Sécuriser la construction par l'usufruitier
Sécuriser la construction par l'usufruitier
– L'optimisation de la transmission. – L'usufruit peut constituer une technique juridique et fiscale de transmission patrimoniale. Un transfert de propriété avec réserve d'usufruit permet à l'usufruitier une transmission à coût fiscal maîtrisé, sans le priver de l'usage du bien transmis ou des revenus qu'il procure. On peut ainsi donner son logement tout en conservant son cadre de vie jusqu'à son décès. La question s'est posée de savoir si cette technique d'optimisation pouvait être poussée à son paroxysme en faisant porter l'usufruit sur un terrain sur lequel l'usufruitier envisage de construire. Au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire du terrain en devient pleinement propriétaire et devient, également, propriétaire des constructions financées par l'usufruitier, et ce sans indemnité. L'article 599, alinéa 2 du Code civil dispose, en effet, que l'usufruitier n'a droit à aucun remboursement au titre des améliorations qu'il a apportées au bien, ni même au titre de la plus-value générée. Ce procédé soulève trois questions : l'usufruitier a-t-il le droit de construire sur un terrain démembré (Section I) ? À qui appartiennent les constructions nouvellement édifiées sur un terrain démembré (Section II) ? Enfin, l'opération peut-elle être requalifiée en donation indirecte (Section III) ?
Le droit de construire
– L'usufruitier peut-il construire ? – Qui, du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, a le droit de construire ? Le Code civil n'apporte pas de réponse à cette question. D'après l'article 578 du Code civil, le véritable propriétaire du bien est le nu-propriétaire. L'usufruitier peut seulement jouir du bien « comme le propriétaire lui-même ». Pendant toute la durée de l'usufruit, certains attributs du droit de propriété sont donc exercés par l'usufruitier : il peut l'utiliser et en percevoir les fruits et les revenus.
La propriété des constructions
– L'accessoire n'est pas l'accession. – Si l'usufruitier a le droit de construire sur le terrain démembré, à qui appartiennent les constructions ? En vertu de la théorie de l'accessoire, le démembrement est-il reporté sur les constructions considérées comme l'accessoire du terrain ? Cette solution ne saurait être retenue. En matière de construction, le sort de la propriété est déterminé par application de la théorie de l'accession
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Le risque de requalification en donation
On pourrait être tenté de qualifier le transfert de propriété des constructions au nu-propriétaire, en fin d'usufruit, de donation indirecte. Les héritiers de l'usufruitier y auraient intérêt afin que la valeur des constructions soit incluse dans le rapport. L'administration fiscale voudrait bien, quant à elle, percevoir les droits de mutation à titre gratuit sur le montant des travaux. Dans son arrêt du 19 septembre 2012 précité, la Cour de cassation a exclu la qualification de donation pourtant retenue par l'administration fiscale.