Le droit de construire

Le droit de construire

– L'usufruitier peut-il construire ? – Qui, du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, a le droit de construire ? Le Code civil n'apporte pas de réponse à cette question. D'après l'article 578 du Code civil, le véritable propriétaire du bien est le nu-propriétaire. L'usufruitier peut seulement jouir du bien « comme le propriétaire lui-même ». Pendant toute la durée de l'usufruit, certains attributs du droit de propriété sont donc exercés par l'usufruitier : il peut l'utiliser et en percevoir les fruits et les revenus. Corrélativement, le nu-propriétaire en est temporairement privé. Mais le droit de construire est-il un attribut du droit de jouissance de l'usufruitier ?
– La réponse n'est pas dans l'obligation de réparation… – Le Code civil répartit la charge des travaux de réparation entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, en fonction de leur nature : les dépenses d'entretien incombent à l'usufruitier et les grosses réparations au nu-propriétaire. L'article 606 du Code civil donne la liste exhaustive des grosses réparations et précise que toutes les autres sont de simple entretien. Les travaux de construction ne sont pas visés. Ce n'est donc définitivement pas dans ces textes que se trouve la réponse.
– … mais dans l'obligation de conservation de la substance. – L'article 578 du Code civil impose une limite à l'usufruitier : il doit « conserver la substance » du bien objet du démembrement. Cela lui interdit-il de construire sur un terrain à bâtir ? Tout dépend du sens que l'on attache à la notion de « substance ». S'agit-il de la substance physique, matérielle de la chose, ou faut-il en avoir une conception purement juridique ? Si l'on retient une conception matérielle, la construction ne conserve nullement la substance du terrain ; bien au contraire : elle la modifie. L'usufruitier ne pourrait donc pas construire sur le terrain démembré. Mais on peut aussi concevoir, d'une manière purement juridique, que la « substance » d'un immeuble n'est autre que l'usage auquel il est normalement destiné. Or un terrain « à bâtir » est, par nature, destiné à recevoir des constructions. Dans cette hypothèse, la construction par l'usufruitier, si elle est conforme à la destination du terrain démembré, serait autorisée. C'est cette seconde conception qui doit être retenue. À défaut, quelle serait l'étendue du droit de jouissance de l'usufruitier sur un terrain à bâtir ? L'usufruitier doit pouvoir construire pour, ensuite, exercer son droit de jouissance sur les constructions, soit par son occupation, soit par la perception des revenus tirés de la location. En outre, l'article 599 du Code civil, d'une part, fait interdiction au nu-propriétaire de « nuire aux droits de l'usufruitier », d'autre part, refuse à l'usufruitier de demander une indemnité au titre des améliorations qu'il aurait faites, même si elles sont génératrices d'une plus-value. L'usufruitier a donc le droit de réaliser des constructions qui constituent des améliorations pour le bien, et ce sans que le nu-propriétaire puisse s'y opposer. Ce dernier a toujours le choix de demander la démolition en fin d'usufruit s'il s'avère que les constructions ont finalement dévalorisé le terrain.