Quel que soit le mode de conjugalité, le survivant d'un couple peut demander le transfert à son profit du bail qui avait été consenti au défunt (§ I). En outre, le conjoint et le partenaire pacsé bénéficient d'un droit exclusif (§ II), ce qui laisse subsister un caractère tout à fait subsidiaire à l'attribution préférentielle du droit au bail (§ III).
Le logement loué
Le logement loué
Le logement loué
Le droit au transfert du bail
– Les bénéficiaires. – L'article 1742 du Code civil édicte un principe général de continuité du bail en cas de décès du preneur. Le contrat de location est transmis à ses héritiers ou légataires universels ou à titre universel. Mais le principe contraire a été édicté pour le bail d'habitation : le décès du preneur entraîne en principe son extinction, sauf son transfert au profit de certains bénéficiaires, limitativement énumérés par le législateur. Il s'agit, inconditionnellement, du conjoint non cotitulaire ou du partenaire de Pacs. On y ajoute, à condition d'une vie commune d'un an au moins avant le décès, les descendants, les ascendants, le concubin notoire et enfin des personnes à charge (handicapées ou de plus de soixante-cinq ans). Le survivant d'un couple bénéficie donc toujours du droit au bail du logement quel que soit le mode de conjugalité, sauf pour le concubin non pacsé à remplir la condition supplémentaire de durée de vie avec le défunt. En cas de pluralité de demandes, le juge statue en fonction des intérêts en présence.
Le droit exclusif du cotitulaire du bail
Les époux et les partenaires pacsés, et eux seuls, bénéficient d'un droit exclusif sur le bail (A) portant sur le local à usage exclusif d'habitation constituant leur logement effectif (C) à condition d'être cotitulaires du bail (B), aucune condition de forme n'étant par ailleurs exigée (D).
Les bénéficiaires du droit exclusif
Un avantage a été conféré spécialement au conjoint survivant par la loi du 3 décembre 2001 et étendu au partenaire pacsé par la loi du 24 mars 2014 : l'un comme l'autre bénéficie d'un droit exclusif à la poursuite du bail d'habitation au décès du prémourant, prévu à l'article 1751, alinéa 3 du Code civil. Ils évincent tous les autres prétendants au transfert du bail qui sont donc privés du droit de demander l'attribution préférentielle du droit au bail.
La condition de cotitularité du bail
Pour pouvoir bénéficier du droit exclusif, le conjoint (I) et le partenaire pacsé (II) doivent remplir une condition essentielle : être cotitulaires du bail d'habitation. Cette cotitularité est exclue pour le concubin (III).
Le conjoint, cotitulaire de droit
Ici la cotitularité s'impose au bailleur (a). Seule une obligation d'information pèse sur le preneur (b).
La cotitularité opposable au bailleur
Le premier alinéa de l'article 1751 du Code civil, issu de la loi du 4 août 1962, accorde au conjoint la cotitularité automatique du bail d'habitation, quel que soit le régime matrimonial. Le conjoint n'a donc pas à la revendiquer, même en cas de mariage postérieur à la conclusion du bail par un seul des époux. Cette cotitularité est d'ordre public. Elle s'applique « nonobstant toute convention contraire ». Elle ne peut donc être écartée ni par les époux dans leurs conventions matrimoniales, ni par le bailleur dans le contrat de bail.
L'obligation d'information mise à la charge du preneur
Bien que la cotitularité soit de droit pour le conjoint, le preneur est tenu d'informer le bailleur de sa situation matrimoniale et la jurisprudence exige une démarche positive. Prouver que le bailleur avait connaissance du mariage est insuffisant. Le preneur doit apporter la preuve de la notification faite au bailleur.
Le partenaire pacsé, cotitulaire sur demande
La loi du 24 mars 2014 a étendu aux partenaires pacsés la règle de la cotitularité du bail d'habitation. À la différence des époux, elle est conditionnée à la formulation d'une demande conjointe des partenaires auprès du bailleur. Cependant, celui-ci ne saurait la refuser.
La cotitularité exclue pour le concubin
Aucune cotitularité n'existe au profit du concubin qui, par voie de conséquence, ne bénéficie pas du droit exclusif sur le bail. Ses droits viennent en concours avec ceux d'autres personnes autorisées à demander le transfert du bail. Il devra quitter le logement s'il est évincé. Seule la signature conjointe du contrat de bail ou d'un avenant peut remédier à cet inconvénient. Si tel est le cas, au décès d'un concubin, le bail se poursuit au profit du survivant qui a également la qualité de preneur.
La condition relative au logement
La cotitularité s'applique au local à usage exclusif d'habitation (I) constituant le logement effectif du couple (II).
L'usage exclusif d'habitation
La cotitularité concerne les seuls baux portant sur les locaux d'habitation « sans caractère professionnel ou commercial ». La cotitularité et, par suite, le droit exclusif, sont ainsi exclus pour les locaux à usage mixte, professionnel ou commercial et d'habitation, et aux locaux accessoires, parkings notamment. En revanche, elle est admise pour les logements de fonction.
L'occupation effective par le couple
Les deux époux ou partenaires pacsés doivent cohabiter effectivement dans les lieux loués. La protection est donc exclue :
- si les époux ou partenaires résident séparément, pour des raisons professionnelles notamment ;
- pour le logement pris en location par un époux en instance de divorce postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation ;
- en cas de sous-location du logement qui est alors occupé par d'autres personnes que le couple de preneurs ;
- pour les résidences secondaires.
– Le cas particulier de l'instance en divorce. – La protection est en revanche maintenue au profit de l'époux survivant qui demeure cotitulaire du bail alors même que, pendant une instance en divorce, le juge a attribué la jouissance du logement à son conjoint. La « cotitularité ne prend fin qu'à la transcription du divorce en marge des registres de l'état civil, et ce même si les deux époux ne vivent plus ensemble dans le local loué ».
– Les conséquences du défaut de cohabitation. – Si les conditions de la cotitularité ne sont pas réunies, le conjoint ou le partenaire pacsé survivant est privé du droit exclusif au bail. À titre subsidiaire, l'article 14 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 lui permet de demander le transfert du bail sans condition – de durée de vie commune notamment –, mais celui-ci n'est pas de droit. Le conjoint ou partenaire peut être en concours notamment avec les descendants, les ascendants et les personnes à charge qui vivent dans le logement depuis au moins un an à la date du décès du preneur. En cas de pluralité de demandes, le juge statue en fonction des intérêts en présence sans être tenu de privilégier le conjoint ou le partenaire pacsé, lesquels ne sont pas prioritaires. Dans ce cas, le concubin est quasiment sur un pied d'égalité avec le conjoint et le partenaire pacsé. Il doit cependant prouver sa situation de concubinage et justifier d'une cohabitation effective de plus d'un an avec le preneur.
L'absence de condition de forme
Une application automatique
Le conjoint ou le partenaire pacsé survivant n'a pas à revendiquer expressément le droit exclusif dont il dispose en vertu de l'article 1751, alinéa 3 du Code civil, que ce soit auprès du bailleur ou des héritiers. Son maintien dans les lieux est suffisant.
Deux conditions obligatoires
– Une renonciation expresse. – Le texte prévoit en revanche que la renonciation à ce droit doit être expresse.
– Nécessairement postérieure au décès. – La jurisprudence a précisé qu'une telle renonciation ne pouvait être antérieure au décès en raison de la prohibition des pactes sur succession future. En effet, « nul ne peut valablement renoncer à un droit d'ordre public, et notamment de nature successorale, avant d'en être devenu titulaire ».
L'attribution préférentielle du droit au bail
– Domaine résiduel. – En vertu de l'article 831-2, 1o du Code civil, le conjoint survivant, depuis la loi du 19 décembre 1961, et le partenaire pacsé, depuis la loi du 23 juin 2006, ou tout héritier copropriétaire, peuvent demander l'attribution préférentielle du droit au bail du logement. Ce droit ne présente plus qu'un intérêt très restreint depuis que le conjoint et le partenaire bénéficient d'un droit exclusif sur le bail. Il trouve à s'appliquer dans les cas, rares, où le droit exclusif n'est pas prévu, en matière de location en meublé notamment.
Le droit au maintien dans les lieux de la loi n 48-1360 du 1 septembre 1948
La loi du 1er septembre 1948 a instauré un droit spécifique au maintien dans les lieux du locataire à l'expiration du bail d'habitation pour les locations entrant dans le champ d'application de cette loi. À la fin du bail, le locataire peut ainsi rester dans le logement malgré le congé donné par le bailleur, et ce pour une durée illimitée. Cette prérogative lui est acquise « de plein droit et sans l'accomplissement d'aucune formalité ». Le bail étant expiré, à la relation contractuelle bailleur/preneur se substitue une relation légale propriétaire/occupant. Pour autant, les clauses et conditions du bail initial non contraires à la loi restent applicables.
Ce droit d'ordre public constitue une prérogative personnelle du locataire. Il est donc par principe intransmissible. Par exception, au décès du preneur, le droit au maintien dans les lieux est d'office transmis au conjoint et, depuis la loi du 13 juillet 2006, au partenaire pacsé. Conjoint et partenaire bénéficient en outre de la cotitularité du bail et du droit exclusif au droit au bail en vertu de l'article 1751 du Code civil.
Il est également transmissible aux ascendants, aux handicapés et aux enfants mineurs jusqu'à leur majorité, sous réserve de justifier d'une cohabitation effective de plus d'un an avec l'occupant. Le concubin, en revanche, est totalement exclu du bénéfice du droit au maintien dans le logement, quand bien même il justifierait d'une cohabitation effective de plus d'un an avec le défunt. Le concubin du locataire dont le bail est soumis à la loi du 1er septembre 1948 est défavorisé par rapport au concubin du locataire dont le bail est soumis à la loi du 6 juillet 1989, lequel peut se prévaloir de l'article 1742 du Code civil.
Le législateur a nettement restreint le champ d'application de la loi de 1948. À ce jour, il est limité aux logements construits avant le 1er septembre 1948 pour lesquels un bail a été signé avant le 23 décembre 1986 et répondant aux caractéristiques géographiques et matérielles suivantes :
- être situés à Paris ou dans un rayon de 50 km de l'emplacement de ses anciennes fortifications ou dans les communes de plus de 4 000 habitants ou limitrophes d'une commune d'au moins 10 000 habitants ;
- ou dans une commune dont le nombre d'habitants est inférieur ou égal à 4 000 dont la population s'est accrue d'au moins 5 % à chacun des recensements généraux de 1954, 1962 et 1968 ;
- être classés dans l'une des catégories suivantes :
Ont donc été exclus du champ d'application de la loi de 1948 les locaux relevant des catégories exceptionnelles et I, correspondant à des immeubles de très haut standing.
Catégories | Caractéristiques du logement |
---|---|
II A | Situé dans une construction en matériaux de très bonne qualité avec W.-C. particulier, une salle de bains et chauffage central. |
II B | Situé dans une construction en matériaux de bonne qualité, souvent dépourvue d'ascenseur. |
II C | Situé dans une construction en matériaux de bonne qualité mais d'aspect ordinaire, habituellement dépourvue d'ascenseur. |
III A | Situé dans une construction en matériaux de qualité médiocre mais avec une isolation phonique et thermique satisfaisante. |
III B | Situé dans une construction en matériaux de qualité médiocre avec certains vices (humidité, isolations phonique et thermique très insuffisantes). |
IV | Situé dans une construction en matériaux défectueux ou dans un immeuble dépourvu de tout équipement (aucun W.-C. dans le logement ni dans l'immeuble). |