Permettant une représentation parfaite (§ I), le mandat de protection future est un mandat général doté d'un régime dérogatoire au droit commun (§ II).
Un instrument de puissante souveraineté patrimoniale
Un instrument de puissante souveraineté patrimoniale
Un mandat de représentation parfaite
Tout ou presque a déjà été écrit sur les vertus du mandat de protection future et l'intérêt de son usage, et celui de lui conférer la forme authentique. Sa force vient de sa nature, en l'occurrence la nature d'un mandat, mais pas n'importe lequel !
– Un reflet de la volonté du mandant. – Le mandat de protection future est un contrat de représentation parfaite. Le représentant y agit non seulement pour le compte du représenté, mais également en son nom. Dès lors, le représenté est non seulement partie au contrat de mandat, mais aussi à tous les autres contrats conclus en son nom par le représentant, lesquels créent directement à son égard tous les droits et obligations qu'ils stipulent. Les effets de ces conventions se rattachent à la source (c'est-à-dire au mandat conclu entre mandant et mandataire), et c'est bien là une intense différence avec toutes les mesures de protection judiciaire, y compris l'habilitation familiale (qui, rappelons-le, n'a pas su choisir clairement entre mandat et mesure judiciaire). L'intervention médicale (certificat médical circonstancié établi par un médecin expert) ne fait que constater la nécessité d'activer le mandat ; et la supervision judiciaire, simple récépissé émanant du greffier du tribunal judiciaire, ne fait que conférer l'opposabilité erga omnes à cette constatation. Aucune décision, gracieuse ou contentieuse, n'est plus nécessaire. En un mot : quand il était en possession de ses moyens, le mandant a tout dit, et nul ne peut ni y ajouter ni y retrancher quoi que ce soit.
– Un instrument d'autoprotection. – C'est là, selon nous, toute la vertu du mandat de protection future : loin d'afficher la perte de capacité de la personne vulnérable, il pose aux yeux de tous un acte de volonté claire et lucide, émanant de la personne elle-même, mais qui ne sera connu de la société qu'au moment voulu. Cette noblesse unique de l'institution est reconnue par deux éminents auteurs, considérant qu'il « semble humaniser l'humiliation résultant fatalement de la diminution mentale, et de la meilleure manière, en associant la personne à sa propre protection : une autoprotection ». Celui qui se défend contre l'adversité conserve ainsi toute dignité. Voilà sans doute pourquoi la loi de 2019 a instauré « le primat du mandat de protection future sur tout autre dispositif de protection, y compris sur le droit commun de la représentation, ainsi que sur le régime primaire et les régimes matrimoniaux, ce qui est nouveau ».
Le mandat de protection future assume donc pleinement sa nature de mandat, et de la manière la plus aboutie, celle de la représentation parfaite. Mais cela suffit-il à investir le mandataire de tous pouvoirs, même les plus décisifs ?
Un mandat général dérogatoire
– Un mandat général. – Le plus souvent, le mandat de protection future est rédigé en termes larges, en conférant au mandataire une légitimité générale à agir. C'est la meilleure solution, pour ne pas dire la seule, en vue de permettre au représentant de s'adapter à toutes les circonstances et vicissitudes d'un avenir personnel et patrimonial que, par définition, le mandant ne maîtrise pas. Il s'agit donc le plus souvent d'un mandat général.
– Le principe de l'article 1988. – Or, l'article 1988 du Code civil tonne de façon constante depuis 1804 que : « Le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration. S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès » (nous soulignons). Ce qui implique que lorsqu'une personne veut déléguer le pouvoir de vendre un bien, comme un immeuble – et pourquoi pas le logement –, il faut alors l'indiquer clairement, identifier le bien à vendre avec précision, fixer ou, au moins, rendre déterminables le prix et les conditions de la vente. Or, être contraint d'atteindre ce degré de détail dans un mandat d'anticipation, appelé à n'être activé qu'après une durée indéterminée, qui peut être très longue, obligerait à sans cesse réécrire celui-ci, au gré de l'évolution du patrimoine ou de l'environnement économique.
– La dérogation au principe. – C'est bien pour éviter cela, et donner à sa création toute la souplesse nécessaire, que le législateur de 2007 a fait exception au principe général. L'article 490 du Code civil précise ainsi que : « Par dérogation à l'article 1988, le mandat, même conçu en termes généraux, inclut tous les actes patrimoniaux (...) » (nous soulignons). La suite de l'article exclut toutefois des pouvoirs potentiellement délégables au mandataire sans autorisation judiciaire les seuls actes de disposition à titre gratuit. Rien d'autre. Et le législateur ne saurait être plus clair quand il indique que le mandat de protection future « inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation » (nous soulignons, là encore).
– Un texte limpide. – Comment pourrait-on adopter formule plus ample pour exprimer que tous les pouvoirs peuvent être délégués par mandat de protection future, y compris pour accomplir des actes de disposition, puisque la barrière de l'article 1988 du Code civil est écartée ? Et tous les actes de disposition, même ceux qui nécessiteraient une autorisation sous le régime de la tutelle : c'est clairement ce que dit le texte. La volonté légale de distanciation entre le mandat de protection future et les mesures judiciaires est donc évidente, et il est clair que le premier a été voulu comme un instrument à part, affranchi des règles de contrôle s'imposant aux secondes. Cela ne veut pas dire qu'il est dépourvu de contrôle, mais les cadres de celui-ci seront de nature contractuelle, seuls étant imposés deux garde-fous, l'un à l'entrée (le certificat médical circonstancié déposé au greffe) puis annuellement, au cours de son exécution (l'analyse et la conservation de justificatifs par le notaire rédacteur du mandat et contrôleur des comptes de gestion).
Toutefois, malgré le contexte favorable dans lequel il s'est développé et toute la puissance dont le législateur l'a investi, le mandat de protection future ne connaît pour l'instant qu'un engouement limité.