les labels en faveur des technologies vertes. – La loi Industrie verte donne à l'État la possibilité de créer de nouveaux labels à destination des assurances-vie et des plans d'épargne retraite, qui contribueront à financer la décarbonation des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire. La Banque de France a été autorisée à recenser les données d'entreprises liées aux enjeux de durabilité afin de produire un « indicateur climat ». Cet indicateur doit faciliter la compréhension par les banques de l'impact des entreprises sur les enjeux environnementaux.