Le logement et la curatelle

Le logement et la curatelle

Régime général de la mesure

– Une mesure pérenne. – La curatelle d'un majeur peut être prononcée pour une durée de cinq ans, et renouvelée jusqu'à un maximum de vingt années. Sur un segment temporel ainsi élargi, il n'est pas rare d'assister à une évolution plus ou moins notable des besoins de la personne et de son logement : dégradation du quartier ou de l'immeuble, accroissement des charges, nécessité de réaliser des travaux d'entretien ou de transformation, etc. Selon la nature de la décision à prendre, le majeur ainsi protégé peut agir seul, ou non.
– Deux catégories d'actes. – Peuvent être accomplis sans intervention du curateur tous les actes de conservation (travaux d'isolation, de performance énergétique, de réparation…) comme les actes de la vie courante (souscription aux abonnements, aux contrats de fourniture d'énergie ou de moyens de communication…) et même les actes d'administration (consentir ou résilier un bail, mais sur un local autre que celui utilisé à titre de logement).
En revanche, les actes de disposition, qui produisent des conséquences durables sur le patrimoine de la personne protégée, doivent être conclus avec l'assistance de son curateur. Et s'il s'agit s'opérer sur le logement ou le mobilier qu'il contient, cette assistance devra être précédée d'une autorisation préalable du juge des contentieux de la protection, conformément à l'article 426 du Code civil.

Curatelle et article 426 du Code civil : une combinaison parfois malaisée

Un arrêt de cour d'appel rendu en 2019 met en évidence deux difficultés d'articulation entre les pouvoirs du curateur et ceux du juge des contentieux de la protection (JCP) s'agissant de la vente du logement d'une majeure en curatelle.
1) La décision du JCP autorisait le curateur de la propriétaire du logement à représenter cette dernière pour la signature de l'acte de vente : confusion évidente entre tutelle et curatelle, tant il est vrai qu'en curatelle le protégé ne saurait être qu'assisté, et jamais représenté, à moins qu'il soit démontré que son éventuel refus compromettrait gravement ses propres intérêts. Hormis ce cas limite, la recherche de son consentement et de sa participation à la vente est un impératif. La décision contra legem du JCP méritait la censure.
2) En outre, ignorant la requête qui mentionnait un paiement du prix par versements échelonnés, le JCP avait imposé un paiement comptant et prescrit son placement sur des supports financiers indiqués par lui. Sur ce point, à nouveau, censure de la cour.
Quel est le sens de cette décision ? Faut-il en conclure qu'en curatelle l'autorisation du JCP sur l'aliénation du logement ne doit porter que sur le principe de celle-ci ? En l'espèce, le fait de s'être prononcé sur le montant du prix et ses modalités d'acquittement a été analysé comme un excès de pouvoir du magistrat.
Pourtant, et quoiqu'en matière de tutelle cette exigence n'ait pas de fondement légal, il est d'usage que toute requête en autorisation de vendre conformément à l'article 426 du Code civil s'accompagne d'une expertise par un technicien qualifié, ou deux avis de valeur concordants. À quoi servent donc ces documents annexes, si le magistrat dont l'autorisation est sollicitée ne peut s'en inspirer pour intervenir sur une proposition de prix qui s'en éloignerait ?
Si elle devait faire jurisprudence, cette décision sans nuance rendrait la curatelle impropre à assurer une gestion agile et convenable du logement d'un majeur protégé. Elle ne répond en effet ni à la diversité des besoins du curatélaire (une vente à prix plus réduit que l'expertise peut s'entendre dans certaines circonstances particulières), ni à la garantie de sa sécurité (si la seule autre voie réside dans le refus de permettre une vente manifestement indispensable, le juge pourrait se résoudre à l'autoriser à des conditions défavorables).

Curatelle renforcée

La curatelle dite « renforcée » consiste à confier au curateur la gestion des comptes bancaires du curatélaire ; en tous cas, ceux que le juge des contentieux de la protection aura visés. Cet éventuel accroissement de la mesure ne concerne donc pas directement l'actif non financier que constitue le logement. Néanmoins, la mesure produit un effet indirect car pour le règlement de ses charges, travaux, et autres factures inhérentes au logement, le curatélaire devra solliciter son curateur.

Nouvelle configuration de co-curatelle introduite par la loi du 5 mars 2007

La réforme de 2007 permet encore au juge de désigner simultanément une pluralité de curateurs, s'il l'estime nécessaire. Cette collégialité peut notamment s'avérer de bon aloi en présence d'un patrimoine complexe ; elle permet de répartir au mieux les compétences, les appétences, et les domaines d'intervention. S'agissant du logement, la désignation d'un co-curateur bien rompu aux réalités de l'immobilier, à ses rigueurs et ses vertus, aux spécificités du marché, à celles des règles d'urbanisme, de copropriété ou de la fiscalité peut être précieuse. Le co-curateur agira en coordination avec celui qui, par exemple, serait nommé aux fins d'assister le majeur dans les dimensions personnelles de son existence. Tous deux pourront ainsi unir leurs compétences pour agir dans l'intérêt de leur protégé, tant sur la rénovation ou la vente du logement (avec accord du juge dans ce dernier cas) que sur des aspects médico-sociaux ou d'hébergement.