Le démembrement de propriété entraîne également l'exigibilité anticipée du prêt. Ce cas d'exigibilité anticipée doit-il être entendu dans un sens large et s'appliquer quelle que soit l'origine du démembrement, légale ou conventionnelle ? Partant du principe qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, la réponse devrait être positive. Si l'emprunt est fait par les deux époux, y a-t-il, alors, une contradiction des textes qui prévoient que le terme du prêt est le décès du survivant des coemprunteurs, d'une part, et l'exigibilité en cas de démembrement de propriété, d'autre part, le conjoint survivant étant bénéficiaire d'un usufruit dans la plupart des cas, soit au titre de sa vocation successorale légale, soit en vertu d'une donation au dernier vivant ? Le démembrement intervient bien avant le décès du survivant des époux, terme du crédit. Sans doute n'était-ce pas l'intention du législateur, du moins en présence d'un usufruit légal. Le prêt viager hypothécaire a été instauré pour venir en aide aux seniors propriétaires mais sans liquidités. Quel serait l'intérêt si, ensuite, le survivant, par l'effet du prêt, se retrouvait privé de son cadre de vie au décès de son conjoint ? La loi de 2007 n'a pas pu opérer un revirement brutal avec l'esprit de celles de 2001 et de 2006, dont l'objectif essentiel, justement, était de préserver le logement des veufs et des veuves. En outre, le prêteur reste protégé malgré le démembrement qui s'éteindra au décès du survivant des époux, date à laquelle l'immeuble pourra être saisi, en vertu du droit de suite, faute pour les héritiers des époux de s'exécuter. Pour éviter toute ambiguïté, le texte de l'article L. 315-1 du Code de la consommation pourrait être complété par les termes suivants : « En cas de pluralité d'emprunteurs, par exception, le démembrement de propriété n'entraînera pas l'exigibilité anticipée du prêt s'il intervient du fait du décès du prémourant des emprunteurs, et sous réserve que le coemprunteur soit l'usufruitier ». La jurisprudence n'a pas tranché. Dans le doute, le notaire devra veiller à ce que l'acte de prêt stipule expressément que le démembrement de propriété opéré au décès du prémourant des emprunteurs, dès lors qu'il résulte de la vocation successorale du conjoint survivant, qu'elle soit légale ou conventionnelle, n'entraînera pas l'exigibilité anticipée du prêt.