Le financement du logement à l'heure des comptes

Le financement du logement à l'heure des comptes

Assurer à chacun, le plus objectivement possible, de pouvoir récupérer sa contribution au financement du nid commun apparaît comme le meilleur moyen de garantir un logement à ceux qui se séparent, soit en conservant le logement autrefois commun, soit en reprenant sa mise pour s'en procurer un nouveau. Les règles permettant de calculer ce que chacun a assumé et ce dont il a profité ne sont pas identiques selon que les membres du couple sont ou non mariés. La sauvegarde des intérêts financiers des parties fait l'objet d'un traitement différencié dans l'un et l'autre cas (Section I). En revanche, et quel que soit le cas dans lequel on se trouve, le calcul devra tenir compte de deux constantes : en premier lieu, l'interférence de créances étrangères à l'acquisition ou à la conservation du logement, mais qui, comme elles, sont nées du fait de la vie commune (Section II) ; en second lieu, la prescription (Section III).

Un traitement différencié selon le mode de conjugalité

– Mariage, Pacs, concubinage, même s'ils peuvent avoir des points de comparaison, ne sont en rien des situations juridiquement équivalentes. – Les règles de calcul des dettes et créances susceptible de naître entre membres d'un couple sont fondamentalement différentes en fonction du type d'union choisi. Les intéressés le savent-ils toujours ? C'est peu probable. C'est pourtant un sujet majeur, puisque dans le budget de nombreux couples le financement du logement est le premier poste de dépenses, qu'il s'agisse de son acquisition, son amélioration ou sa conservation.

Point d'attention : informer sur les dettes et créances dont le logement peut être le siège

Le devoir de conseil invite le notaire à informer les couples des règles précises applicables aux dettes et aux créances intéressant leur logement. L'accession au logement est, à cet égard, le moment privilégié de la délivrance de ces informations. Pourvu que la situation ait été correctement anticipée, c'est à cette occasion que pourront être dressées les conventions matrimoniales ou partenariales sur le périmètre et les méthodes de contribution aux charges de la vie commune, les prêts ou reconnaissances de dettes, voire même les conventions de concubinage. Voyons donc ce qui fait la typicité des créances entre époux, et désormais entre partenaires, par différence avec le droit commun de toutes les autres créances et dettes.

Le droit commun des obligations financières applicable aux créances entre concubins

Ce droit commun s'exprime sous deux espèces : celle des créances engagées directement entre les personnes (§ I), et celle des créances détenues contre une indivision existant entre ces personnes (§ II).

Le cas général des créances personnelles

– Une définition sans statut légal. – La définition légale du concubinage, introduite en 1999, possède surtout une portée symbolique. Elle a, certes, permis de briser la jurisprudence de certaines cours d'appel qui entendaient le définir comme « l'apparence du mariage ». Mais le concubinage n'est pas plus constitutif qu'auparavant de droits ou d'obligations, en un mot d'un statut, dont il n'est nullement doté. Sa définition souligne au contraire qu'il est une union de fait, et non de droit.
– Un principe : le nominalisme. – Dès lors, les créances et les dettes qui naissent entre deux concubins ne peuvent relever que du nominalisme monétaire en vertu duquel, sauf convention différente, la somme à rembourser sera toujours de l'exact montant emprunté, ni plus ni moins, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon l'objet du crédit ou sa durée. Seule une convention expresse et contraire peut prévoir que l'argent a un coût ; d'office, la loi ne le fait pas, hormis les cas particuliers que nous allons examiner ensuite et qui constituent des privilèges.
Son application au logement des concubins. Ce principe, aux conséquences parfois rigoureuses, s'applique aux comptes des concubins à l'heure de leur séparation et notamment aux surcontributions. Le terme recouvre deux sortes de situations : le cas où l'un des concubins a investi dans l'acquisition ou la conservation d'un logement appartenant à l'autre, et celui dans lequel il a investi dans un logement indivis, mais au-delà de la quote-part qu'il en détient. Dans l'un et l'autre cas, il y a lieu à remboursement, mais rien n'autorise la prise en compte de la plus-value résultant de ce concours pour le bien financé. De la même manière, il n'y a aucune indexation ni rémunération en intérêts légaux. Cette règle nominaliste est applicable quel que soit le sens de l'évolution économique connue par le bien objet de la créance. Quand bien même le logement connaîtrait une moins-value, le remboursement demeure fixé au montant nominal.

Le cas particulier des créances contre l'indivision

– L'article 815-13 du Code civil. – Pour déterminer le montant des créances d'un indivisaire sur l'indivision, il y a lieu d'appliquer les règles figurant à l'article 815-13 du Code civil. Visitons-en les termes.
« Article 815-13 du Code civil
Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute. »
Pour le concubin créancier, les règles ainsi formulées sont favorablement dérogatoires au droit commun (A). Mais il convient de ne pas se méprendre sur le champ d'application de cette disposition qui, comme toute disposition dérogatoire, doit être appliquée de façon restrictive (B).
Des règles dérogatoires
– Un régime de faveur. – Cet article vient insérer un régime beaucoup plus favorable au créancier, s'éloignant du strict nominalisme organisé par l'article 1895 du Code civil, en lui permettant, d'une part, de profiter des plus-values induites par sa contribution et, d'autre part, de fonder l'espoir d'une rémunération, même en l'absence de toute plus-value. Cet espoir est rendu possible par la référence à l'équité introduite dans le texte de l'article 815-13 du Code civil par la loi du 31 décembre 1976.
Un champ d'application limité
– Exclusion des dépenses d'acquisition. – Mais, comme c'est le cas pour tout texte apportant une exception à un principe général, une interprétation littérale s'impose. Or, l'article 815-13 du Code civil ne cite aucunement, et donc exclut de fait de son périmètre, les dépenses d'acquisition, qui souvent sont de loin les plus importantes. Ni le profit subsistant, ni l'équité ne peuvent leur être appliqués. À bien y réfléchir, il n'y a là que logique, car les dépenses d'acquisition préexistent à la naissance même de l'indivision. Elles ne peuvent donc pas avoir été engagées à l'encontre d'une indivision qui n'existait pas encore lors de leur réalisation. Dès lors, sauf convention contraire, les règles de liquidation de cette créance ne peuvent relever que du droit commun nominaliste. Quoique le trouble ait été semé sur cette interprétation par un arrêt, fort critiqué, de 2012, ce décrochage entre la position des juges (peut-être liée à l'attractivité d'un texte ouvrant leur imperium vers une si exceptionnelle plage d'équité) et la loi a pris fin à la suite d'un large et remarqué revirement, issu d'une décision plus récemment rendue par la même chambre de la Haute Cour.

Les dépenses relatives à un logement indivis : bref retour sur une décennie en clair-obscur

1. Une distinction de grand intérêt
Le régime juridique des créances détenues contre une indivision déroge au droit commun à un triple titre : dans la possible prise en compte ou non des plus-values et de l'équité (V. supra, no ) ; mais aussi quant à la détermination du débiteur (une créance contre le concubin oblige seulement celui-ci, alors qu'une créance contre l'indivision réduit l'actif de celle-ci, et oblige donc le créancier indivisaire à partiellement y participer) ; et enfin dans le régime de la prescription.
2. L'arrêt du 26 septembre 2012
En présence d'un conflit relatif au financement par un couple de son logement, les juges estimèrent que celui dont le financement avait excédé sa quote-part d'investissement devait se voir reconnaître une créance sur l'indivision, appréciée sous l'éventuel correctif de l'équité, conformément à l'alinéa premier de l'article 815-13 du Code civil ; créance qui, dans le cadre des comptes de rétablissement, serait compensée avec les dettes dont il serait par ailleurs tenu envers l'indivision. La doctrine la plus autorisée fulmina d'acerbes critiques contre un tel impérialisme du droit de l'indivision. On lut ainsi, sous la plume de M. Vareille :
« En bonne logique, il ne peut donc s'agir que d'une créance entre époux, aux règles d'évaluation bien connues.
Et l'article 815-13 du Code civil devrait y être étranger, qui ne vise que les dépenses de conservation et d'amélioration de l'indivision, une fois cette dernière créée. Du reste, régler comptant partie du prix d'achat d'un bien que l'on acquiert n'a jamais été ni conservatoire, ni de nature à procurer au bien en question quelque plus-value que ce soit.
C'est pourtant sans vergogne que la première chambre civile réécrit la loi, en feignant d'apercevoir, cachée dans les replis de l'article 815-13, une dépense d'acquisition relevant de ce texte : “ses deniers personnels ayant servi à l'acquisition d'un immeuble indivis entre les époux, le mari ne pouvait prétendre qu'à une indemnité à l'encontre de l'indivision évaluée selon les modalités prévues par le texte susvisé” » .
3. Inflation du domaine des créances sur l'indivision
Malgré ces critiques, cette jurisprudence « contamina » d'autres types de dépenses inhérentes au logement. Ainsi, et à titre d'exemple, l'avance pratiquée aux fins d'acquitter la taxe d'habitation fut propulsée par les juges au rang des dépenses de conservation, et comme telle soumise à l'article 815-13 du Code civil quant à ses modalités de remboursement ; ou encore le remboursement du prêt-relais, lui aussi qualifié de la sorte par la Cour de cassation (alors qu'on peine à ne pas y voir une dépense d'acquisition), permettant ainsi à celui qui l'a assumé seul de voir sa créance révisée en fonction de la plus-value prise par le logement indivis.
4. Un retour dans le droit chemin qui reste à parachever
4.1 – Tout paraît être rentré dans l'ordre depuis un arrêt du 26 mai 2021. À rebours de ce qu'ils énonçaient neuf ans plus tôt, les hauts magistrats décident que « ce texte [l'article 815-13] ne s'applique pas aux dépenses d'acquisition », ce dont il résulte qu'« un époux séparé de biens qui finance, par un apport de ses deniers personnels, la part de son conjoint dans l'acquisition d'un bien indivis peut invoquer à son encontre une créance évaluable selon les règles auxquelles renvoie l'article 1543 du code civil ». Bien qu'étant rendue dans le contexte d'un divorce, cette décision est prononcée au regard du droit général des obligations et de l'indivision. Elle peut donc être étendue à tous les acquéreurs en indivision, concubins, partenaires de Pacs ou époux séparés de biens.
4.2 – Toutefois, selon une doctrine tout aussi éclairée, la portée de la décision de 2021 reste à confirmer. En effet, elle fut rendue au visa d'un paiement excédentaire consenti par le solvens au moyen d'un capital personnel. Mme Karm invite donc à parachever ce revirement en confirmant son application aux cas dans lesquels le financement du bien indivis est assuré au moyen d'un emprunt, dans le remboursement duquel on décèlerait une avance excédentaire. Au passage, et par souci de cohérence dans les modalités de calcul, elle réserve toutefois l'hypothèse nuancée du remboursement affectant un bien acquis hors de tout périmètre d'indivision, puis s'y trouvant ensuite soumis en cours de remboursement : c'est l'hypothèse d'un logement acquis par des époux communs en biens, passant ensuite sous l'emprise d'une indivision post-communautaire à la suite d'un divorce.

Le droit spécial des obligations financières attachées aux créances entre époux et entre partenaires

Mis en rapport avec le droit commun que nous venons de parcourir, le régime des créances liées aux flux financiers au sein du mariage ou du Pacs apparaît comme privilégié. Il semble, à l'analyse, que cette affirmation doit être nuancée. En effet, si les créances bénéficient par principe de l'ascenseur économique du valorisme, leur existence même est parfois plus difficile à identifier, notamment dans le cas d'époux communs en biens.

Un régime, mais pas toujours accessible

– Sous le régime légal, l'énergie ou le dévouement ne se remboursent pas ici. – Pour les époux mariés sous le régime de la communauté légale, et pour eux seuls, toute créance présuppose l'existence d'un flux financier. L'industrie personnelle du conjoint commun en biens est consubstantielle de la vie à deux, et demeure insusceptible de remboursement à l'heure d'une séparation. Légiférer ou juger autrement serait ouvrir la boîte de Pandore de mille contentieux aux origines invérifiables. Il n'y a donc jamais de droit à récompense, ni à créance entre époux, pour tout investissement physique et personnel d'un époux sur le bien propre de l'autre. Point de compensation pour celui des époux qui a, par exemple, consacré son temps et son savoir-faire à l'édification d'une habitation sur le terrain propre de son conjoint, ou à la rénovation lourde de la vieille grange ou du hangar qui s'y trouvent pour en faire une pimpante villa. La jurisprudence, appuyée sur une vision restrictive de l'article 1437 du Code civil, impose qu'un transfert d'argent soit démontré (« toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, (…) ») pour que récompense ou créance il y ait.
– Être séparé de biens permet de valoriser son travail. – En revanche, la théorie de l'enrichissement injustifié (ex-enrichissement sans cause) vient au secours des époux séparés de biens ou participants aux acquêts. Comme pour les concubins, elle les autorise à réclamer une compensation de leur industrie personnelle lorsqu'ils ont travaillé à la construction ou à la revalorisation d'un logement appartenant personnellement à leur conjoint. Toutefois, ce ne pourra être que sous réserve que leur dépense ne se trouve pas causée, justement, par l'obligation, plus large, de contribuer aux charges de la vie commune. Or, les biens affectés à l'usage familial, tels que le logement, sont souvent à l'origine de créances qui se rapportent à leur financement, y compris au financement de leur acquisition : nous y reviendrons rapidement.
– Logement indivis. – En présence d'un logement indivis, pas plus que les concubins, les époux mariés en séparation de biens ne peuvent réclamer l'application des règles de l'article 815-13 du Code civil (profit subsistant ou équité, en présence de valeur ajoutée ou non). Mais en revanche, tout comme eux, ils peuvent invoquer l'article 815-12 du même code pour se faire rémunérer de leur gestion. Ces dispositifs inhérents au droit de l'indivision sont, en revanche, étrangers au droit de la communauté, ce qui ne manque pas de susciter parfois quelques déconvenues.

Une créance mieux traitée, pourvu que son existence soit prouvée

La créance entre époux (A), si elle dépasse l'écueil évoqué précédemment, naît en effet dans une famille plus fortunée que sa voisine hors mariage résidant à l'étage du dessous (B). Et de fait, elle jouira d'une croissance plus favorisée.
Créances entre époux : valorisme automatique quel que soit le régime
– Une indexation à sens unique. – Quel que soit le régime matrimonial, la créance entre époux est une dette de valeur. Cette qualification assure à l'époux « investisseur » a minima la récupération de son capital d'origine, sans risque de perte, même si l'investissement s'est finalement révélé déficitaire. Elle lui garantit, au mieux, une participation pour l'époux solvens, à due concurrence de la quote-part assurée par le concours financier, au gain réalisé par l'époux accipiens du fait de ses plus-values. Alors que dans d'autres domaines (le droit des baux commerciaux, par exemple), la jurisprudence condamne les conventions aboutissant à créer une indexation sans risque, ici c'est la loi qui l'instaure, et les effets en sont d'autant plus précieux, qu'aux termes de trois décennies d'emballement des prix immobiliers, l'inflation des coûts du logement est devenue monumentale. Tous les époux profitent donc de ce double minimum dans le remboursement de leur contribution au financement :
  • au pire, un montant égal à la dépense consentie lorsqu'aucun profit n'a été acquis par l'époux emprunteur, comme dans le cas d'une perte ;
  • et sinon un montant équivalent à la dépense revalorisée selon le profit qui en a découlé pour l'emprunteur.
Mais une indexation conditionnelle. Ce procédé n'est cependant applicable qu'aux conditions édictées par les trois alinéas de l'article 1469 du Code civil : dépense à caractère nécessaire pour que le capital initial soit a minima garanti ; dépense d'acquisition, de conservation ou d'amélioration d'un actif ; actif subsistant en nature, ou subrogé, ayant connu un profit. Initialement prévu pour les récompenses, donc pour les seuls époux mariés sous le régime légal, ce mécanisme a été étendu, en 1985, à toutes les créances entre époux pour tous les ménages mariés, quel que soit leur régime (par l'effet de l'article 1479, faisant lui-même renvoi à la disposition mère, l'article 1469). Toutefois, sur ce point, il demeure une incertitude que la pratique pensait pouvoir lever par une convention matrimoniale appropriée, jusqu'à ce que la jurisprudence ne vienne la remettre en cause.
Constat d'une incertitude…
– Réaction limitée ou rédaction rapide ? – Le législateur de 1985 renvoie aux règles des récompenses, par le truchement « en domino » des articles 1543 puis 1479 du Code civil. Mais ce dernier, en son alinéa 2 qui organise le renvoi, ne vise que l'alinéa troisième de l'article 1469. Faut-il comprendre que les règles des récompenses s'appliquent aux créances entre époux dans tous les cas, ou bien seulement dans ceux prévus par l'alinéa 3 de l'article 1469, c'est-à-dire quand le concours de l'époux créancier a couvert une dépense d'acquisition, d'amélioration ou de conservation, portant sur un bien subsistant en nature ou subrogé ? Quoiqu'une partie de la doctrine, se fondant sur les travaux préparatoires, ait estimé que le législateur souhaitait renvoyer aux règles de calcul des récompenses en toutes hypothèses, la jurisprudence de la Cour de cassation semble avoir opté, en deux occasions, pour la thèse inverse, considérant que le législateur avait pour intention de créer un régime sensiblement différent de celui des récompenses. On pense, dès lors, à l'intérêt des conventions matrimoniales sur ce point.
… que l'on a cru, à tort, pouvoir lever
– Le contrat de mariage. – L'incertitude constatée et la solution jurisprudentielle apportée ne trouvent, en effet, application qu'en l'absence de convention matrimoniale contraire. Faut-il rappeler ici que le principe en matière de mariage est celui de la liberté à peu près totale des conventions matrimoniales ? La possibilité de construire sa convention, ne serait-ce qu'à ce sujet, est laissée grande ouverte aux époux par l'article 1479 du Code civil, mais elle est rarement usitée. Le contrat de mariage peut donc préciser les choses : faire clairement référence aux trois alinéas du siège des récompenses, par exemple, ou au contraire y déroger en prévoyant d'autres modes d'indexation, ou même encore exclure toute revalorisation, quel que soit le résultat en termes de profit.
– Efficacité ? – Hélas, une question se pose cependant à partir de l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 au regard, d'une part, de l'article 265 du Code civil et, d'autre part, de la nature de la qualification d'avantage matrimonial prenant effet au jour de la liquidation. Or, c'est cette dernière qualification qui est actuellement retenue en jurisprudence depuis un arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2019 confirmé par un autre arrêt du 31 mars 2021. Cela prive d'effet la solution conventionnelle que l'on avait cru entrevoir, car celui qui souhaite s'exonérer de l'application de la clause n'a qu'à invoquer son effet, qui, au regard de la jurisprudence actuelle, est bien de constituer un avantage au profit de l'autre, avantage dont l'effet se produit seulement au jour de la liquidation du régime matrimonial.
Qu'en est-il, à présent, en matière de Pacs ?
Les conventions relatives à la revalorisation des créances entre époux (hors régime légal) sont-elles constitutives d'un avantage matrimonial ?
  • Dans un arrêt rendu le 18 décembre 2019 confirmé par un autre arrêt du 31 mars 2021, la Cour de cassation a estimé que toutes les clauses s'écartant des règles légales régissant un régime matrimonial (c'était, en l'occurrence, celui de la participation aux acquêts) constituent des avantages matrimoniaux prenant effet au jour de la liquidation du régime. Elles sont, dès lors, révoquées par le divorce, donc privées d'effet au moment même où l'époux, solvens ou accipiens selon le cas, entend les invoquer.
  • Cette position était celle de la doctrine majoritaire, malgré une réponse ministérielle contraire de 2009. Le ministre y estimait que la lettre de l'article 265 du Code civil ne paraissait pas empêcher de stipuler, au stade du contrat de mariage (ou d'un contrat modificatif) une clause stipulant que les époux souhaitent maintenir, pour le cas où ils viendraient à divorcer, la validité des avantages matrimoniaux ne prenant effet qu'à la dissolution du régime matrimonial.
  • La cour décide à l'inverse que la volonté contraire, toujours possible, de celui qui consent l'avantage, telle que l'article 265 en réserve la possibilité, ne peut être valablement exprimée qu'au moment du divorce. Autant dire qu'à de rares exceptions près, le moyen est fourni à celui qui souhaite s'en exonérer d'invoquer l'autodestruction de la clause.
  • À la suite de cette concaténation de défaveurs (rédaction de l'article 265 entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2005, décision de décembre 2019, puis décision de mars 2021), l'étau semble s'être trop serré autour de ce point pour que, de lege lata, il reste possible d'offrir une chance de survie à de telles clauses.
Créances entre partenaires, alignement quasi parfait sur les époux
– Fréquence des créances entre partenaires. – Le plus souvent, de telles créances prennent naissance dans l'hypothèse, en pratique la plus fréquente, où les partenaires ont opté pour le régime de la séparation de biens. Pour ceux ayant choisi l'indivision des acquêts, les biens acquis à compter de l'enregistrement de la convention sont « réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale » (C. civ., art. 515-5-1) ; la naissance d'une créance, sous ce régime, ne peut avoir lieu que dans le champ restreint de l'article 515-5-2 du même code qui réserve à un partenaire la possibilité de procéder à une déclaration d'emploi de deniers personnels. À défaut de ce faire, et à la condition de justifier de l'origine personnelle des fonds employés, le bien acquis demeure indivis, mais une créance naît au profit du partenaire concerné. Dès lors, si la séparation de biens est la zone de prédilection de telles créances, elles peuvent néanmoins tout autant intéresser, à l'heure de la liquidation, des partenaires dont le logement fait partie de l'indivision des acquêts.
– Quel mode de calcul pour ces créances entre partenaires ? – Depuis 2007, les partenaires sont logés à la même enseigne que les époux en ce qui concerne le valorisme de leur créance, à deux exceptions près.
Renvoi de principe au valorisme conjugal
– Un statut simple. – Au fil de ses retouches législatives successives, le renvoi des règles gouvernant les créances entre partenaires aux règles liquidatives de l'article 1469 du Code civil est franc et massif : point de limitation, mesquine ou involontaire peu importe, à tel ou tel alinéa seulement dudit article modèle. C'est bien à l'article 1469 in extenso que fait renvoi le dernier alinéa de l'article 515-7. Il n'y a donc ici nulle place pour les incertitudes ni pour les rigueurs précédemment décrites (V. supra, nos à ) dans le cas des époux.
Caractère supplétif de la règle de renvoi ?
– Une simplicité binaire. – À l'inverse de celui des époux en mariage, le statut patrimonial des partenaires d'un Pacs reste caractérisé par une simplicité binaire. Depuis le 1er janvier 2007 les partenaires peuvent soumettre, à leur choix, leurs relations juridiques et patrimoniales soit à un régime de séparation de biens pure et simple, soit à une indivision particulière de leurs acquêts, qui a été mise au point spécialement pour eux, en marge du droit commun de l'indivision. Contrairement à ce qui est la règle en mariage, aucune modularité n'est prévue par la loi ; il ne s'agit que d'une option à deux branches, non conciliables. C'est pourquoi, de l'avis général, il n'est pas possible de soumettre à la séparation certains actifs des partenaires, tandis que d'autres demeureraient régis par l'indivision spécifique au Pacs.
– Principe d'exclusion des adaptations conventionnelles. – Peut-on, dès lors, se risquer à réécrire librement certaines composantes du statut patrimonial des partenaires tout en restant dans la philosophie générale du régime sélectionné ? Peut-on, par exemple, concevoir un accord retouchant les modalités de calcul des créances consécutives au financement d'un logement, voire exclure tout recours entre les partenaires séparés de biens ? La réponse est fort probablement négative, car une telle faculté équivaudrait à permettre aux partenaires séparés de biens d'aménager une société d'acquêts circonscrite à un périmètre précis (comme le logement de la famille), autrement dit à créer un véritable régime matrimonial, ce dont les partenaires ne peuvent convenir.
– Possibilité d'adaptation des règles de calcul des créances entre partenaires. – Le régime légal des partenaires ouvre cependant à diverses reprises la porte à une clause contraire. Mais surtout, il le fait expressément au dernier alinéa de l'article 515-7 du Code civil – celui précisément qui renvoie à l'article 1469 –, en l'entamant par les mots « sauf convention contraire » : en conséquence, il est parfaitement possible pour les partenaires de s'affranchir du valorisme des récompenses, pour tout ou partie de leurs futures créances, et plus spécifiquement celles liées au financement d'un logement. Il n'existe, en l'espèce, aucun risque de révocation automatique lors de la rupture, puisque l'article 265 du Code civil ne leur est pas applicable : paradoxalement, la convention des partenaires de Pacs se trouve ici assortie d'une meilleure efficacité que celle des époux.
– Quelle compensation avec l'obligation contributive aux charges communes ? – Cela étant, les partenaires comme les époux sont tenus à une communauté de vie et à une assistance matérielle réciproque. En découle une obligation pour chacun de contribuer aux charges de la vie commune. Et là où, s'agissant des époux, c'est une construction prétorienne qui a ouvert la voie vers une compensation entre les charges de l'article 214 du Code civil et les créances entre époux, en matière de Pacs c'est la loi elle-même qui en réserve la possibilité, aux termes de l'article 515-7 in fine. Voyons donc à présent, tous couples confondus, quel peut être l'impact de cette notion de contribution aux charges de la vie courante, et du périmètre de celles-ci, sur l'existence et le montant des créances revenant à chacun lorsque le logement commun se retrouve au centre d'une rupture.

L'obligation de contribuer aux charges de la vie commune, une pondération indifférente au mode de conjugalité

La catégorie des dépenses inhérentes à la vie commune a connu une expansion sans précédent au cours des dix dernières années, et concerne aujourd'hui l'ensemble des couples sans distinction entre les modes de conjugalité (Sous-section I). Unique discordance relevée sur ce point, la dernière réforme de la procédure des divorces contentieux, issue de la loi du 23 mars 2019, a indirectement semé un trouble sur la date jusqu'à laquelle s'impose la nécessaire contribution à ces charges de la vie commune (Sous-section II).

L'expansion jurisprudentielle du domaine des charges de la vie courante

– Une révolution parfois critiquée. – Traditionnellement conçues comme les dépenses récurrentes, mais plus ou moins menues, du quotidien (nourriture, santé, habillement, transport, éducation des enfants…), ces dépenses dont parle le Code civil sans jamais définir leurs frontières, ont vu leur champ nettement s'élargir à travers un nouveau prisme peu à peu adopté par les juges, et qui s'est exprimé de manière éclatante dans un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2013. Le changement de paradigme a consisté à inclure les dépenses inhérentes au logement de la famille dans les charges de la vie commune. Acquittées au moyen d'un emprunt, elles sont présentées comme une simple modalité d'exécution de l'obligation de contribuer aux charges de la vie à deux. Ceci vaut pour la résidence principale comme pour le financement d'une résidence secondaire, si son importance est en rapport avec les ressources et le train de vie du couple. Cette jurisprudence a été vue par certains comme révolutionnaire, expression d'un « gouvernement des juges » par lequel de fait, et si l'on grossit le trait, le logement serait désormais considéré comme un bien de communauté, même quand on a choisi une union séparatiste.
– Renvoi. – Nos confrères du 118e Congrès des notaires de France ont abondamment traité de cette question. Nous renverrons donc le lecteur à leurs développements.
https://rapport-congresdesnotaires.fr/2022-co3-p2-t2-st1-c1/">Lien
Qu'il nous soit simplement permis de rappeler que cette évolution fulgurante a frappé l'intégralité des couples et leurs rapports financiers, et non seulement les couples mariés.

« Au logement de ton couple, tu contribueras », un nouveau commandement valable pour tous

Si l'arrêt remarqué rendu par la Cour de cassation le 12 juin 2013 inclut les dépenses inhérentes au logement de la famille dans les charges de la vie commune des époux (et ce quelle que soit la manière dont elles ont été acquittées, fût-ce par le remboursement d'un emprunt), cette évolution concerne aujourd'hui les couples pacsés comme les concubins.
1. En matière de Pacs, dès 2007, la possibilité a été ouverte par le législateur, à l'article 515-7 du Code civil, de neutraliser les créances entre partenaires au moyen d'une compensation avec les obligations qu'ils supporteraient au regard des charges de la vie courante. Mais nulle part ne figurait dans la loi (pas plus que pour les époux) une liste de ces charges, au sein de laquelle auraient été intégrées les dépenses de financement du logement. La jurisprudence s'en est chargée, en appliquant aux partenaires, dans un arrêt en date du 27 janvier 2021, des raisonnements analogues à ceux désormais employés pour les couples mariés. Ceci relève d'une certaine logique, les partenaires étant tenus à une aide matérielle réciproque qui s'apparente de très près au devoir d'assistance des époux : elle est une proche cousine, voire une sœur jumelle de l'obligation pour les époux de contribuer aux charges de leur vie commune, prévue à l'article 214 du même code. Aux termes de sa décision de 2021, la Cour de cassation indique que les règlements relatifs à l'acquisition du bien immobilier opérés par un partenaire participent de l'exécution de l'aide matérielle entre partenaires, de sorte que ce dernier ne peut prétendre bénéficier d'une créance à ce titre. Où l'on voit que pour ces partenaires, si le logement constitue, comme pour beaucoup, l'essentiel des enjeux patrimoniaux, la répartition des actifs ressemblera furieusement à un régime de mise en communauté des revenus...
2. En concubinage. Les concubins eux-mêmes, pourtant confinés hors de toute obligation de vie commune ou d'assistance matérielle, ont été rattrapés par cette tendance. Pour eux, c'est depuis 2018 que la Haute Cour admet la possibilité d'un accord au sein du couple pour la répartition des charges du ménage. Mais il y a mieux : elle déduit désormais l'existence tacite d'une telle convention du simple comportement des concubins, susceptible de manifester une volonté commune de partager des dépenses de la vie courante. En 2020, la Cour de cassation approuva les juges du fond d'avoir recherché si les circonstances de l'espèce faisaient ressortir la volonté commune des parties de financer le logement familial à titre de contribution aux dépenses de la vie courante, faisant ainsi échec à l'utilisation ultérieure par l'un des concubins de l'article 555 du Code civil, aux fins d'obtenir indemnisation de son surfinancement. Et en 2022, elle censura une cour d'appel pour avoir admis une telle indemnisation au titre de l'article 555 du Code civil, sans avoir préalablement recherché si la participation de l'impétrant à la construction de la maison de sa compagne, ayant constitué le logement de la famille, ne relevait pas de sa légitime contribution aux dépenses de la vie courante.

Le trouble légal sur l'articulation entre instance en divorce et contribution aux charges du mariage

– Réponse compliquée à une question simple. – Quand deux époux divorcent, jusqu'à quel moment s'exerce l'obligation de contribution commune imposée par l'article 214 du Code civil ? Dure-t-elle jusqu'à la fin de la procédure, et donc jusqu'à ce que le divorce devienne définitif ? Ou, au contraire, cesse-t-elle dès le début de l'instance ? À l'origine, les textes ne tranchaient pas cette question. La jurisprudence l'a donc fait, depuis une trentaine d'années (§ I). Mais en 2019, la loi de programmation et de réforme pour la justice est venue brouiller la réponse (§ II).

Une réponse jurisprudentielle claire sur le fond…

Sans jamais revenir ensuite sur ce point, la Cour de cassation l'avait tranché nettement dans un arrêt du 30 novembre 1994 : « les mesures provisoires de l'article 255 du Code civil se substituent d'office à la contribution aux charges du ménage dès le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation ». C'est donc à l'issue de la phase de conciliation que cessait l'obligation de contribution aux charges de la vie commune, pour se voir substituer le devoir de secours.

… perturbée par une réforme procédurale

– Un bon vieux temps pas si ancien. – Sous l'empire de la loi du 26 mai 2004, la date d'effet des mesures provisoires et la date de l'audience sur tentative de conciliation (elle-même alignée sur la date des effets patrimoniaux du divorce pour les rapports entre époux) présentaient une parfaite synchronicité. Le juge statuait lors de l'ordonnance de non-conciliation, les mesures provisoires entraient immédiatement en vigueur, et les règles spécifiques du régime matrimonial disparaissaient au même instant si le divorce allait jusqu'au bout.
– Un dommage collatéral de la réforme. – À des fins proclamées d'accélération du processus de divorce, la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 supprime la tentative de conciliation. Elle institue, en ses lieu et place, une audience d'orientation et sur mesures provisoires (AOMP). Que faut-il en déduire au regard de la décision de 1994 déjà citée ? Cette jurisprudence est-elle caduque ? Ou peut-on la transposer en substituant la nouvelle AOMP à l'ancienne ordonnance de non-conciliation ? L'enjeu n'est pas négligeable. Qu'il suffise de viser l'hypothèse, si fréquente en pratique, où l'un des deux conjoints assume seul (ou au-delà de son obligation personnelle), pendant toute l'instance en divorce, le remboursement d'un emprunt souscrit par les deux époux pour acquérir le logement du couple. Si la jurisprudence de 1994 est remise en cause par la disparition de la phase de conciliation, et par l'éventuelle absence de toute mesure provisoire (faute pour les époux d'en avoir sollicité lors de l'AOMP), ce conjoint solvens pourra voir opposer à sa demande d'indemnisation l'argument qu'il n'a fait que poursuivre son obligation de contribution aux charges du mariage, même si le couple est séparé depuis des mois ou des années.
– Une transposition hasardeuse. – Procéder par transposition pure et simple de la décision de 1994 sur le nouveau cadre procédural apparaît hasardeux, tant les deux audiences diffèrent par leur nature. L'ancienne audience de tentative de conciliation, applicable à toutes les instances introduites avant le 1er janvier 2021 (date d'entrée en vigueur, après plusieurs ajournements, de la réforme de 2019), était le siège de mesures provisoires nécessairement prises par le juge aux affaires familiales. En revanche, la nouvelle audience d'orientation et sur mesures provisoires regroupe en réalité deux audiences en une seule, au cours de laquelle le magistrat va :
  • nécessairement décider de l'orientation de l'affaire, c'est-à-dire sa mise en état, le choix d'une procédure participative, etc., avec les avocats des époux ;
  • facultativement entendre les époux (ou leurs avocats, puisque la comparution des époux n'est plus obligatoire) sur les mesures provisoires que l'un ou l'autre aurait demandées. Étant acquis qu'à défaut de demandes formulées sur ce dernier point par l'une des parties, aucune mesure provisoire ne sera prescrite. En pareil cas, il appartiendra aux époux ou à leurs avocats d'y revenir, et d'en solliciter plus tard en cours d'instance, tant que les débats ne sont pas clos.
– Conséquence : une contribution aux charges à géométrie variable. – Pour le liquidateur, le terme de la contribution aux charges du mariage devient une date à géométrie variable selon les couples et les instances. En effet :
  • d'une part, si l'on considère que l'absence de mesures provisoires fait obstacle à la jurisprudence de 1994, l'obligation pour les époux de contribuer aux charges de leur vie commune perdurera jusqu'à la fin de l'instance en divorce. C'est l'analyse vers laquelle incline une doctrine récente ;
  • d'autre part, puisqu'il demeure possible à n'importe lequel des époux, tant que l'instance n'est pas close, de demander au juge de prononcer des mesures provisoires, il peut mettre fin, rétroactivement , à cette contribution.
Les comptes liquidatifs entre époux vont, ainsi, devoir tenir compte d'une obligation de contribution aux charges qui, paradoxalement, doit en principe être beaucoup plus prolongée qu'elle ne l'était avant la réforme, mais peut, a posteriori, se trouver considérablement abrégée !
Les calculs de compensation avec d'autres créances conjugales s'en trouveront, par ricochet, affectés.
En toute hypothèse, on s'aperçoit donc que lorsque cesse la période sereine d'une vie commune, de nombreux obstacles se dressent à l'encontre des recours financiers entre les deux ex-compagnons de vie : soit en empêchant de naître leur fait générateur, soit en brimant leur croissance, soit en dissolvant leur maturité dans la compensation avec des obligations sans cesse élargies. Si elle surmonte tous ces obstacles, la créance d'un époux, partenaire ou concubin ayant surfinancé le logement du couple en dissolution, est exposée à un ultime risque : la prescription.

Les délais de prescription : retour à la différenciation des modes de conjugalité

– Retour à la diversité. – L'étude de la prescription des créances susceptibles de naître au sein d'un couple (Sous-section I) permet, à nouveau, d'identifier un traitement différencié selon le mode de conjugalité (Sous-sections II et III).

La prescription des créances entre époux

– Privilège indirect du mariage. – Engagée en 2008, la réforme du droit de la prescription dernière ne semble pourtant pas encore être entrée dans toutes les têtes. Elle a pourtant frappé fort : divisant par six la durée du délai de droit commun, elle fixe désormais l'extinction des actions mobilières (dont dépendent les poursuites d'une créance) à cinq ans, au lieu de trente auparavant. Le fait pour la créance d'être née au cours d'un mariage (à raison d'une surparticipation au budget de l'ex-logement commun, notamment) ne jouit, à cet égard, que d'un particularisme indirect : le délai de prescription de telles créances est bien de cinq ans, que l'on soit ou non en matière d'indivision. Mais c'est son point de départ qui varie, et ceci change tout.
– Pas de prescription en cours de mariage. – La Cour de cassation a rappelé récemment que le délai de prescription quinquennale frappant les créances entre époux commence à courir seulement lorsque le divorce a acquis force de chose jugée . La même décision précise, s'il en était besoin, que le règlement des créances entre époux ne constitue pas une opération de partage. Au visa des articles 815, 1479, alinéa 1er, 1543 et 2224 combinés du Code civil, elle rappelle que l'imprescriptibilité du droit de demander le partage ne saurait donc lui être applicable.

Prescription des créances entre partenaires

– Extension (apparente) du privilège. – Les partenaires de Pacs profitent eux aussi des dispositions de l'article 2236 du Code civil, lequel indique que la prescription ne court pas ou est suspendue entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Précision faite que les effets du partenariat prennent fin, dans les rapports entre les partenaires, au jour de l'enregistrement de la dissolution. Le partenaire titulaire d'une créance contre l'autre, notamment à raison d'un profit subsistant sur le logement, peut donc, lui aussi, se trouver dans une situation confortable. Toutefois, il s'agit d'une situation beaucoup plus fragile que dans le cas d'époux. Faut-il rappeler que la dissolution du Pacs peut être obtenue unilatéralement par l'autre partenaire, au prix d'une simple notification ? « Jouer la montre » le temps d'une procédure ne sera donc pas ici concevable, comme ce pourrait l'être dans le contexte d'un divorce contentieux, pour lequel la date de dissolution n'est pas à la main exclusive de l'un ou l'autre des époux.

Prescription des créances entre concubins

– Rigueurs du droit commun. – Le concubin qui ne sera pas prémuni par une convention dérogatoire (très rarement rencontrée en pratique) ne relève, pour les créances dont il peut être titulaire contre son concubin, que du droit commun qu'exprime l'article 2224 du Code civil. Ses dispositions sont redoutables : le concubin créancier doit agir dans les cinq ans à compter du jour où il a eu connaissance de son droit, c'est-à-dire à compter du jour où il se sait (ou se pense) créancier… donc à compter du jour où il a payé !
– Possibilité et défis d'une convention contraire. – L'article 2234 du Code civil permet de déroger à cette règle, par une convention fixant le point de départ du délai. À notre avis, ce décalage ne peut excéder la limite posée par l'article 2232, soit vingt ans maximum à partir du jour de la naissance du droit. L'alinéa 2 de cette disposition écarte cette règle entre époux et partenaires, mais ne cite pas les concubins. Reste à définir le plus clairement possible le nouveau point de départ issu de ce décalage, lequel ne peut pas ici correspondre à une dissolution formelle, comme pour le divorce ou la dissolution du Pacs.
– Cas de l'indivision. Cas du remboursement d'un prêt. – Le fait que la créance soit détenue à l'encontre de l'indivision existant entre les ex-concubins ne change rien quant au point de départ de son délai de prescription. La créance est exigible immédiatement, et ce qu'elle soit dirigée contre l'autre concubin, ou contre l'indivision pouvant exister entre eux. Par conséquent, le délai de prescription démarre tout aussi immédiatement. Dans l'hypothèse où sa créance provient de la prise en charge exclusive des échéances successives d'un emprunt dont il n'était pas ou pas le seul emprunteur, le délai de cinq ans commence à courir à partir de chaque échéance pour la somme concernée : agir dans les cinq ans suivant le remboursement intégral du prêt ne permettra donc de revendiquer une créance que sur les cinq dernières années, aucunement sur les précédentes.
– Conclusion. – Il n'existe aucun droit commun du couple lors de la séparation, en matière de financement du logement ; c'est peut-être là un des signes les plus marquants de la différenciation qu'entend laisser subsister le Droit français entre les différents modes de conjugalité. Qu'en est-il à présent de la propriété et de la jouissance de ce logement, et de son sort, lorsque le couple de ses occupants cesse d'exister ?