Le choix des garanties

Le choix des garanties

– Choix de la banque. – Bien qu’il soit toujours possible de négocier, c’est la banque qui choisit les garanties du prêt qu’elle accorde. Elle se tourne généralement vers l’hypothèque (Sous-section I), ou vers un cautionnement (Sous-section II), les deux pouvant d’ailleurs être couplés. Elle impose souvent d’autres sortes de garanties destinées à minimiser les risques de défaillance (Sous-section III).

L’hypothèque

– Fonctionnement. – Qu’elle soit légale ou conventionnelle, l’hypothèque est une sûreté réelle permettant au créancier de bénéficier :
  • d’un droit de préférence qui s’analyse comme un avantage accordé à un créancier d’être payé sur le prix de vente, en priorité par rapport aux autres créanciers du débiteur, en cas de vente amiable ou judiciaire du bien immobilier grevé de l’hypothèque ;
  • d’un droit de suite, qui fait que le créancier pourra saisir un bien immobilier grevé de l’hypothèque, en quelque main qu’il se trouve, en cas d’aliénation de celui-ci, afin de se faire payer sa créance. Ce droit est opposable à tout tiers détenteur, indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi.
– Hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers (ancien privilège de prêteur de deniers). – Depuis le 1er janvier 2022, l’hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers, créée par l’ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021, est venue remplacer l’ancien privilège du prêteur de deniers. L’hypothèque légale prend désormais rang à compter de son inscription au fichier immobilier, comme toute hypothèque, quand le privilège de prêteur de deniers rétroagissait à compter de l’acte de prêt. Là est leur différence essentielle, car le mécanisme et les conditions à réunir restent identiques. Depuis cette réforme, il n’est donc plus possible pour le créancier titulaire d’une hypothèque légale spéciale de bénéficier d’un rang plus favorable à l’inscription intercalaire susceptible d’intervenir par exemple entre le jour de la signature de la vente et le jour du dépôt auprès du service de publicité foncière compétent de son bordereau d’inscription. Il en résulte, pour la banque, un déficit de sécurité auquel ne pourra parer que la diligence du notaire à formaliser l’inscription. Toutefois, la pratique a démontré que le cas d’une inscription intercalaire était, heureusement, assez rare.
– Avantages. – Il s’agit de la « sûreté reine en matière immobilière ». Elle a le mérite notamment :
  • de permettre au débiteur d’utiliser au mieux la valeur de son logement pour obtenir un ou plusieurs crédits, ce qui est d’autant plus perceptible lorsque les prix de l’immobilier augmentent ;
  • de pouvoir être transférée avec le prêt, en cas de revente du bien, ce que ne permet pas la caution ;
  • d’emporter un effet dissuasif par rapport aux autres garanties, dans la mesure où les droits de suite et de préférence rendraient pleinement efficace une saisie, sauf le jeu d’une procédure collective ;
  • d’être constatée et inscrite par le notaire, avec un formalisme à respecter, ce qui est gage de sécurité.

Le cautionnement

La sûreté est dite « personnelle » lorsqu’une personne s’engage à régler une dette en lieu et place d’une autre, ici l’emprunteur, en cas de défaillance.
– Cautionnement mutuel. – Lorsque le crédit porte sur un logement, la banque se tourne généralement vers une société de cautionnement, et ne recherche pas à engager un proche de l’emprunteur, en raison de l’efficacité attachée au mécanisme de mutualisation. L’emprunteur contribue à constituer un fonds de garantie, et la société s’oblige envers la banque à se substituer à l’emprunteur défaillant, dans les limites de ce fonds. Le risque est ainsi mutualisé au sein de cette société régie par les articles L. 515-4 à L. 515-12 et R. 515-1 du Code monétaire et financier.
– Avantages. – Garantie concurrente de l’hypothèque, ses défenseurs mettent généralement en avant :
  • la simplicité de la constitution de la garantie, qui n’a pas à respecter les règles du cautionnement personnel, jugées trop contraignantes ;
  • la rapidité du remboursement effectué par la société de cautionnement, en cas de défaillance de l’emprunteur ;
  • l’efficacité du remboursement, qui se fait sur la base d’une somme due, non sur la valeur actualisée de l’immeuble, sans concours avec d’autres créanciers, et sans contestation de la caution.

Concurrence des garanties

Si l’emprunteur est amené à choisir, il préférera généralement la garantie qui coûte le moins cher. Une idée reçue consiste à penser que l’hypothèque est dispendieuse, quand la caution est avantageuse et « récupérable » en fin de prêt. La récupération n’est pas totale si l’emprunteur a réglé une commission acquise définitivement à la société de caution, et accepté que sa participation finale au fonds de garantie dépende d’un taux de sinistre. Il est important de bien se faire conseiller, car la solution dépendra de chaque situation. À titre d’exemple, il sera parfois intéressant pour un emprunteur d’opter pour une hypothèque lorsque son projet n’est pas de vendre avant la fin du prêt, ce qui lui permettra d’économiser des frais de mainlevée.

Il faut ajouter que si au cours du prêt l’emprunteur a été momentanément défaillant dans ses remboursements, la société de caution aura à coup sûr fait inscrire sur le bien financé soit une hypothèque conventionnelle initialement promise, soit une hypothèque judiciaire. Dans un tel cas, les frais de mainlevée seront dus en sus de ceux de l’inscription forcée. La formule du cautionnement perd alors tout son intérêt.

Les autres garanties

Pour minimiser les risques de défaillance, la banque imposera le plus souvent d’autres garanties.
– Solidarité passive des emprunteurs. – Il s’agit du mécanisme permettant au prêteur de réclamer à chaque emprunteur la totalité de la dette à laquelle ils sont tous obligés. Le prêteur s’évite ainsi de diviser ses poursuites, à hauteur de la part de chaque codébiteur, et se préserve des différents retards de paiement imputables à chacun. La solidarité passive fait donc peser sur les codébiteurs solidaires l’insolvabilité de l’un d’entre eux, à charge pour le codébiteur solidaire qui a payé au-delà de sa part de former un recours contre le codébiteur défaillant à concurrence des sommes qui excèdent sa propre part.
– L’assurance-crédit. – Désireuse de s’assurer le remboursement du prêt, la banque impose le plus souvent une assurance emprunteur qui prendra en charge le paiement de tout ou partie des échéances de remboursement du crédit restant dû en cas de survenance de certains faits :
  • décès et perte totale et irréversible d’autonomie ;
  • invalidité permanente (totale ou partielle) et incapacité temporaire de travail (totale ou partielle) ;
  • éventuellement perte d’emploi.
L’adhésion à un contrat dit « assurance-groupe » n’est pas obligatoire. Bien qu’il soit généralement proposé par la banque, l’emprunteur peut également se tourner vers l’organisme d’assurance de son choix.
L’emprunteur n’ayant pas de contact direct avec l’assureur, la banque est tenue de lui remettre une notice d’information, de lui apporter un conseil personnalisé sur l’adéquation des risques couverts à sa situation particulière, la simple remise de la notice ne suffisant pas. Cette obligation de conseil s’étend à l’ensemble de la période de couverture par l’assurance.
– Les « sûretés négatives ». – Ces clauses issues de la pratique ne font pas l’objet d’une réglementation spécifique, à condition toutefois de ne pas être qualifiées de clauses abusives. La commission des clauses abusives envisage ce type de clauses dans une recommandation de 2004, qui peut influencer la décision du juge. Toute clause jugée abusive sera réputée non écrite. Nous donnerons quelques exemples de clauses :
  • clause pari passu : l’emprunteur s’engage envers le prêteur (la banque) à le faire bénéficier des mêmes garanties ou avantages qu’il pourrait accorder ultérieurement à d’autres prêteurs. Ainsi, tous les prêteurs seront traités sur un même plan d’égalité, sans aucune préférence ;
  • clause obligeant l’emprunteur à domicilier ses revenus auprès du prêteur, pendant la durée du prêt ;
  • clause imposant à l’emprunteur d’ouvrir un compte de dépôt à vue chez le prêteur et que ce dernier est autorisé de façon permanente à débiter le compte de l’emprunteur du montant des sommes exigibles.
Ces deux dernières clauses apparaissent abusives pour la commission des clauses abusives, si les obligations ne sont accompagnées d’aucune contrepartie individualisée au profit de l’emprunteur.