Le survivant bénéficie d'une protection spécifique selon que le logement est loué (Sous-section I) ou détenu par le survivant en propriété (Sous-section II) ou seulement en usufruit (Sous-section III).
Le décès, un événement protecteur des droits au logement
Le décès, un événement protecteur des droits au logement
Le logement loué
Le logement loué
Quel que soit le mode de conjugalité, le survivant d'un couple peut demander le transfert à son profit du bail qui avait été consenti au défunt (§ I). En outre, le conjoint et le partenaire pacsé bénéficient d'un droit exclusif (§ II), ce qui laisse subsister un caractère tout à fait subsidiaire à l'attribution préférentielle du droit au bail (§ III).
Le droit au transfert du bail
– Les bénéficiaires. – L'article 1742 du Code civil édicte un principe général de continuité du bail en cas de décès du preneur. Le contrat de location est transmis à ses héritiers ou légataires universels ou à titre universel. Mais le principe contraire a été édicté pour le bail d'habitation : le décès du preneur entraîne en principe son extinction, sauf son transfert au profit de certains bénéficiaires, limitativement énumérés par le législateur. Il s'agit, inconditionnellement, du conjoint non cotitulaire ou du partenaire de Pacs. On y ajoute, à condition d'une vie commune d'un an au moins avant le décès, les descendants, les ascendants, le concubin notoire et enfin des personnes à charge (handicapées ou de plus de soixante-cinq ans). Le survivant d'un couple bénéficie donc toujours du droit au bail du logement quel que soit le mode de conjugalité, sauf pour le concubin non pacsé à remplir la condition supplémentaire de durée de vie avec le défunt. En cas de pluralité de demandes, le juge statue en fonction des intérêts en présence.
Le droit exclusif du cotitulaire du bail
Les époux et les partenaires pacsés, et eux seuls, bénéficient d'un droit exclusif sur le bail (A) portant sur le local à usage exclusif d'habitation constituant leur logement effectif (C) à condition d'être cotitulaires du bail (B), aucune condition de forme n'étant par ailleurs exigée (D).
Les bénéficiaires du droit exclusif
Un avantage a été conféré spécialement au conjoint survivant par la loi du 3 décembre 2001 et étendu au partenaire pacsé par la loi du 24 mars 2014 : l'un comme l'autre bénéficie d'un droit exclusif à la poursuite du bail d'habitation au décès du prémourant, prévu à l'article 1751, alinéa 3 du Code civil. Ils évincent tous les autres prétendants au transfert du bail qui sont donc privés du droit de demander l'attribution préférentielle du droit au bail.
La condition de cotitularité du bail
Pour pouvoir bénéficier du droit exclusif, le conjoint (I) et le partenaire pacsé (II) doivent remplir une condition essentielle : être cotitulaires du bail d'habitation. Cette cotitularité est exclue pour le concubin (III).
Le conjoint, cotitulaire de droit
Ici la cotitularité s'impose au bailleur (a). Seule une obligation d'information pèse sur le preneur (b).
Le premier alinéa de l'article 1751 du Code civil, issu de la loi du 4 août 1962, accorde au conjoint la cotitularité automatique du bail d'habitation, quel que soit le régime matrimonial. Le conjoint n'a donc pas à la revendiquer, même en cas de mariage postérieur à la conclusion du bail par un seul des époux. Cette cotitularité est d'ordre public. Elle s'applique « nonobstant toute convention contraire ». Elle ne peut donc être écartée ni par les époux dans leurs conventions matrimoniales, ni par le bailleur dans le contrat de bail.
Bien que la cotitularité soit de droit pour le conjoint, le preneur est tenu d'informer le bailleur de sa situation matrimoniale et la jurisprudence exige une démarche positive. Prouver que le bailleur avait connaissance du mariage est insuffisant. Le preneur doit apporter la preuve de la notification faite au bailleur.
Le partenaire pacsé, cotitulaire sur demande
La loi du 24 mars 2014 a étendu aux partenaires pacsés la règle de la cotitularité du bail d'habitation. À la différence des époux, elle est conditionnée à la formulation d'une demande conjointe des partenaires auprès du bailleur. Cependant, celui-ci ne saurait la refuser.
La cotitularité exclue pour le concubin
Aucune cotitularité n'existe au profit du concubin qui, par voie de conséquence, ne bénéficie pas du droit exclusif sur le bail. Ses droits viennent en concours avec ceux d'autres personnes autorisées à demander le transfert du bail. Il devra quitter le logement s'il est évincé. Seule la signature conjointe du contrat de bail ou d'un avenant peut remédier à cet inconvénient. Si tel est le cas, au décès d'un concubin, le bail se poursuit au profit du survivant qui a également la qualité de preneur.
La condition relative au logement
La cotitularité s'applique au local à usage exclusif d'habitation (I) constituant le logement effectif du couple (II).
L'usage exclusif d'habitation
La cotitularité concerne les seuls baux portant sur les locaux d'habitation « sans caractère professionnel ou commercial ». La cotitularité et, par suite, le droit exclusif, sont ainsi exclus pour les locaux à usage mixte, professionnel ou commercial et d'habitation, et aux locaux accessoires, parkings notamment. En revanche, elle est admise pour les logements de fonction.
L'occupation effective par le couple
Les deux époux ou partenaires pacsés doivent cohabiter effectivement dans les lieux loués. La protection est donc exclue :
- si les époux ou partenaires résident séparément, pour des raisons professionnelles notamment ;
- pour le logement pris en location par un époux en instance de divorce postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation ;
- en cas de sous-location du logement qui est alors occupé par d'autres personnes que le couple de preneurs ;
- pour les résidences secondaires.
– Le cas particulier de l'instance en divorce. – La protection est en revanche maintenue au profit de l'époux survivant qui demeure cotitulaire du bail alors même que, pendant une instance en divorce, le juge a attribué la jouissance du logement à son conjoint. La « cotitularité ne prend fin qu'à la transcription du divorce en marge des registres de l'état civil, et ce même si les deux époux ne vivent plus ensemble dans le local loué ».
– Les conséquences du défaut de cohabitation. – Si les conditions de la cotitularité ne sont pas réunies, le conjoint ou le partenaire pacsé survivant est privé du droit exclusif au bail. À titre subsidiaire, l'article 14 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 lui permet de demander le transfert du bail sans condition – de durée de vie commune notamment –, mais celui-ci n'est pas de droit. Le conjoint ou partenaire peut être en concours notamment avec les descendants, les ascendants et les personnes à charge qui vivent dans le logement depuis au moins un an à la date du décès du preneur. En cas de pluralité de demandes, le juge statue en fonction des intérêts en présence sans être tenu de privilégier le conjoint ou le partenaire pacsé, lesquels ne sont pas prioritaires. Dans ce cas, le concubin est quasiment sur un pied d'égalité avec le conjoint et le partenaire pacsé. Il doit cependant prouver sa situation de concubinage et justifier d'une cohabitation effective de plus d'un an avec le preneur.
L'absence de condition de forme
Une application automatique
Le conjoint ou le partenaire pacsé survivant n'a pas à revendiquer expressément le droit exclusif dont il dispose en vertu de l'article 1751, alinéa 3 du Code civil, que ce soit auprès du bailleur ou des héritiers. Son maintien dans les lieux est suffisant.
Deux conditions obligatoires
– Une renonciation expresse. – Le texte prévoit en revanche que la renonciation à ce droit doit être expresse.
– Nécessairement postérieure au décès. – La jurisprudence a précisé qu'une telle renonciation ne pouvait être antérieure au décès en raison de la prohibition des pactes sur succession future. En effet, « nul ne peut valablement renoncer à un droit d'ordre public, et notamment de nature successorale, avant d'en être devenu titulaire ».
L'attribution préférentielle du droit au bail
– Domaine résiduel. – En vertu de l'article 831-2, 1o du Code civil, le conjoint survivant, depuis la loi du 19 décembre 1961, et le partenaire pacsé, depuis la loi du 23 juin 2006, ou tout héritier copropriétaire, peuvent demander l'attribution préférentielle du droit au bail du logement. Ce droit ne présente plus qu'un intérêt très restreint depuis que le conjoint et le partenaire bénéficient d'un droit exclusif sur le bail. Il trouve à s'appliquer dans les cas, rares, où le droit exclusif n'est pas prévu, en matière de location en meublé notamment.
Le droit au maintien dans les lieux de la loi n 48-1360 du 1 septembre 1948
La loi du 1er septembre 1948 a instauré un droit spécifique au maintien dans les lieux du locataire à l'expiration du bail d'habitation pour les locations entrant dans le champ d'application de cette loi. À la fin du bail, le locataire peut ainsi rester dans le logement malgré le congé donné par le bailleur, et ce pour une durée illimitée. Cette prérogative lui est acquise « de plein droit et sans l'accomplissement d'aucune formalité ». Le bail étant expiré, à la relation contractuelle bailleur/preneur se substitue une relation légale propriétaire/occupant. Pour autant, les clauses et conditions du bail initial non contraires à la loi restent applicables.
Ce droit d'ordre public constitue une prérogative personnelle du locataire. Il est donc par principe intransmissible. Par exception, au décès du preneur, le droit au maintien dans les lieux est d'office transmis au conjoint et, depuis la loi du 13 juillet 2006, au partenaire pacsé. Conjoint et partenaire bénéficient en outre de la cotitularité du bail et du droit exclusif au droit au bail en vertu de l'article 1751 du Code civil.
Il est également transmissible aux ascendants, aux handicapés et aux enfants mineurs jusqu'à leur majorité, sous réserve de justifier d'une cohabitation effective de plus d'un an avec l'occupant. Le concubin, en revanche, est totalement exclu du bénéfice du droit au maintien dans le logement, quand bien même il justifierait d'une cohabitation effective de plus d'un an avec le défunt. Le concubin du locataire dont le bail est soumis à la loi du 1er septembre 1948 est défavorisé par rapport au concubin du locataire dont le bail est soumis à la loi du 6 juillet 1989, lequel peut se prévaloir de l'article 1742 du Code civil.
Le législateur a nettement restreint le champ d'application de la loi de 1948. À ce jour, il est limité aux logements construits avant le 1er septembre 1948 pour lesquels un bail a été signé avant le 23 décembre 1986 et répondant aux caractéristiques géographiques et matérielles suivantes :
- être situés à Paris ou dans un rayon de 50 km de l'emplacement de ses anciennes fortifications ou dans les communes de plus de 4 000 habitants ou limitrophes d'une commune d'au moins 10 000 habitants ;
- ou dans une commune dont le nombre d'habitants est inférieur ou égal à 4 000 dont la population s'est accrue d'au moins 5 % à chacun des recensements généraux de 1954, 1962 et 1968 ;
- être classés dans l'une des catégories suivantes :
Ont donc été exclus du champ d'application de la loi de 1948 les locaux relevant des catégories exceptionnelles et I, correspondant à des immeubles de très haut standing.
Catégories | Caractéristiques du logement |
---|---|
II A | Situé dans une construction en matériaux de très bonne qualité avec W.-C. particulier, une salle de bains et chauffage central. |
II B | Situé dans une construction en matériaux de bonne qualité, souvent dépourvue d'ascenseur. |
II C | Situé dans une construction en matériaux de bonne qualité mais d'aspect ordinaire, habituellement dépourvue d'ascenseur. |
III A | Situé dans une construction en matériaux de qualité médiocre mais avec une isolation phonique et thermique satisfaisante. |
III B | Situé dans une construction en matériaux de qualité médiocre avec certains vices (humidité, isolations phonique et thermique très insuffisantes). |
IV | Situé dans une construction en matériaux défectueux ou dans un immeuble dépourvu de tout équipement (aucun W.-C. dans le logement ni dans l'immeuble). |
Le logement en indivision
Sous réserve de remplir certaines conditions, le survivant du couple indivisaire peut demander l'attribution préférentielle du logement afin d'en devenir l'unique propriétaire (§ I), mais seul le conjoint survivant peut choisir de maintenir le bien dans l'indivision afin d'en conserver la jouissance (§ II).
L'attribution préférentielle
L'article 831-2, 1o du Code civil dispose que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété du logement et, depuis la loi du 3 décembre 2001, du mobilier le garnissant. Si le texte semble avoir une portée générale, les bénéficiaires de l'attribution préférentielle ne font pas l'objet d'un traitement identique (A) et doivent remplir certaines conditions (B) qui en font une mesure d'application relativement limitée (C).
Les bénéficiaires de l'attribution préférentielle
Le texte de l'article 831-2 du Code civil vise le conjoint survivant mais également tout héritier copropriétaire. Si le bénéfice de l'attribution préférentielle est expressément accordé au conjoint survivant (I), qu'en est-il du partenaire de pacte civil de solidarité (II) et du concubin ou de tout autre occupant (III) ?
L'attribution de plein droit au conjoint survivant
– Une attribution de droit. – L'attribution préférentielle du logement n'est pas une prérogative nouvelle pour le conjoint survivant. Mais elle n'est de droit que depuis la loi du 3 décembre 2001 qui en a en outre étendu le champ d'application au mobilier le garnissant. Elle ne peut donc pas lui être refusée. En outre, en cas de pluralité de demandes, le conjoint survivant est prioritaire sur tous les autres indivisaires, y compris les enfants du défunt.
– Une attribution moyennant soulte. – Si la valeur du logement objet de l'attribution préférentielle est supérieure aux droits du conjoint survivant dans le partage, ce dernier est redevable d'une soulte envers ses copartageants dont les modalités de paiement sont prévues à l'article 832-4 du Code civil. Le principe est le paiement comptant. Par exception, le conjoint peut exiger des délais pouvant aller jusqu'à dix ans pour le paiement d'une partie de la soulte qui ne saurait excéder la moitié. Sauf accord contraire, la soulte est de plein droit productive d'intérêts à compter du partage (et non du jugement ayant fait droit à la demande d'attribution préférentielle). La vente du logement entraîne l'exigibilité immédiate de la partie de soulte restant due. Toutefois, en cas de vente partielle, seul le prix est versé aux copartageants et le solde de la soulte reste payable dans les mêmes conditions.
Le partenaire pacsé
– L'attribution n'est pas de droit. – La loi du 23 juin 2006 a étendu le bénéfice de l'attribution préférentielle au partenaire survivant. Mais l'attribution n'est pas de droit sauf si le défunt l'a prévue par testament. Si tel est le cas, le partenaire peut également bénéficier des mêmes facilités de paiement que le conjoint.
Le concubin et tout autre occupant
– La condition d'héritier. – Pour pouvoir prétendre au bénéfice de l'attribution préférentielle, le concubin ou tout autre occupant doit remplir une condition supplémentaire : il doit être héritier. Or le concubin n'est pas un héritier. Le devient-il s'il est institué légataire universel ou à titre universel ? Depuis la loi du 3 décembre 2001, à la lecture de l'article 724-1 du Code civil, on peut s'interroger. Le terme « héritier » ne peut-il pas être entendu au sens large ? Il ne s'agirait pas uniquement de l'héritier ab intestat, mais également de celui qui succède en vertu d'une disposition testamentaire ou d'une institution contractuelle lui donnant une vocation universelle ou à titre universel.
L'exclusion des indivisions conventionnelles. Si l'occupant n'est pas un héritier légal, le défunt doit donc lui avoir préalablement conféré des droits successoraux par testament pour lui permettre de bénéficier de l'attribution préférentielle. En effet, elle n'est pas applicable aux indivisions de nature conventionnelle. Si le concubin tient ses droits indivis uniquement de l'acquisition du logement avec le défunt ou suite à une donation entre vifs, la voie de l'attribution préférentielle lui est fermée. Les héritiers sont prioritaires. La jurisprudence a pu laisser croire à un infléchissement lorsqu'elle a étendu l'attribution préférentielle aux indivisions « de nature familiale ». Mais cet infléchissement a tenu les concubins à l'écart puisqu'il est conditionné au fait que l'indivision « de nature familiale » devienne ensuite successorale ou conjugale, autrement dit que l'indivisaire ait acquis la qualité de conjoint, de partenaire ou d'héritier.
– Une attribution suspendue à l'accord des copartageants ou à la décision du juge. – Autre différence majeure avec le conjoint survivant, l'attribution préférentielle n'est pas de droit pour le concubin. Elle peut donc lui être refusée par ses copartageants ou par le juge. En outre, en cas de pluralité de demandes, il n'est pas prioritaire. Le juge tranchera en fonction des intérêts en présence et devra notamment rechercher si le concubin a les ressources nécessaires pour s'acquitter de la soulte.
Dès lors que l'attribution préférentielle est de droit, le juge saisi est tenu de la prononcer sous réserve que les conditions de son application soient remplies.
Les conditions de l'attribution préférentielle
Deux conditions doivent être cumulativement remplies pour qu'il puisse être fait droit à la demande d'attribution préférentielle : une condition de droit (I) et une condition de fait (II).
Une condition de droit
– Des droits indivis en propriété ou en nue-propriété. – Le demandeur de l'attribution préférentielle doit détenir des droits indivis en pleine propriété ou en nue-propriété dans le logement. Pour le conjoint, il importe peu que les droits aient été acquis avant le décès, suite à un achat conjoint notamment, ou à l'occasion du décès. L'occupant simplement usufruitier n'est donc pas fondé à demander l'attribution préférentielle.
– Une indivision successorale. – L'attribution préférentielle est exclue si un tiers détient des droits indivis dans le logement. En effet, la Cour de cassation a jugé que le local d'habitation ne pouvait pas faire l'objet d'une attribution préférentielle lorsqu'il appartenait indivisément aux héritiers et à un tiers.
Une condition de fait
– La résidence principale. – L'attribution préférentielle porte sur le logement constituant la résidence principale du demandeur à l'époque du décès, peu importe que le défunt l'ait occupé également. L'article 831-2, 1o du Code civil n'exige pas que le logement soit la résidence principale du couple. Cette condition doit perdurer dans le temps, notamment jusqu'à ce que le juge statue sur la demande d'attribution préférentielle.
– Et ses accessoires. – La jurisprudence a étendu l'attribution préférentielle aux accessoires nécessaires pour son utilisation normale tels que les cours et jardins. Elle l'a également étendue aux accessoires qui, bien que non nécessaires à l'utilisation normale du logement, n'en sont pas détachables et forment un tout indivisible, en raison de la configuration des lieux notamment.
Les limites de l'attribution préférentielle
– L'égalité en valeur. – L'attribution préférentielle est une opération de partage. Si elle entraîne une rupture de l'égalité en nature, elle ne saurait, en revanche, rompre l'égalité en valeur. Or le logement constitue bien souvent le principal actif successoral. Si l'occupant use du droit de demander l'attribution préférentielle, il est redevable d'une soulte envers ses copartageants dont il n'a pas toujours les moyens de s'acquitter. C'est pourquoi le législateur a prévu la possibilité de maintenir le logement dans l'indivision.
Le maintien dans l'indivision
– Les conditions du maintien dans l'indivision. – Le conjoint survivant peut demander le maintien de l'indivision jusqu'à son décès à la triple condition :
- que le prémourant des époux ne laisse aucun descendant mineur ;
- qu'il soit copropriétaire du logement, peu importe qu'il l'ait été avant le décès, en qualité d'époux commun en biens notamment, ou qu'il le soit devenu du fait du décès. Si le logement dépend en totalité de la succession de l'époux prémourant, le conjoint survivant usufruitier ne peut pas prétendre au maintien de l'indivision sauf à le revendiquer au nom de ses enfants mineurs. Dans ce cas, le maintien dans l'indivision pourra perdurer jusqu'à ce que le plus jeune des enfants ait atteint l'âge de la majorité ;
- qu'il ait résidé dans le logement à l'époque du décès.
– La durée du maintien dans l'indivision. – Le maintien dans l'indivision peut perdurer jusqu'au décès du conjoint. Mais il ne peut lui être accordé ab initio pour une durée supérieure à cinq ans. Le conjoint devra donc renouveler régulièrement sa demande.
– Le rôle du juge. – Outre la durée du maintien dans l'indivision, le juge doit en fixer les conditions et, notamment, le montant de l'indemnité d'occupation.
– Le bénéficiaire du maintien dans l'indivision. – Cette mesure est réservée au conjoint survivant. Le partenaire de Pacs et le concubin ne peuvent prétendre au maintien de l'indivision, sauf à le revendiquer au nom de leurs enfants mineurs.
Point d'attention : le legs universel à un tiers fait obstacle à l'attribution préférentielle comme au maintien dans l'indivision
Les deux prérogatives que sont l'attribution préférentielle et le maintien de l'indivision supposent que le conjoint survivant détienne des droits indivis sur le logement. En présence d'un legs universel, la réduction éventuelle s'opère en valeur : il n'existe pas d'indivision, en sorte qu'aucune opération de partage ne peut être ordonnée. Ni le maintien dans l'indivision ni l'attribution préférentielle ne peuvent en ce cas être envisagés.
L'usufruit du logement
Au titre de la protection particulière dont le logement fait l'objet (§ II), il échappe au principe général de faculté de conversion de l'usufruit du conjoint survivant en rente viagère (§ I).
Le principe général de conversion de l'usufruit
– Un principe général de conversion. – Compte tenu de l'atteinte portée au droit de propriété en raison de l'existence d'un usufruit viager et du risque de dépérissement du bien sur lequel s'exerce ce droit de jouissance, le législateur a, très tôt, reconnu aux héritiers nus-propriétaires la faculté de demander la conversion de l'usufruit dont bénéficie le conjoint survivant en rente viagère. Les héritiers recouvrent alors la pleine propriété des biens successoraux sans attendre d'être successibles. Quant à l'usufruitier, au droit réel viager dont il était titulaire au décès de son conjoint est substitué un droit personnel de créance également viager. Il perd sa qualité d'usufruitier pour endosser celle de crédirentier.
– Une faculté bilatérale. – Initialement unilatérale puisque réservée aux héritiers, la loi du 3 décembre 2001 a fait de la faculté de conversion de l'usufruit en rente viagère une mesure réciproque en accordant au conjoint survivant le même droit.
Il existe toutefois une différence importante, vestige de l'ordre successoral traditionnel soucieux du maintien des biens dans la famille. Tout comme le de cujus ne peut pas soustraire la totalité de son patrimoine à ses héritiers réservataires, il ne peut pas les priver de la faculté de conversion. En revanche, si le de cujus a la possibilité d'exhéréder son conjoint, il doit pouvoir, a fortiori, le priver du droit de demander la conversion de son usufruit.
– Quelle que soit la nature de l'usufruit. – Cette faculté de conversion s'applique aussi bien à un usufruit légal qu'à un usufruit conventionnel.
En cas de désaccord entre le conjoint et les héritiers, le juge n'est pas tenu de faire droit à la demande de conversion. Il arbitre en fonction des intérêts en présence. Si le juge statue en faveur des héritiers demandeurs de la conversion, le conjoint perd son usufruit contre son gré, sauf s'il s'agit de son logement.
L'exception en faveur du logement
– La protection du cadre de vie. – L'objectif du législateur étant de maintenir le cadre de vie du conjoint survivant, la conversion de l'usufruit du logement et du mobilier le garnissant ne peut pas se faire contre sa volonté. Cette limite a été posée dès 1972. À l'origine, l'exception ne concernait que l'usufruit donné ou légué, à l'exclusion de l'usufruit légal qui n'en fait partie que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001.
– Le moment de l'appréciation du caractère principal de l'habitation. –
A priori, le logement protégé par le texte n'est pas nécessairement le local d'habitation occupé par le couple au moment du décès du premier des époux. Le texte de l'article 760 du Code civil ne l'impose pas. Or l'ancien article 1094-2 du même code précisait que la faculté de conversion ne pouvait pas s'exercer « quant à l'usufruit du local d'habitation où le conjoint gratifié avait sa résidence principale à l'époque du décès ». Ce texte, qui concernait uniquement l'usufruit donné ou légué et non l'usufruit légal, a été abrogé par la loi du 3 décembre 2001. Le nouveau texte ne comporte pas de condition relative à l'occupation du logement par les époux au moment du décès. Le local protégé peut donc être la nouvelle résidence principale choisie par le conjoint survivant suite au décès.
– Intérêt pour le conjoint. – Le conjoint survivant peut cependant souhaiter obtenir la conversion de l'usufruit de son logement en une rente viagère. Une fois seul, son cadre de vie peut ne plus lui convenir pour diverses raisons : état de santé, manque de moyens financiers pour l'entretenir, volonté de se rapprocher de ses enfants ou de revenir dans sa région d'origine, etc. Monétiser son usufruit peut constituer une solution tout à fait adaptée à ses nouveaux besoins. Certes, le conjoint se voit conférer un droit personnel en lieu et place de son droit réel d'usufruit, mais il conserve un caractère viager sécurisant. Le conjoint est en effet assuré de recevoir une rente jusqu'à la fin de ses jours.