L'usufruit du logement

L'usufruit du logement

Au titre de la protection particulière dont le logement fait l'objet (§ II), il échappe au principe général de faculté de conversion de l'usufruit du conjoint survivant en rente viagère (§ I).

Le principe général de conversion de l'usufruit

– Un principe général de conversion. – Compte tenu de l'atteinte portée au droit de propriété en raison de l'existence d'un usufruit viager et du risque de dépérissement du bien sur lequel s'exerce ce droit de jouissance, le législateur a, très tôt, reconnu aux héritiers nus-propriétaires la faculté de demander la conversion de l'usufruit dont bénéficie le conjoint survivant en rente viagère. Les héritiers recouvrent alors la pleine propriété des biens successoraux sans attendre d'être successibles. Quant à l'usufruitier, au droit réel viager dont il était titulaire au décès de son conjoint est substitué un droit personnel de créance également viager. Il perd sa qualité d'usufruitier pour endosser celle de crédirentier.
– Une faculté bilatérale. – Initialement unilatérale puisque réservée aux héritiers, la loi du 3 décembre 2001 a fait de la faculté de conversion de l'usufruit en rente viagère une mesure réciproque en accordant au conjoint survivant le même droit.
Il existe toutefois une différence importante, vestige de l'ordre successoral traditionnel soucieux du maintien des biens dans la famille. Tout comme le de cujus ne peut pas soustraire la totalité de son patrimoine à ses héritiers réservataires, il ne peut pas les priver de la faculté de conversion. En revanche, si le de cujus a la possibilité d'exhéréder son conjoint, il doit pouvoir, a fortiori, le priver du droit de demander la conversion de son usufruit.
– Quelle que soit la nature de l'usufruit. – Cette faculté de conversion s'applique aussi bien à un usufruit légal qu'à un usufruit conventionnel.
En cas de désaccord entre le conjoint et les héritiers, le juge n'est pas tenu de faire droit à la demande de conversion. Il arbitre en fonction des intérêts en présence. Si le juge statue en faveur des héritiers demandeurs de la conversion, le conjoint perd son usufruit contre son gré, sauf s'il s'agit de son logement.

L'exception en faveur du logement

– La protection du cadre de vie. – L'objectif du législateur étant de maintenir le cadre de vie du conjoint survivant, la conversion de l'usufruit du logement et du mobilier le garnissant ne peut pas se faire contre sa volonté. Cette limite a été posée dès 1972. À l'origine, l'exception ne concernait que l'usufruit donné ou légué, à l'exclusion de l'usufruit légal qui n'en fait partie que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001.
– Le moment de l'appréciation du caractère principal de l'habitation. – A priori, le logement protégé par le texte n'est pas nécessairement le local d'habitation occupé par le couple au moment du décès du premier des époux. Le texte de l'article 760 du Code civil ne l'impose pas. Or l'ancien article 1094-2 du même code précisait que la faculté de conversion ne pouvait pas s'exercer « quant à l'usufruit du local d'habitation où le conjoint gratifié avait sa résidence principale à l'époque du décès ». Ce texte, qui concernait uniquement l'usufruit donné ou légué et non l'usufruit légal, a été abrogé par la loi du 3 décembre 2001. Le nouveau texte ne comporte pas de condition relative à l'occupation du logement par les époux au moment du décès. Le local protégé peut donc être la nouvelle résidence principale choisie par le conjoint survivant suite au décès.
– Intérêt pour le conjoint. – Le conjoint survivant peut cependant souhaiter obtenir la conversion de l'usufruit de son logement en une rente viagère. Une fois seul, son cadre de vie peut ne plus lui convenir pour diverses raisons : état de santé, manque de moyens financiers pour l'entretenir, volonté de se rapprocher de ses enfants ou de revenir dans sa région d'origine, etc. Monétiser son usufruit peut constituer une solution tout à fait adaptée à ses nouveaux besoins. Certes, le conjoint se voit conférer un droit personnel en lieu et place de son droit réel d'usufruit, mais il conserve un caractère viager sécurisant. Le conjoint est en effet assuré de recevoir une rente jusqu'à la fin de ses jours.