Discussions sur l'élément intentionnel

Discussions sur l'élément intentionnel

– L'implantation de bâtiments, élément intentionnel de la qualification. – Sous l'empire de la réglementation antérieure à l'ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005, la qualification de lotissement s'attachait à un critère matériel (la création de plus de deux lots) et à un critère temporel (sur une période de dix ans). Si l'élément intentionnel relatif à l'implantation de bâtiments était nécessaire et exigé par le juge administratif, il recouvrait une notion beaucoup plus large que son sens contemporain.
Aujourd'hui l'élément intentionnel de l'implantation de bâtiments constitue un élément déterminant de la qualification de lotissement que le Conseil d'État a pu récemment réaffirmer dans un arrêt du 29 novembre 2023.
A contrario il en résulte :
  • le détachement d'un terrain supportant un ou plusieurs bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis n'est pas constitutif d'un lotissement « y compris lorsqu'est envisagée l'extension , même significative, de l'un de ces bâtiments » ;
  • qu'un détachement, en vue de sa vente, d'un terrain supportant une construction quels que soient sa date d'achèvement, son état et son affectation n'est pas constitutif d'un lotissement alors même que le reliquat conservé par le propriétaire serait non bâti dès lors que ce dernier ne manifeste aucune intention de construire au jour de la division (à ce sujet nous émettons des réserves à ce principe ainsi que cela est développé ci-après) ;
  • les lotissements-jardins ne relèvent plus de la réglementation des lotissements ;
  • la circonstance qu'un terrain destiné à être bâti soit pour partie inconstructible est sans incidence sur la qualification de lot ;
  • la division de terrain sans aucune intention de bâtir est libre et aucune règle ne peut l'interdire.
– Les tempéraments jurisprudentiels à une application stricte du critère intentionnel. – L'implantation de bâtiments s'affirme comme déterminante de la qualification du lotissement comme la jurisprudence du Conseil d'État peut le rappeler régulièrement. Le juge du Palais-Royal, dans un arrêt du 30 janvier 2020, Association Non au béton, a réaffirmé sa jurisprudence relative à la définition du lotissement dans ces termes : « La division d'une propriété foncière en plusieurs lots constitue un lotissement, (…), s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un au moins de ces lots ».
Fidèle à sa jurisprudence et suivant les conclusions de Alexandre Lallet, rapporteur public, la Haute juridiction a cependant apporté un tempérament à ce principe en affirmant que l'opération doit être appréciée globalement, ce qui n'impose pas d'en refuser par principe la légalité au motif que certains lots seraient inconstructibles. Par conséquent, les deux conditions cumulatives posées par la jurisprudence pour reconnaître la licéité de lots inconstructibles dans une opération de lotissement sont, d'une part, la cohérence d'ensemble et, d'autre part, le respect de la réglementation applicable. Ce principe, affirmé par le Conseil d'État dans son arrêt Association des propriétaires riverains du chemin du Collet-Redon à l'occasion d'un différend portant sur la détermination de la surface minimum pour construire et l'application de l'article R. 123-10-1 (aujourd'hui codifié à l'alinéa 3 de l'article R. 151-23 du Code de l'urbanisme), n'est pas sans conséquence et le rapporteur public s'attache à rappeler cette jurisprudence concernant l'intégration de parcelles non constructibles. Si une telle intégration favorise la cohérence d'ensemble, elle ne doit aucunement constituer un artifice pour déroger à des règles qui, sans l'intégration de la surface non constructible, interdiraient la réalisation du projet.
Ainsi, si un lot inconstructible peut être créé à l'occasion d'une opération de lotissement, il ne peut être tenu compte de la surface de ce lot pour l'appréciation du respect des règles applicables. L'inconstructibilité demeure bien entendu la règle, l'autorité administrative étant fondée à refuser une opération de division « lorsque, compte tenu de ses caractéristiques (…), un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations requises ».
– Volet paysager et aménités. – La question se pose ainsi de façon directe s'agissant des espaces libres dont les règles sont fixées par l'article R. 151-43 du Code de l'urbanisme. Leur importance est particulièrement prégnante dans le cadre de l'acceptabilité d'un projet et la satisfaction des enjeux environnementaux. S'agissant de la comptabilisation des espaces non constructibles, après nombre d'hésitations la jurisprudence administrative a semblé définitivement limiter aux surfaces occupées par les emplacements réservés leur soustraction pour le calcul du coefficient d'occupation des sols (alors qu'il était encore applicable), sauf si les documents de planification urbaine prévoient leur exclusion ou la limitation de leur prise en compte. Cette position est-elle pour autant applicable mutatis mutandis au coefficient d'emprise au sol, aux espaces de pleine terre ou toute autre règle prévue à R. 151-43 du Code de l'urbanisme ? Nous ne le pensons pas. Les règles fixées par le PLU au titre de cet article nous apparaissent comme participant du respect de la règle au sens de la jurisprudence précitée.
Pour en savoir plus sur le lotissement, le permis de construire valant division, la division primaire, la ZAC et le permis d'aménager multi-sites, le CEREMA propose un « Tableau comparé de différents outils au service de la division foncière », que l'on peut consulter ici :

Les divisions non constitutives d'un lotissement

Certaines divisions visées limitativement à l'article R. 442-1 du Code de l'urbanisme, bien que répondant aux deux critères matériel et intentionnel susvisés, ne constituent pas des lotissements par détermination de la loi.