Définitions des composantes de la séquence ERC

Définitions des composantes de la séquence ERC

– Plan. – La séquence ERC vise à permettre à tout porteur de projet d'améliorer son bilan écologique. À cette fin, il doit justifier que les mesures prises permettront d'éviter les atteintes à l'environnement (A), de réduire celles qui n'ont pu être suffisamment évitées (B) et, si nécessaire, de compenser les effets notables n'ayant pu être évités, ni suffisamment réduits (C). Une confusion est souvent faite avec la notion de mesures d'accompagnement (D) qui est pourtant différente mais complémentaire à la séquence ERC.

L'évitement

– Lignes directrices. – Première étape de la séquence ERC, l'évitement n'est pas défini par le Code de l'environnement. Mais des lignes directrices du Commissariat général au développement durable en donnent la définition suivante : « Une mesure d'évitement (ou « mesure de suppression ») modifie un projet ou une action d'un document de planification afin de supprimer un impact négatif identifié que ce projet ou cette action engendrerait. Il peut s'agir de « faire ou ne pas faire », « faire moins », « faire ailleurs » ou « faire autrement » ».
Le guide précise que l'évitement peut être « stratégique », c'est-à-dire résulter d'un choix d'opportunité après analyse du bilan d'un projet ; « géographique », notamment sur l'emplacement d'un projet ou d'un chantier ; ou « technique », par le recours à la solution technique la plus favorable pour l'environnement à un coût économiquement acceptable.
Un séminaire dédié à la phase d'évitement, organisé en avril 2017 par le Commissariat général au développement durable, a mis en lumière une quatrième catégorie d'évitement : l'évitement « temporel ». Il consiste à adapter le projet en différant ou en échelonnant sa réalisation dans le temps.
L'évitement est la seule solution qui permet de ne pas porter atteinte au milieu naturel. Mais, comme le souligne le professeur Billet, « la neutralité par évitement est devenue relative, seuls les effets négatifs notables doivent être évités : les mesures de moindre incidence peuvent donc ne pas l'être et n'ont pas ainsi à être neutralisées, l'évitement se rapproche ainsi de la réduction qui la suit dans la séquence ERC traduisant la possibilité de neutraliser effectivement ses effets en obligeant à admettre une neutralité partielle ».

La réduction

– Lignes directrices. – Selon les lignes directrices nationales précitées, la réduction est une « mesure définie après l'évitement et visant à réduire les impacts négatifs permanents ou temporaires d'un projet sur l'environnement, en phase chantier ou en phase exploitation ».
Les mesures de réduction répondent à un principe de subsidiarité : elles ne seront mises en œuvre que si les mesures d'évitement ne sont pas possibles ou insuffisantes. Elles sont guidées par trois facteurs : un facteur « spatial », une mesure de réduction impliquant nécessairement une mise en œuvre sur le site même du projet ou à proximité immédiate ; un facteur « technique », tenant en son caractère suffisant ; et un facteur « temporel », garantissant une application pérenne.
La frontière entre l'évitement et la réduction est parfois mal comprise. Les auteurs s'accordent cependant à dire que l'évitement garantit la suppression totale d'un impact environnemental, tandis que la réduction atténue celui-ci sans le supprimer totalement.

La compensation

– Code de l'environnement. – La compensation est définie par l'article L. 163-1 du Code de l'environnement relatif aux atteintes à la biodiversité, dans le prolongement de l'article L. 110-1 fixant les principes généraux du droit de l'environnement rappelés précédemment. Selon une lecture combinée de ces textes, les mesures de compensation doivent poursuivre les objectifs d'équivalence écologique et d'absence de perte nette (I) et satisfaire à des conditions particulières (II).

Les deux objectifs de la compensation

– Objectif d'équivalence écologique. – Le premier objectif signifie que les gains écologiques générés par les mesures de compensation doivent être écologiquement équivalents aux pertes d'un point de vue qualitatif et quantitatif, ce qui implique une compensation en nature. Une compensation ne peut jamais être financière.
– Objectif d'absence de perte nette. Principe d'action préventive. – Le second objectif signifie qu'une fois les mesures de compensation mises en œuvre, les atteintes à la biodiversité mettant en cause l'état de conservation d'une espèce, d'un habitat ou d'une fonction doivent disparaître. Les mesures de compensation doivent, en d'autres termes, générer des gains écologiques au moins égaux aux pertes.
Atteindre cet objectif d'absence de perte nette, indique l'article L. 110-1 du Code de l'environnement, nécessite que soit mis en œuvre le principe d'action préventive et de correction des atteintes à l'environnement. Ce principe de prévention, que l'on retrouve à l'article 3 de la Charte de l'environnement, est également reconnu de longue date en jurisprudence comme les arrêts suivants le soulignent.
Par un arrêt du 9 juillet 2018, Communes de Villiers-le-Bâcle, Châteaufort, Magny-les-Hameaux et Saclay , le Conseil d'État précise, au visa du principe de prévention, que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation doivent être portées directement dans l'acte déclarant l'utilité publique d'un projet, compte tenu de son état d'avancement, au moins dans leurs grandes lignes. Il ajoute que « ces mesures sont, si nécessaire, précisées ou complétées ultérieurement, notamment à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement ».
Cette jurisprudence est prolongée pour les permis de construire par un arrêt du 30 décembre 2020, Association Koenigshoffen Demain . Le Conseil d'État y juge pour la première fois qu'un permis de construire portant sur des travaux soumis à étude d'impact doit prévoir les mesures d'évitement, de réduction et de compensation destinées à assurer le respect du principe de prévention :
« Lorsque le projet autorisé par le permis de construire est soumis à une étude d'impact en application des dispositions du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, notamment celles des lignes 36° et 37°, le permis de construire doit, à peine d'illégalité, être assorti, le cas échéant, des prescriptions spéciales imposant au demandeur, en plus de celles déjà prévues par la demande, les mesures appropriées et suffisantes pour assurer le respect du principe de prévention, destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet de construction ou d'aménagement sur l'environnement ou la santé humaine et, d'autre part, les mesures de suivi, tant des effets du projet sur l'environnement que des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser ces effets ».
Le Conseil d'État donne là toute sa force au principe de prévention en exigeant que le permis de construire délivré au porteur d'un projet soumis à étude d'impact soit assorti de prescriptions spéciales propres à en assurer le respect.

Les conditions particulières de la compensation

– Cinq conditions particulières. – Pour permettre la réalisation des deux objectifs précités, les mesures de compensation doivent satisfaire à quatre conditions particulières portant sur leur efficacité, leur temporalité, leur pérennité et leur proximité fonctionnelle. Bien que les textes n'en fassent pas mention, une cinquième condition est identifiée par les auteurs : l'additionnalité.
– L'efficacité. – L'article L. 163-1 du Code de l'environnement précise que les mesures de compensation sont soumises à une obligation de résultat. À ce titre, elles doivent permettre d'atteindre effectivement le niveau de gain écologique initialement visé lors des études réalisées. Pour ce faire, les mesures de compensation doivent être assorties d'objectifs de résultats et de modalités de suivi de leur efficacité et de leurs effets.
– La temporalité. – Les mesures de compensation doivent être effectives dès que les impacts du projet sur la biodiversité se font ressentir.
Il ne doit donc pas y avoir en principe de décalage entre le moment où surviennent les impacts sur la biodiversité et celui où se réalisent les mesures de compensation. Cela implique une anticipation dès le stade des études préparatoires.
– La pérennité. – Les mesures de compensation doivent être mises en œuvre de manière pérenne afin de respecter de façon durable l'équivalence écologique. Il en résulte que les mesures compensatoires doivent être d'une durée au moins équivalente à celle des impacts négatifs sur la biodiversité.
Pour ce faire, le porteur de projet devra prévoir des moyens de sécurisation foncière et financière dès la conception des mesures de compensation.
– La proximité fonctionnelle. – Le principe de proximité exige en principe que le porteur de projet réalise les mesures de compensation in situ, sur le site endommagé.
L'article L. 163-1 du Code de l'environnement prévoyait dans sa rédaction antérieure qu'à défaut d'être réalisées sur le site, les mesures de compensation devaient l'être sur des sites les plus proches possible de celui des impacts négatifs sur la biodiversité.
La loi relative à l'industrie verte du 23 octobre 2023 utilise désormais le terme de « proximité fonctionnelle ». Cela révèle une volonté délibérée de ne plus faire de la compensation une mesure devant être réalisée de façon impérative à proximité du site endommagé.
La notion de « proximité fonctionnelle » induit que le site choisi pour réaliser les mesures de compensation doit être le plus approprié au regard des enjeux en présence.
Pour ce qui concerne les impacts négatifs sur les milieux naturels, cela implique de tenir compte du fonctionnement des composantes de ces milieux naturels affectés dans la définition de la « zone naturelle ».
Pour ce qui concerne les espèces affectées, la proximité fonctionnelle fait appel à la capacité de déplacement des individus composant l'espèce et aux conditions nécessaires à ces déplacements, c'est-à-dire à l'accessibilité de l'espace pour les individus de l'espèce considérée à partir d'un espace « source ».
En ce qui concerne les fonctions écologiques, la proximité fonctionnelle est atteinte quand la fonction considérée concerne le même élément de biodiversité que celui affecté. La proximité fonctionnelle doit s'apprécier au regard des espèces, des habitats et des fonctions écologiques affectées.
Cela nécessite en toute hypothèse une certaine anticipation dans l'identification des sites pouvant recevoir les mesures de compensation, voire même dans le choix du site sur lequel sera réalisé le projet ayant des impacts négatifs sur la biodiversité.
Le nouvel article R. 163-1-A du Code de l'environnement inséré à la faveur d'un décret du 27 décembre 2022 précise que les mesures de compensation doivent être réalisées :
  • en priorité sur le site endommagé ;
  • en cas d'impossibilité, dans les zones de renaturation préférentielle identifiées dans les SCoT et les OAP des PLU dès lors qu'elles sont compatibles avec les orientations de renaturation de ces zones et que leurs conditions de mise en œuvre sont techniquement et économiquement acceptables ;
  • à défaut de pouvoir être réalisées sur le site endommagé ou sur une des zones de renaturation préférentielle, les mesures de compensation doivent être réalisées sur tout autre site dans le respect des principes fixés par l'article L. 163-1 du Code de l'environnement.
– L'additionnalité. – L'additionnalité contribue à l'équivalence écologique même si elle n'est pas identifiée explicitement par les textes comme étant un critère permettant d'y parvenir.
Selon les lignes directrices nationales précitées, « une mesure compensatoire est additionnelle lorsqu'elle génère un gain écologique pour le site de compensation qui n'aurait pas pu être atteint en son absence. Dans tous les cas, [les mesures de compensation] doivent être additionnelles aux actions publiques existantes ou prévues en matière de protection de l'environnement. Elles peuvent conforter ces actions publiques (…) mais ne pas s'y substituer ».
Il s'agit donc tout d'abord de garantir une plus-value écologique des mesures de compensation mises en œuvre par rapport à ce qui existe.
C'est le principe de « gain de biodiversité ».
Des ratios de compensation, généralement fixés par les documents réglementaires de planification (par ex. : 2 hectares compensés pour un hectare détruit), sont mis en place à ce titre.
C'est aussi éviter que des porteurs de projet proposent des mesures de compensation correspondant en réalité à des actions favorables à la biodiversité mises en œuvre dans le cadre d'autres engagements publics ou privés.
L'additionnalité implique donc que des mesures de conservation de milieux naturels en bon état ou déjà protégés, comme des réserves naturelles, ne puissent généralement être recevables au titre de la compensation, faute de plus-value significative.

Les mesures d'accompagnement

– Caractère complémentaire. – Une mesure d'accompagnement ne constitue pas une composante de la séquence ERC en tant que telle. Comme le soulignent les lignes directrices précitées, « elle peut être proposée en complément des mesures compensatoires (ou de mesures d'évitement et de réduction) pour renforcer leur pertinence et leur efficacité, mais n'est pas en elle-même suffisante pour assurer une compensation ».
En d'autres termes, il s'agit de mesures destinées à permettre une meilleure efficacité des mesures de compensation ou à donner des garanties supplémentaires de succès de ces mesures.
Elles peuvent prendre des formes diverses, comme par exemple l'acquisition de connaissances, la mise en place d'une stratégie de conservation plus globale que celle du périmètre du projet, la réalisation d'un inventaire des milieux naturels et des espèces, l'aide financière, les actions de communication et de sensibilisation, etc.
Facultatives au départ, les mesures d'accompagnement revêtent un caractère obligatoire si le porteur de projet les décrit dans son dossier de demande et que l'administration les reprend pour son compte et en fait des prescriptions.