Le dénouement du contrat

Le dénouement du contrat

La grande spécificité du prêt viager hypothécaire tient à ses modalités de remboursement. Tant le remboursement du capital que le paiement des intérêts interviennent seulement au décès de l'emprunteur. Rien n'est donc, en principe, à verser par l'emprunteur de son vivant (§ I). Mais la loi a prévu des exceptions (§ II).

Le principe : le remboursement au décès

L'époque du remboursement

– Principe. – Le prêt viager hypothécaire est un prêt totalement in fine. Capital et intérêts sont exigibles uniquement au décès de l'emprunteur qui ne doit rien payer de son vivant.
– Cas des époux coemprunteurs. – Si le prêt a été consenti à deux époux, le remboursement total se fait au décès du survivant. Le décès du prémourant est donc, a priori, sans incidence sur le sort du prêt. En revanche, la situation s'avère plus délicate si l'emprunt a été contracté par un seul des époux et si l'immeuble hypothéqué constitue le logement de la famille. Au décès de l'emprunteur, il peut y avoir une opposition d'intérêts entre le conjoint survivant et les autres héritiers. En effet, le conjoint voudra que le prêt soit remboursé au moyen de l'actif successoral afin d'éviter la vente du logement qui le priverait de l'exercice de son droit viager au logement, ce droit n'étant pas opposable à l'établissement prêteur. Il semble, en revanche, a priori acquis que le conjoint puisse exercer son droit temporaire au logement, compte tenu de son caractère d'ordre public. Le prêteur pourra, de son côté, faire saisir le logement pour le vendre, ou en obtenir l'attribution dès lors que le conjoint peut continuer à l'occuper jusqu'à l'expiration du délai d'un an.

Le mode de remboursement

Au décès, le mode de remboursement dépend, en principe, de la volonté des héritiers de l'emprunteur. Cependant, l'une des lacunes du régime du prêt viager hypothécaire est l'absence de délai prévu par les textes pour leur laisser le temps de prendre leur décision. En théorie, l'établissement prêteur possédant un titre exécutoire peut ainsi agir huit jours après avoir adressé une signification aux héritiers.

Le remboursement par les héritiers

Si les héritiers souhaitent procéder eux-mêmes au paiement du capital et des intérêts, deux solutions s'offrent à eux :
  • rembourser le capital et les intérêts dus au prêteur si l'actif successoral est suffisant, et ce afin de conserver l'immeuble ;
  • vendre eux-mêmes l'immeuble donné en garantie, le prix servant alors à désintéresser l'établissement prêteur. Dans ce cas, les héritiers n'ont pas l'obligation, a priori, de faire réaliser une expertise de l'immeuble. Le projet de cession doit être notifié au créancier qui peut contester « la valeur de l'immeuble retenue dans l'acte de cession ». La dette étant plafonnée au prix de cession, le créancier sera particulièrement vigilant à ce que la vente intervienne au « bon » prix. Ce n'est qu'en cas de contestation par le créancier qu'il doit alors être procédé à l'estimation du bien par un expert choisi d'un commun accord par les parties ou désigné sur requête. Le texte ne précise pas s'il s'agit d'une notification à titre de simple information ou si l'accord du créancier doit être obtenu préalablement à la cession de l'immeuble. Il ne précise pas, non plus, quel est le délai ouvert au créancier pour contester le prix de cession. Autrement dit, si la cession intervient sans retour du créancier suite à la notification du projet, peut-il, a posteriori, contester le prix ? En raison de ces incertitudes, et par sécurité, le notaire prendra la précaution d'attendre la validation du prix de cession par le créancier avant de régulariser l'acte.

L'initiative laissée au prêteur

En cas d'inaction des héritiers, ou de succession vacante, le créancier dispose alors de deux options :
  • poursuivre la saisie et la vente du bien donné en garantie ;
  • demander son attribution judiciaire, ou conventionnelle en cas stipulation d'un pacte commissoire.
Et ce nonobstant les règles applicables en matière d'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Le montant du remboursement : règle du plafonnement de la dette

L'une des principales particularités du prêt viager hypothécaire réside dans le fait que la dette est plafonnée à la valeur de l'immeuble donné en garantie au jour du décès de l'emprunteur . En tant que de besoin, l'estimation de l'immeuble est réalisée par un expert choisi d'un commun accord par le créancier et l'emprunteur, ou désigné sur requête. Si l'immeuble est saisi par l'établissement prêteur, la dette est plafonnée au prix d'adjudication. Si l'immeuble est attribué au prêteur, judiciairement ou en vertu du pacte commissoire s'il a été stipulé, la dette est plafonnée à la valeur de l'expertise.

Le délai de recouvrement

L'action en recouvrement d'un prêt viager hypothécaire se prescrit par deux ans . La Cour de cassation a précisé le point de départ de cette prescription. Le délai de prescription court à compter du jour où l'établissement prêteur a connaissance, non seulement du décès de l'emprunteur, mais également de l'identité de ses héritiers.

Les exceptions au principe du remboursement au décès

– Trois exceptions. – Le principe du report total du remboursement du capital et du paiement des intérêts au décès compte trois exceptions : le remboursement anticipé (A), l'exigibilité anticipée du prêt (B) et l'option pour un paiement périodique des intérêts (C).

Le remboursement anticipé

L'emprunteur peut choisir de rembourser le prêt par anticipation, de son vivant. Il convient de distinguer selon que le capital emprunté a été versé en une seule fois (I) ou s'il fait l'objet de versements périodiques (II). La dette n'est pas plafonnée en cas de remboursement anticipé (III).

L'hypothèse du versement unique du capital

Lorsque le capital a été versé en une seule fois, le remboursement par anticipation peut être total ou partiel, au choix de l'emprunteur. Le prêteur peut refuser un remboursement partiel inférieur à 10 % du capital. L'établissement de crédit peut exiger une indemnité de remboursement. Cette indemnité ne peut pas excéder les montants fixés par un barème légal déterminé par décret en Conseil d'État. Le montant varie en fonction de la durée résiduelle du prêt. Aucune autre somme ne peut être réclamée à l'emprunteur, au titre de frais notamment.

L'hypothèse de versements périodiques

Lorsque le prêt fait l'objet de versements périodiques, l'emprunteur peut rembourser par anticipation la totalité des sommes déjà versées en principal et intérêts. Il semble, en revanche, qu'un remboursement anticipé partiel ne soit pas permis. L'établissement de crédit peut alors exiger une indemnité de remboursement, elle aussi plafonnée selon un barème différent. Le montant varie en fonction de la date de la demande de remboursement. L'indemnité sera d'autant plus élevée que le remboursement interviendra rapidement. Aucune autre somme ne peut être réclamée à l'emprunteur, au titre de frais notamment.

L'exception à la règle du plafonnement de la dette

Le remboursement anticipé exclut le plafonnement de la dette. Si l'emprunteur choisit de rembourser le prêt par anticipation, il devra verser au prêteur le montant total qui lui est dû, tant au titre du capital que des intérêts, ainsi que l'indemnité. Peu importe que la dette soit supérieure à la valeur du bien à la date à laquelle le prêt est soldé.

L'exigibilité anticipée du prêt

Les textes prévoient trois cas d'exigibilité anticipée du prêt : l'aliénation de l'immeuble hypothéqué (I), le démembrement de propriété (II) ou le non-respect de ses obligations par l'emprunteur (III).

L'aliénation

L'emprunteur ayant conservé la propriété de l'immeuble grevé de l'hypothèque demeure libre de l'aliéner, la seule condition étant de désintéresser totalement l'établissement prêteur. La loi ne distinguant pas entre les cessions à titre onéreux ou à titre gratuit, l'emprunteur doit pouvoir en faire donation. La valeur de l'immeuble est égale à la valeur indiquée dans l'acte de cession, sous réserve de l'opposition du créancier auquel le projet de cession doit être notifié. Nous renvoyons à ce sujet aux développements ci-dessus dans le cas de la vente de l'immeuble par les héritiers de l'emprunteur. Si la dette est alors inférieure à la valeur de l'immeuble, et donc théoriquement au prix de cession, la différence entre le prix et le montant de la créance doit être pareillement versée à l'emprunteur.

Le démembrement de propriété

Le démembrement de propriété entraîne également l'exigibilité anticipée du prêt. Ce cas d'exigibilité anticipée doit-il être entendu dans un sens large et s'appliquer quelle que soit l'origine du démembrement, légale ou conventionnelle ? Partant du principe qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, la réponse devrait être positive. Si l'emprunt est fait par les deux époux, y a-t-il, alors, une contradiction des textes qui prévoient que le terme du prêt est le décès du survivant des coemprunteurs, d'une part, et l'exigibilité en cas de démembrement de propriété, d'autre part, le conjoint survivant étant bénéficiaire d'un usufruit dans la plupart des cas, soit au titre de sa vocation successorale légale, soit en vertu d'une donation au dernier vivant ? Le démembrement intervient bien avant le décès du survivant des époux, terme du crédit. Sans doute n'était-ce pas l'intention du législateur, du moins en présence d'un usufruit légal. Le prêt viager hypothécaire a été instauré pour venir en aide aux seniors propriétaires mais sans liquidités. Quel serait l'intérêt si, ensuite, le survivant, par l'effet du prêt, se retrouvait privé de son cadre de vie au décès de son conjoint ? La loi de 2007 n'a pas pu opérer un revirement brutal avec l'esprit de celles de 2001 et de 2006, dont l'objectif essentiel, justement, était de préserver le logement des veufs et des veuves. En outre, le prêteur reste protégé malgré le démembrement qui s'éteindra au décès du survivant des époux, date à laquelle l'immeuble pourra être saisi, en vertu du droit de suite, faute pour les héritiers des époux de s'exécuter. Pour éviter toute ambiguïté, le texte de l'article L. 315-1 du Code de la consommation pourrait être complété par les termes suivants : « En cas de pluralité d'emprunteurs, par exception, le démembrement de propriété n'entraînera pas l'exigibilité anticipée du prêt s'il intervient du fait du décès du prémourant des emprunteurs, et sous réserve que le coemprunteur soit l'usufruitier ». La jurisprudence n'a pas tranché. Dans le doute, le notaire devra veiller à ce que l'acte de prêt stipule expressément que le démembrement de propriété opéré au décès du prémourant des emprunteurs, dès lors qu'il résulte de la vocation successorale du conjoint survivant, qu'elle soit légale ou conventionnelle, n'entraînera pas l'exigibilité anticipée du prêt.

Le non-respect des obligations de l'emprunteur

Si l'emprunteur ne respecte pas ses obligations, le paiement du capital et des intérêts est immédiatement exigible. Les cas d'exigibilité anticipée sont énumérés par les textes :
  • le défaut d'entretien de l'immeuble hypothéqué ;
  • le refus de l'accès de l'immeuble hypothéqué à l'établissement prêteur pour s'assurer de son bon état d'entretien et de conservation ;
  • le changement d'affectation de l'immeuble hypothéqué ;
  • l'absence de constitution des sûretés promises ou leur diminution.
Dans le cadre d'un prêt à versement périodique des intérêts, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le paiement immédiat des intérêts échus impayés, et non du capital qui reste exigible au décès seulement.

L'option pour un remboursement périodique des intérêts

Par exception au principe du report total du paiement, tant du capital que des intérêts, au décès de l'emprunteur, le contrat de prêt peut prévoir un remboursement périodique des intérêts. Cette possibilité est en revanche exclue pour le capital, remboursable uniquement au décès de l'emprunteur, sauf les cas de remboursement anticipé et d'exigibilité ci-dessus relatés.