L’intérêt majeur de l’exercice du droit de surélévation par le syndicat des copropriétaires est que la copropriété restera maître du processus depuis son initiative jusqu’à la cession des lots nouvellement créés et n’aura à subir, ni les interférences, ni les aléas liés à l’intervention d’un tiers réalisateur. Ce n’est toutefois pas pour autant que la copropriété peut s’affranchir de toutes règles à respecter (§ I). Par ailleurs, cette apparente sécurité peut finalement s’avérer source d’incertitude ou d’insécurité pour la copropriété (§ II).
L’exercice du droit de surélévation par le syndicat des copropriétaires
L’exercice du droit de surélévation par le syndicat des copropriétaires
Surélévation par le syndicat et règles de copropriété
Ces règles sont de trois ordres : la mise au vote de la décision et de ses conséquences (A), la purge du droit de priorité de certains copropriétaires (B), la nécessité de modifier les documents de la copropriété (C).
Les règles de vote relatives à l’exercice du droit de surélévation
Dans le cas où le projet de surélévation initié par le syndicat serait en contradiction avec la destination de l’immeuble, son adoption devrait nécessairement se faire par un vote à l’unanimité. Fort heureusement, rare sera l’hypothèse où la copropriété décidera de s’engager dans un tel processus sans avoir pris les précautions nécessaires au préalable (c’est-à-dire un vote préalable autorisant le changement de destination de l’immeuble en vue dudit projet).
Dans le cas, plus courant, où le projet de surélévation respectera la destination de l’immeuble, depuis la loi Alur de 2014, l’article 35 de la loi de 1965 n’impose « plus » qu’un vote à la double majorité prévue à l’article 26 de la même loi, aux lieu et place de l’unanimité.
Par ailleurs, en application de l’ordonnance de 2019, la passerelle avec l’article 26-1 est possible en cas de défaillance du premier vote.
Afin que les copropriétaires puissent émettre un vote éclairé, il sera nécessaire, au-delà même du vote sur le principe de la surélévation, que tous ses aspects soient abordés et notamment l’ampleur des travaux et leurs conditions de réalisation, leur coût, les risques d’indemnisation pouvant survenir en cas de préjudice, la modification des documents de copropriété…tout ceci pouvant nécessiter plusieurs votes en assemblées successives.
Le respect du droit de priorité de certains copropriétaires
En contrepartie de la perte de la règle de l’unanimité, la loi Alur a consenti un droit de priorité à certains des copropriétaires de la résidence. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2019, seuls « les copropriétaires de locaux situés, en tout ou partie, sous la surélévation projetée » bénéficient de ce droit.
Ce texte vient ainsi réparer une faiblesse rédactionnelle de la loi Alur qui avait alors institué ledit droit de priorité au profit de « tous les copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment à surélever ». Cette rédaction avait alors suscité beaucoup d’interrogations en doctrine quant à sa mise en œuvre.
Bien que cette correction rédactionnelle soit la bienvenue, elle ne résout toutefois pas la problématique qui peut se présenter dans l’hypothèse qui nous intéresse de la surélévation par étage entier. Dans cette situation, en effet, il sera probable que certains copropriétaires puissent entrer en concurrence. Dès lors, doit-on donner la priorité au premier copropriétaire se manifestant, doit-on procéder par tirage au sort, doit-on donner priorité à celui qui réaliserait l’acquisition sans emprunt et peut-on accepter une surenchère ? La doctrine est partagée sur ce point et aucune jurisprudence n’a été rendue en la matière. Aussi, à titre de règle pratique, l’on ne peut que conseiller, dès le vote adoptant la décision de procéder à la surélévation, de fixer les règles d’attribution en cas de concurrence.
Il appartiendra au syndic de procéder à ladite notification au profit des copropriétaires concernés, préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs lots, en indiquant le prix et les conditions de la vente. Cette notification vaut alors offre de vente pour une durée de deux mois. Le praticien devra veiller attentivement, préalablement à la conclusion de l’acte authentique de vente, que la purge du droit de priorité a bien été réalisée dans le respect des règles de fond et de forme.
La nécessité de modifier les documents de copropriété
Parce que génératrice de nouveaux lots privatifs, la surélévation nécessitera de modifier le règlement de copropriété et son état descriptif de division.
Il devra tout d’abord être procédé à une modification de la répartition des charges. Pour cela, l’article 11, alinéa 1er de la loi de 1965 prévoit que cette modification est adoptée à la même majorité que celle de la décision la rendant nécessaire.
S’agissant de la répartition des tantièmes, le principe est que celle-ci est intangible sauf recours à l’unanimité, du fait de son caractère contractuel. Face au silence des textes relativement à la surélévation, la doctrine considère unanimement que cette modification doit pouvoir l’être également à la double majorité de l’article 26 ; la solution inverse étant contraire à la volonté de promotion des opérations de surélévation.
La surélévation à l’initiative du syndicat des copropriétaires : source d’incertitude et d’inquiétude
La décision par le syndicat des copropriétaires d’opérer par lui-même l’opération de surélévation doit être prise avec beaucoup de circonspection tant au regard des conséquences sur son financement (A), qu’au titre des responsabilités qu’elle peut lui faire endosser (B).
Le financement de l’opération de surélévation
Dans l’hypothèse où le syndicat des copropriétaires se déciderait à engager par lui-même l’opération de surélévation, il devra bien évidemment en assumer la charge financière jusqu’à l’achèvement des travaux. Pour ce faire, il est probable que la copropriété doive alors recourir à l’emprunt.
Si tel est le cas, cet emprunt entrera-t-il dans le champ d’application de l’article 26-4 de la loi de 1965 issu de la loi no 2012-387 du 22 mars 2012 (dite loi Warsmann) ?
La doctrine est incertaine sur ce sujet. Toutefois pour le professeur émérite Daniel Tomasin, le fait que cet article soit d’ordre public nécessite une appréciation stricte de son champ d’application. La surélévation n’étant pas évoquée par cet article, elle ne devrait pas y être soumis.
Rappelons que cet article en son alinéa premier pose le principe de la nécessité de recourir à un vote à l’unanimité en cas de prêt souscrit au nom du syndicat des copropriétaires pour le financement notamment de travaux concernant les parties communes. Son troisième alinéa tempère cette règle en retournant à la majorité qui aura été requise pour le vote de la décision ayant nécessité l’emprunt dès lors que l’emprunt souscrit au nom du syndicat ne profitera qu’aux seuls copropriétaires décidant d’y participer.
Le syndicat des copropriétaires : maître de l’ouvrage
La réalisation de l’opération de surélévation par le syndicat des copropriétaires lui confère nécessairement la qualité de maître de l’ouvrage jusqu’à la vente des lots créés avec les conséquences s’y rapportant.
Lors de la réalisation des travaux
Devant la complexité pluridisciplinaire d’une surélévation, il sera recommandé au syndicat de recourir à un contrat de promotion immobilière ou de délégation de maîtrise d’ouvrage, plutôt qu’à des contrats d’entreprise avec les différents intervenants.
Cela permettra au syndicat de déléguer la charge de la régularisation des différents contrats, formalités et assurances nécessaires à la bonne réalisation des travaux.
Lors de la vente des lots
Du fait de sa qualité de constructeur-vendeur, le syndicat devra garantir les acquéreurs des nouveaux lots notamment au titre des articles 1792 et suivants du Code civil. Il devra donc être en possession d’une assurance tant décennale que dommages-ouvrage.
Notons que pour Vivien Zalewski-Sicard, le syndicat pourrait recourir à la vente des lots créés avant leur achèvement, au moyen de Vefa relevant donc du secteur protégé. Le syndicat devrait alors répondre aux obligations pesant sur les vendeurs d’immeuble à construire ; ce qui pourra être lourd de conséquences pour lui.
Dans la théorie, la surélévation par le syndicat des copropriétaires est tout à fait réalisable. Toutefois, en pratique, les copropriétaires préféreront certainement s’abstenir de réaliser par eux-mêmes l’opération devant la complexité et les risques encourus.
Dès lors, la seconde option qui s’ouvre à une copropriété pour opérer sa valorisation au travers d’une opération de surélévation en est la cession dudit droit à un tiers opérateur.