L’importance du prêt bancaire

L’importance du prêt bancaire

– Un canal privilégié d’accession à la propriété. – Il est rare que l’épargne disponible d’un ménage suffise à financer à elle seule la propriété d’un logement, surtout pour les jeunes générations qui investissent pour la première fois. Les particuliers y accèdent le plus souvent grâce à un prêt bancaire. En 2019, et d’après les enquêtes « Statistiques sur les ressources et les conditions de vie » (dispositif SRCV-SILC) :
  • un ménage sur deux en France métropolitaine est endetté à titre privé, c’est-à-dire qu’il rembourse un emprunt ou un crédit pour des besoins privés ;
  • un tiers des ménages (33 %) est endetté pour un motif immobilier ;
  • un ménage sur dix cumule à la fois crédit immobilier et crédit à la consommation.
– Crédit immobilier régi par le Code de la consommation. – Le prêt destiné à financer l’acquisition, la construction d’un logement, est :
  • une opération de crédit répondant à la définition de l’article L. 311-1, 6° du Code de la consommation ;
  • une opération consentie par un prêteur professionnel, au premier chef un établissement de crédit tel qu’il est défini à l’article L. 511-1 du Code monétaire et financier ;
  • une opération immobilière visée par l’article L. 313-1 du Code de la consommation : on y trouve notamment l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, en pleine propriété ou en jouissance, l’achat de terrains destinés à la construction de ces immeubles.
Sont exclues un certain nombre d’opérations et de personnes, par exemple les prêts destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance. Cette exclusion fait écho à la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux sociétés civiles immobilières. Elle laisse à penser qu’une SCI même familiale pourrait être exclue de ce champ d’application si son objet suffit à caractériser une activité professionnelle.
– Recherche d’un équilibre économique. – La réglementation des crédits immobiliers, telle qu’elle figure dans le Code de la consommation, traduit essentiellement deux volontés politiques qui se situent à l’opposé l’une de l’autre :
  • celle de permettre au plus grand nombre d’accéder à la propriété, l’État intervenant directement ou indirectement, pour soutenir cette accession ;
  • celle de prévenir le risque de surendettement qui pèse sur les ménages, surtout du fait de l’augmentation des prix de l’immobilier.
L’équilibre économique à rechercher entre soutenir et réguler, qui guide la politique de l’accession, se retrouve dans la surveillance institutionnelle de la structure des prêts (Section I), la formalisation de l’offre de prêt (Section II), la protection accordée à l’emprunteur (Section III), et le choix des garanties (Section IV).

La surveillance institutionnelle de la structure des prêts

– Un marché à réguler. – Pour financer les prêts qu’elles consentent, et notamment les prêts immobiliers consentis aux particuliers, les banques sont amenées à se procurer des capitaux sur les marchés financiers ou à se les prêter entre elles. On parle de refinancement. Lorsque le coût du refinancement augmente sur les marchés financiers, les banques répercutent ce surcoût sur les emprunteurs en augmentant le « loyer de l’argent », c’est-à-dire les taux d’intérêt. C’est pourquoi les perturbations qui affectent les marchés financiers (résultant des incertitudes économiques, de la dégradation du pouvoir d’achat, de la hausse des prix de l’énergie, etc.) et corrélativement la probable augmentation des situations de surendettement, peuvent avoir des conséquences néfastes sur le nombre et les conditions des prêts immobiliers octroyés par les banques.
– Surveillance institutionnelle. – Une surveillance institutionnelle est organisée pour éviter le désordre économique ; elle est assurée au niveau européen par la Banque centrale européenne (BCE), au niveau national par la Banque de France, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Les deux premières agissent spécialement sur la progression du taux du prêt (Sous-section I), et les deux autres sur l’endettement et son étalement dans la durée (Sous-section II).

Le taux

– Politique monétaire de la BCE. – La politique menée par la BCE, qui vise à stabiliser les prix, influence directement les taux des prêts immobiliers qui sont pratiqués par les banques commerciales internes. La BCE pilote trois taux directeurs, qui vont s’imposer aux banques faisant appel à elle pour des besoins de trésorerie :
  • le principal taux directeur s’appliquant aux opérations de refinancement pratiques par les banques internes, qui empruntent à la BCE des liquidités pendant une semaine. Il s’agit du « principal taux en temps normal » ;
  • le taux directeur répondant à des besoins urgents de financement. La banque emprunte ici pour vingt-quatre heures à la BCE. On parle de « taux de la facilité de prêt marginal », qui est plus élevé que le taux principal ;
  • le taux directeur destiné à rémunérer les banques commerciales qui, ayant un excédent de liquidités, veulent les déposer pour vingt-quatre heures à la BCE. C’est le « taux de la facilité de dépôt », plus faible que les autres taux directeurs. Le taux de cette facilité a d’ailleurs été négatif de juin 2014 à juillet 2022. Il résultait de cette situation que les banques avaient plus d’intérêt à consentir des prêts à leurs clients qu’à placer leurs disponibilités à la BCE.
– Contrôle de l’inflation par la BCE. – Dans le contexte inflationniste généré notamment par l’épidémie de Covid-19 et le début de la guerre en Ukraine, la BCE a plusieurs fois rehaussé ses taux directeurs et assume clairement sa position. Le crédit devient alors plus coûteux pour les ménages qui empruntent moins, donc consomment et investissent moins ; l’activité ralentit, tout comme le rythme de hausse des prix. Mais si, à l’inverse, l’inflation était trop basse, la BCE irait sans doute dans le sens contraire et diminuerait ses taux directeurs ; les ménages pourraient alors emprunter et investir davantage, et l’activité économique s’accélérer, comme la hausse des prix.
Pour une présentation des taux directeurs et leur actualité :
https://abc-economie.banque-france.fr/search-es?term=mda+taux+directeurs+20210226">Lien
– L’usure. – Le taux d’usure correspond au « taux d’intérêt maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt ». Le prêt est usuraire lorsqu’il est « consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l’autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier ». Il convient d’apprécier le taux effectif global (TEG) d’un prêt au moment de l’octroi de celui-ci pour savoir s’il est ou non usuraire, ce qui a pour conséquence d’exclure du calcul des éléments postérieurs, extérieurs à la volonté du prêteur, qui viendraient en accroître le coût, tels que des perceptions supplémentaires liées, par exemple, au jeu d’une clause d’indexation ou à la défaillance de l’emprunteur.
– Champ d’application de la réglementation sur l’usure. – Seuls sont concernés par les règles de l’usure les prêts accordés aux particuliers agissant pour leurs besoins non professionnels, ce qui est le cas des personnes physiques investissant dans un logement, et les prêts accordés aux personnes morales qui n’ont pas d’activité professionnelle, ainsi que les prêts accordés aux personnes morales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale, sous forme de découverts en compte.
– Information des emprunteurs. – Les prêteurs doivent porter à la connaissance des emprunteurs les seuils de l’usure correspondant aux prêts qu’ils leur proposent. Les établissements de crédit tiennent cette information à la disposition de leur clientèle comme pour les conditions générales de banque mentionnées à l’article R. 312-1 du Code monétaire et financier.
– Rôle de la Banque de France. – La Banque de France est en charge du calcul des taux effectifs moyens qui ont été pratiqués au cours d’un trimestre civil par les établissements de crédit pour les catégories d’opérations de même nature comportant des risques analogues et entrant dans le champ d’application de la réglementation sur l’usure. Le ministre chargé de l’économie fait procéder à la publication au Journal officiel de la République française de ces taux ainsi que des seuils de l’usure correspondant qui serviront de référence pour le trimestre suivant. Comme le relève une auteure, une idée reçue consiste à penser que la décision de faire varier le taux d’usure dépend de la Banque de France, alors qu’elle ne fait que les calculer selon une méthode définie par les textes. L’intervention de la BCE pour assurer un équilibre économique, comme nous l’avons vu plus haut, semble quant à elle déterminante Le lecteur intéressé trouvera sur l’extension numérique du présent rapport quelques compléments importants sur l’usure.

La sanction de l’usure

Le respect du niveau de l’usure a des répercussions très importantes sur l’économie. Les banques qui pratiqueraient un taux usuraire s’exposent (outre à une mauvaise réputation) à de lourdes sanctions, pouvant être étendues à leurs « complices », tels que le notaire rédacteur de l’acte de prêt. L’article L. 341-50 du Code de la consommation dispose ainsi que :
  • le fait de consentir à autrui un prêt usuraire ou d’apporter à quelque titre et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt usuraire ou d’un prêt qui deviendrait usuraire au sens de l’article L. 314-6 du Code de la consommation du fait de son concours est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros ;
  • en cas de condamnation, le tribunal peut en outre ordonner :En cas de fermeture, le tribunal fixe la durée pendant laquelle le délinquant ou l’entreprise doit continuer à payer à son personnel les salaires, indemnités et rémunérations de toute nature auxquels celui-ci avait droit jusqu’alors ; cette durée ne saurait excéder trois mois.

L’usure : concept symbolique ou réalité économique ?

1. La règlementation de l’usure trouve ses racines dans l’Histoire ancienne. Déjà le Code d’Hammurabi fixait un maximum au taux des prêts. Dans la Rome antique, l’usure était un crime sévèrement sanctionné. En occident, le Moyen Âge confondra longtemps le prêt à intérêt avec l’usure. Malgré des arguments économiques plus rationnels apparus par la suite, et adoptés par la Réforme, il résulta longtemps de ces fondements historiques péjoratifs une certaine défiance de la société et de ses institutions à l’égard du crédit. Peu à peu pourtant, le prêt à intérêt s’imposa comme une prestation de services pouvant être rémunéré. Néanmoins, une loi du 28 décembre 1966, condamnant l’usure, fut adoptée. Les textes législatifs actuellement en vigueur, regroupés dans le Code de la consommation, traduisent une volonté de protéger l’emprunteur/consommateur contre les risques de surendettement.
2. Pour autant, la symbolique n’est-elle pas toujours présente dans les textes ? Face à l’inflation et la remontée des taux, certains professionnels du secteur bancaire en ont réclamé la modification. Le taux plafond, révisé tous les trimestres, n’évoluerait pas assez vite à la hausse. Si la réglementation sur l’usure ne suit pas, les prêts risquent de diminuer, alors même qu’ils constituent une part grandement majoritaire du financement des logements. Face au risque d’une crise immobilière, qui a été ressenti dès le début de l’année 2022, l’usure freinerait l’économie.
3. On peut nuancer ce jugement en indiquant qu’il existe une faculté de réajustement du taux de l’usure en cas de circonstance exceptionnelle (n’est-ce pas le cas d’une crise immobilière ?), qui sera peut-être utilisée par la Banque de France dans un contexte d’avant crise, du moins peut-on l’espérer.
4. Exclure l’assurance emprunteur de l’assiette du TEG pour le calcul du taux de l’usure, est une autre piste, qui semble cependant n’avoir que peu de chances d’aboutir étant donné le caractère obligatoire de cette assurance et le fait que les textes européens, qui ont la mainmise sur la définition du TEG, s’imposent à la France.

Le niveau d’endettement et son étalement dans la durée

– Un endettement croissant. – Les Français s’endettent de plus en plus, tant sur les montants que sur la durée. Les prix ne cessant de croître, ils n’ont d’autres choix que d’emprunter plus longtemps s’ils veulent accéder à la propriété. Ils étaient d’ailleurs incités à le faire tant les taux d’intérêt étaient historiquement bas à la fin de l’année 2021. L’Observatoire Crédit Logement (OCL)/CSA nous apprend qu’en novembre 2022, la durée moyenne des prêts s’établissait à 248 mois, un niveau encore jamais observé. Dans son tableau de bord de novembre 2022, il remarque que « comme les ménages encore sur le marché accomplissent des projets bien plus ambitieux que ceux qui en ont été exclus, le coût des opérations réalisées progresse toujours à un rythme soutenu (+ 5,4 % pour les 11 premiers mois de l’année, en glissement annuel, après + 4,7 % en 2021) ». L’apport des ménages a également crû (+ 11,1 % pour les onze premiers mois de l’année, en glissement annuel, après + 13,3 % en 2021), mais l’OCL constate qu’avec la flambée des prix de l’immobilier, il ne suffit plus.
– Hausse des prix et endettement : un risque de chocs économiques. – Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) relève qu’un secteur de l’immobilier en tension associé à une forte dette des ménages peut amplifier les chocs économiques : par exemple, une hausse du chômage (ou baisse des revenus) pourrait entraîner une hausse de la sinistralité, mais également une saturation de la contrainte de revenu des ménages. Cela diminuerait leur consommation, accentuant davantage la dégradation des perspectives économiques.
– Rôles du HCSF et de l’ACPR face à l’endettement des ménages. – Ces difficultés de financement engendrent un risque de surendettement des ménages, que deux institutions sont chargées de surveiller :
  • le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) est l’autorité macroprudentielle française chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, « en vue de prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques, fixer des conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’ACPR ou de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et ayant reçu l’autorisation d’exercer cette activité ». Ces limites étaient auparavant de simples recommandations ;
  • l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) vérifie le respect de ces conditions d’octroi de crédit, et peut infliger blâmes et sanctions financières en cas de manquement, ce qui est déjà arrivé.
On peut consulter par le lien qui suit la présentation des « Travaux de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en matière de stabilité financière » :
https://www.banque-france.fr/stabilite-financiere/travaux-de-la-banque-de-france-et-de-lacpr-sur-la-stabilite-financiere">Lien
– Décision du HCSF du 29 septembre 2021 : les niveaux maximaux à respecter. – Le HCSF a révisé les conditions d’octroi des crédits immobiliers, dans une décision prise le 29 septembre 2021, avec date d’effet au 1er janvier 2022. Désormais, la durée maximum d’un emprunt immobilier souscrit par un particulier est fixée à vingt-cinq ans. D’autre part, le taux maximum d’endettement, qui mesure le montant des annuités de remboursement par rapport aux revenus de l’emprunteur, ne doit pas dépasser 35 %, assurance comprise, contre 33 % auparavant.
Les ménages qui achètent un logement neuf sur plan, avant achèvement du bien, ou qui achètent dans l’ancien et engagent des travaux importants, dont le montant représente au moins 25 % du coût d’acquisition, peuvent bénéficier de deux années supplémentaires de durée d’emprunt.
Les établissements de crédit peuvent s’affranchir de ces conditions maximales de durée et de taux d’endettement pour 20 % des prêts octroyés. Ces dérogations doivent être réservées, pour 80 % d’entre elles, aux ménages qui achètent leur résidence principale, avec une proportion de 30 % aux primo-accédants, afin de ne pas exclure les emprunteurs aux revenus modestes ou disposant d’un faible apport, mais dont les dossiers sont toutefois jugés solides.
– Motifs de la décision. – La décision a été motivée par :
  • le constat que l’endettement des ménages est passé de 53,4 % du revenu disponible brut à 100,9 % entre le premier trimestre 2001 et le premier trimestre 2021, et que le crédit à l’habitat contribue significativement à cette dynamique ;
  • le constat que la robustesse du modèle de financement du logement prévalant en France s’appuie sur les bonnes pratiques que constituent en particulier la maîtrise du taux d’effort des emprunteurs et le caractère raisonnable de la maturité ;
  • le constat que le niveau d’endettement atteint, conjugué à la dégradation tendancielle des conditions d’octroi observée depuis 2015, est de nature à fragiliser les ménages ;
  • la nécessité de pérenniser un octroi prudent de crédit à l’habitat compte tenu du niveau d’endettement atteint.
La prudence dans l’octroi des crédits est de raison, mais ce principe ne permet pas en soi de régler les difficultés d’accession à la propriété rencontrées par un nombre certain de ménages.
– S’endetter encore plus longtemps, est-ce la solution ? – Lisser davantage le coût de l’emprunt est une piste souvent envisagée pour faciliter, au moins à court terme, l’accession des ménages à la propriété, et en particulier celle des primo-accédants. Cette question, qui met en cause la pérennité du logement, sera abordée par le rapport de la troisième Commission. Nous nous bornerons donc ici à quelques conjectures prudentielles.
– Nul ne doute que dans cette configuration, les banques renforceront les conditions du prêt à leur profit et exigeront des taux d’intérêt encore plus élevés pour financer les ménages, rendant ainsi le logement toujours plus cher.
– Plus la durée de remboursement est longue, plus le risque qu’un ménage soit en incapacité de payer ses mensualités est élevé, par exemple en raison du changement inattendu d’une situation personnelle ou professionnelle. Dès lors, on voit mal comment cet assouplissement s’accorderait avec un marché bancaire régulièrement en tension. Sauf à prévoir systématiquement des taux variables, les banques ne verront-elles pas d’un mauvais œil des conditions financières bloquées sur un aussi long terme ?
– Solvabiliser les ménages en lissant davantage leur endettement ne risque-t-il pas d’aggraver la hausse des prix de l’immobilier, et donc le niveau d’endettement des ménages, s’ils sont toujours plus nombreux à accepter un tel risque pour se positionner sur le marché immobilier ?

La formalisation de l’offre de prêt

– Offre. – Aux termes de l’article 1113 du Code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. Il s’agit d’un contrat consensuel, qui se forme par un échange de consentements, et non un contrat réel, qui se forme quant à lui par la remise d’une chose.
– Formalisme. – L’offre est établie par écrit ou sur support durable. Un modèle de l’offre doit être fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie. Le texte n’exige pas de reconnaissance de la remise de l’offre par l’emprunteur. Le prêteur a cependant tout intérêt à ce que l’offre donne lieu soit à l’établissement d’un récépissé, soit à un envoi par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans la mesure où cette offre marque le point de départ du délai dans lequel elle doit être acceptée. L’offre doit être gratuite, le prêteur ne pouvant demander une commission à l’emprunteur pour le temps d’immobilisation des fonds.
Le lecteur trouvera sur l’extension numérique du présent rapport les indications relatives au contenu de l’offre.

Le contenu des offres de prêt immobilier

1. Mentions obligatoires
L’offre mentionne obligatoirement :
  • l’identité des parties, et éventuellement des cautions déclarées ;
  • la nature, l’objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds ;
  • le montant du crédit susceptible d’être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux ;
  • les éventuelles conditions de l’indexation ;
  • les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt avec une évaluation de leur coût ;
  • l’adhésion facultative à l’assurance de groupe du prêteur ou le choix d’une autre assurance ;
  • les conditions requises pour un transfert éventuel du prêt à une tierce personne ;
  • les dispositions de l’article L. 313-24 du Code de la consommation.
2. Mention spécifique du taux annuel effectif global (TAEG)
Le taux annuel effectif global, qui correspond au coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, est mentionné obligatoirement dans le contrat de prêt.
Sont compris dans le taux annuel effectif global du prêt :
  • les frais de dossier ;
  • les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;
  • les coûts d’assurance et de garanties obligatoires ;
  • les frais d’ouverture et de tenue d’un compte donné, d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements à partir de ce compte ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement ;
  • le coût de l’évaluation du bien immobilier, hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier.
Une méthode de calcul est donnée en annexe de l’article R. 314-6 du Code de la consommation.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019, lorsque le prêteur omet de mentionner le TAEG dans l’offre de prêt ou commet une erreur dans son calcul, il encourt la sanction spécifique prévue par le Code de la consommation de la déchéance du droit aux intérêts. Cette dernière présente un caractère facultatif et peut n’être que partielle, le juge conservant le pouvoir de moduler les effets de la sanction en fonction du préjudice subi par l’emprunteur. La sanction encourue peut aller jusqu’à la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, le taux de l’intérêt légal s’y substituant. Sous l’empire antérieur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, qui a généralisé la déchéance du terme, la Cour de cassation n’avait pas retenu la nullité pour un écart assez faible : 3,748 % au lieu de 3,746 %.
Depuis la réforme de la prescription de 2008, l’action se prescrit par cinq ans. Ce délai court à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur invoquée, conformément à l’article 2224 du Code civil. Il reviendra en pratique aux juges du fond de fixer ce point de départ.

La protection de l’emprunteur

La protection de l’emprunteur est assurée essentiellement à trois moments : avant (Sous-section I), pendant (Sous-section II) et après la formation du contrat de prêt (Sous-section III).

Avant la formation du contrat de prêt

– Obligations renforcées du prêteur. – L’ordonnance du 25 mars 2016 a voulu renforcer la prise de conscience par l’emprunteur de l’importance que revêt pour lui la conclusion d’un contrat de crédit immobilier. À ce titre, le prêteur doit fournir à l’emprunteur des explications adéquates, éventuellement lui proposer un service de conseil. Il doit le mettre en garde après avoir évalué sa solvabilité et éventuellement la valeur du bien immobilier.
– Devoir de mise en garde. – Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire pour lui des risques spécifiques. L’ordonnance s’est inspirée de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait déjà mis à la charge des prêteurs un devoir de mise en garde des « emprunteurs non avertis » contre les risques encourus. Elle avait caractérisé non seulement un devoir de mise en garde à la charge des établissements de crédit à l’égard de leurs clients emprunteurs, mais aussi un devoir de refus d’accorder un crédit à des emprunteurs déjà trop endettés. Étant donné les termes suffisamment clairs de la loi, il en résulte pour le prêteur une obligation de refuser un crédit à un emprunteur dont la situation laisse présager des difficultés de remboursement.
de remboursement.
– Examen de solvabilité. – Avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur doit procéder à une évaluation rigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur. Cette évaluation prend en compte de manière appropriée les facteurs pertinents permettant d’apprécier la capacité de l’emprunteur à remplir ses obligations définies par le contrat de crédit. Ces informations sont recueillies par le prêteur auprès de sources internes ou externes pertinentes. Ces éléments internes résulteront des déclarations faites par l’emprunteur et des documents qu’il pourra fournir à l’appui, ainsi des bulletins de salaire ou des déclarations fiscales. Les éléments externes résulteront des consultations que le prêteur pourra effectuer, par exemple sur le Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
– Explications adéquates. – Le prêteur doit fournir gratuitement à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière. Ces explications comprennent notamment :
  • les informations contenues dans la fiche d’information standardisée européenne mentionnée à l’article L. 313-7 du Code de la consommation, ainsi que, pour les intermédiaires de crédit, les obligations d’information prévues en application de l’article L. 519-4-1 du Code monétaire et financier ;
  • les principales caractéristiques du ou des crédits et services accessoires proposés ;
  • les effets spécifiques que le ou les crédits et services accessoires proposés peuvent avoir sur l’emprunteur, y compris les conséquences d’un défaut de paiement de l’emprunteur, notamment en cas de réalisation des garanties. Lorsque la garantie est constituée par un cautionnement accordé par un organisme de cautionnement professionnel, le prêteur informe l’emprunteur de la nature, des bénéficiaires et des conditions dans lesquelles celle-ci peut être actionnée et des conséquences pour l’emprunteur ;
  • s’agissant des éventuels services accessoires liés au contrat de crédit, l’indication de la possibilité ou non de résilier chaque composante séparément et les implications d’une telle procédure pour l’emprunteur.
Bien que la fiche standardisée puisse contenir un certain nombre d’informations, le prêteur a tout intérêt à se ménager la preuve de la délivrance de toutes les explications attendues de la loi, en fonction de la situation de chaque emprunteur.
N’étant pas garant de l’opportunité économique d’une opération pour laquelle il est requis, le notaire n’est pas soumis à un régime identique, mais n’est pas non plus dépourvu de toute responsabilité, comme on pourra le lire sur l’extension numérique du présent rapport.

Le notaire et l’opportunité économique de l’emprunt souscrit pour financer l’acquisition d’un logement

1. Contrairement au prêteur, la Cour de cassation considère que « le notaire [ n’est ], en principe, pas tenu à une obligation de conseil et de mise en garde en ce qui concerne l’opportunité économique de l’opération à laquelle il prête son concours ». La notion d’opportunité économique de l’acte, largement entendue par les tribunaux, concerne autant les résultats escomptés de l’opération sur un plan économique que les moyens de les atteindre. Ainsi le notaire n’a pas à s’assurer de la solvabilité financière des contractants ou du caractère équilibré de l’opération.
2. Ce principe comporte des exceptions. Lorsqu’il a connaissance de la situation catastrophique dans laquelle se trouve son client emprunteur, il doit en informer le prêteur. Plus généralement le notaire doit orienter les parties vers l’acte le plus approprié en fonction du champ contractuel économique, tel qu’il a été négocié entre les parties, et porté à sa connaissance. Ainsi, « s’il n’est pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant l’opportunité économique d’une opération en l’absence d’éléments d’appréciation qu’il n’a pas à rechercher, le notaire est, en revanche, tenu d’une telle obligation pour que les droits et obligations réciproques légalement contractés par les parties répondent aux finalités révélées de leur engagement, soient adaptés à leurs capacités ou facultés respectives et soient assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité, quand bien même leur engagement procéderait d’un accord antérieur, dès lors qu’au moment de l’authentification cet accord n’a pas produit tous ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable ».
– Lien étroit entre le crédit et la vente. – Bien qu’ils soient de nature différente et conclus entre des parties distinctes, le contrat de crédit et le contrat de vente sont étroitement liés, voire interdépendants. Pour preuve, la loi impose à l’essentiel des avant-contrats d’indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l’aide d’un ou plusieurs prêts immobiliers du Code de la consommation. La Cour de cassation n’exige pas pour autant que ce prêt y soit détaillé dans ses caractéristiques, et qu’y figurent les mentions du taux envisagé, la durée de remboursement et le montant maximum des échéances mensuelles. Lorsque l’avant-contrat indique que le prix sera payé sans l’aide d’un ou plusieurs prêts, cet acte porte, une mention par laquelle celui-ci reconnaît avoir été informé que s’il recourt néanmoins à un prêt, il ne pourra se prévaloir des dispositions protectrices de l’emprunteur immobilier du Code de la consommation. Cette mention est manuscrite lorsque l’avant-contrat revêt la forme sous seing privé. La Cour de cassation a admis que cette mention puisse figurer sur un document séparé, mais auquel l’acte se réfère. En l’absence de la mention prescrite par la loi ou si elle manque ou n’est pas de la main de l’acquéreur alors que l’avant-contrat est sous seing privé, et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l’article L. 313-41 du Code de la consommation.
– Condition suspensive de prêt. – Si l’acquéreur déclare recourir à un ou plusieurs prêts immobiliers du Code de la consommation, le contrat principal est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assurent le financement. Cette condition suspensive, qui est un enjeu déterminant pour bon nombre d’acquéreurs d’un logement, a fait couler beaucoup d’encre, comme le lecteur pourra le constater sur l’extension numérique du présent rapport.

Synthèse jurisprudentielle (non exhaustive) relative à la condition suspensives de l’article L. 313-41 du Code de la consommation

Les dispositions du Code de la consommation relatives à la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier ont été complétées par une abondante jurisprudence dont trois apports méritent d’être mis en exergue, tant ils sont, pour les rédacteurs d’avant-contrats, une indispensable source d’inspiration.
1. Le caractère d’ordre public de la loi. Très souvent, les avant-contrats contiennent des obligations mises à la charge de l’acquéreur. Bien qu’elles puissent avoir des vertus pédagogiques, surtout pour l’acquéreur qui serait tenté de ne pas déposer un dossier de prêt dans un délai raisonnable, voire ne pas déposer de dossier du tout, elles ne doivent pas avoir pour but d’augmenter les exigences légales. La Cour de cassation a jugé qu’il ne pouvait être imposé aux acquéreurs des obligations contractuelles de nature à accroître les exigences résultant de la loi, notamment en les obligeant à déposer le dossier de crédit dans un certain délai (quinze jours dans le cas d’espèce). Ces exigences contractuelles s’articulent d’ailleurs mal avec la faculté qu’a un acquéreur de renoncer à une condition suspensive stipulée dans son intérêt. Par contre, une clause de déchéance du bénéfice de la condition suspensive pour défaut de présentation de la demande de prêt dans le délai d’un mois est valable car elle est égale à la durée légale de la condition suspensive, l’ordre public ne pouvant être troublé pendant ce minimum d’un mois ;
2. La renonciation ultérieure au bénéfice de la condition suspensive prévue au contrat. Une telle renonciation a été tout d’abord admise par la jurisprudence , l’acquéreur conservant dans ce cas la possibilité de poursuivre l’exécution du contrat de vente en cas de refus de prêt ou en cas de silence de la banque. La loi a pris le relais lorsque la condition suspensive a été stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur. La Cour de cassation maintiendra peut-être sa jurisprudence en présence d’une condition suspensive stipulée dans l’intérêt des deux parties à la vente. Dans ce cas, la renonciation ne devrait être possible que par accord mutuel ;
3. La notion d’obtention du prêt. Elle a été assimilée à la délivrance d’une offre ferme, sans réserve, valant réalisation de la condition suspensive de prêt t. La jurisprudence a précisé qu’il appartient à l’acquéreur de prouver que la demande présentée à l’organisme de crédit était conforme aux caractéristiques prévues dans l’acte. Les parties auront intérêt à ce que le contrat soit clair sur ces caractéristiques (on pense en particulier au montant, à la durée et au taux du prêt). Si le contrat reste muet, son interprétation sera source de contentieux. La cour d’appel de Paris a reconnu à l’acquéreur sous condition suspensive le droit de refuser un prêt proposé dans des conditions exorbitantes. Cette même cour a estimé ultérieurement qu’une condition suspensive relative au financement d’une opération immobilière est irrégulière et nulle lorsqu’elle ne mentionne ni la durée du prêt ni le taux d’intérêt maximum.

Au moment de la formation du contrat de prêt

– Délai de réflexion de dix jours. – L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. En pratique, ils ne peuvent accepter l’offre que le onzième jour, au plus tôt, après l’avoir reçue. Ce délai est censé permettre à l’emprunteur de réfléchir, d’examiner les conditions de l’offre de prêt qui lui a été consentie, tout en les comparant éventuellement avec d’autres offres qui peuvent lui être proposées. Ce droit de réflexion s’exerce avant l’acceptation, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un droit de rétractation : l’acceptation de l’emprunteur ne peut intervenir avant le terme du délai, mais une fois intervenue, elle est irrévocable. La preuve du respect du délai peut se faire par tout moyen, mais elle est généralement préconstituée par les organismes prêteurs, qui font signer par l’emprunteur un document faisant foi de la date de remise de l’offre et aussi de l’acceptation, lorsque cette offre est sur support écrit. Si l’offre est formulée sur un support électronique, l’accusé de réception peut être conservé sur l’espace client auquel les parties ont accès. Notons enfin que l’emprunteur ne peut raccourcir ce délai de réflexion, voire y renoncer.
– Forme de l’acceptation. – L’acceptation est donnée par lettre, le cachet de l’opérateur postal faisant foi, ou selon tout autre moyen convenu entre les parties de nature à rendre certaine la date de l’acceptation par l’emprunteur. La remise d’un écrit sous seing privé, comme une acceptation par voie électronique, ou dans un acte authentique, sont autant de formes valables.
– Délais entourant le maintien des conditions. – L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé. Les parties peuvent convenir d’un délai plus long. Ce sont autant de délais qui apportent de la souplesse à l’emprunteur lancé dans un projet d’achat. Les délais de vente sont parfois longs et nécessitent que la banque joue le jeu un certain temps.
– Souscription de plusieurs prêts. – Lorsque l’emprunteur informe ses prêteurs qu’il recourt à plusieurs prêts pour la même opération, chaque prêt est conclu sous la condition suspensive de l’octroi de chacun des autres prêts. Cette disposition ne s’applique qu’aux prêts dont le montant est supérieur à 10 % du crédit total.

Après la formation du contrat de prêt

– Renégociation. – La loi autorise et réglemente la renégociation du prêt, qui est bien utile lorsque les taux d’intérêt baissent. Si le prêteur l’accepte, les modifications au contrat de crédit initial sont apportées sous la forme d’un avenant établi sur papier ou sur un autre support durable. L’emprunteur dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la réception des informations sur le contenu de l’avenant visé par la loi. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de l’opérateur postal faisant foi, ou selon tout autre moyen convenu entre les parties de nature à rendre certaine la date de l’acceptation par l’emprunteur.
– Remboursement anticipé. – L’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus. La banque peut faire jouer, avec des limites, les contreparties suivantes qui sont habituellement prévues dans les offres de prêt :
  • le contrat de prêt peut interdire les remboursements égaux ou inférieurs à 10 % du montant initial du prêt, sauf s’il s’agit de son solde ;
  • le prêteur est en droit d’exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus. Elle ne peut excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement. Dans le cas où un contrat de crédit est assorti de taux d’intérêt différents selon les périodes de remboursement, l’indemnité peut être majorée de la somme permettant d’assurer au prêteur, sur la durée courue depuis l’origine, le taux moyen prévu lors de l’octroi du prêt.
Par contre, aucune indemnité de remboursement anticipé ne peut être réclamée à l’emprunteur dans les cas suivants :
  • en cas d’autorisation de découvert ;
  • si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d’un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement du crédit ;
  • si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n’est pas fixe.
– Négociation de délais de paiement. – Il arrive que l’emprunteur ne puisse plus rembourser les échéances de prêt et négocie un délai de paiement auprès de la banque. Cette dernière invoque rarement la clause de déchéance du terme pour non-paiement d’une échéance, insérée habituellement dans les contrats de prêt. Elle préfère, au moins pour un premier incident de paiement, accorder un délai, moyennant une majoration d’intérêt pendant le cours de ce délai de grâce. Le prêteur est autorisé à majorer de trois points maximum le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Il arrive même que ces délais de paiement soient contractualisés, et prennent la forme d’une option bénéficiant à l’emprunteur, à certaines conditions.
– Délai de grâce judiciaire. – L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection. Le terme « notamment » indique une certaine latitude dont dispose le juge dans l’appréciation du motif de la suspension (on imagine assez bien que la maladie ou le chômage, par exemple, peuvent constituer un motif de suspension). Le juge peut même déterminer les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension.
– Procédure de surendettement. – Lorsque la situation n’est plus tenable, et que les solutions intermédiaires évoquées ci-dessus ne suffisent pas (négociation avec la banque, délais de grâce), l’emprunteur peut faire l’objet d’une procédure de surendettement, pour tenter de faire face à la dette. Si le dossier est recevable et que la dette est remboursable, un plan conventionnel de redressement ou des mesures imposées peuvent être proposés à l’emprunteur. Si le dossier est recevable et que la dette est non remboursable, un rétablissement personnel (avec ou sans liquidation judiciaire) peut être proposé.
Le site www.servicepublic.fr donne les détails de la procédure à suivre pour déposer un dossier de surendettement :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N99">Lien

Le choix des garanties

– Choix de la banque. – Bien qu’il soit toujours possible de négocier, c’est la banque qui choisit les garanties du prêt qu’elle accorde. Elle se tourne généralement vers l’hypothèque (Sous-section I), ou vers un cautionnement (Sous-section II), les deux pouvant d’ailleurs être couplés. Elle impose souvent d’autres sortes de garanties destinées à minimiser les risques de défaillance (Sous-section III).

L’hypothèque

– Fonctionnement. – Qu’elle soit légale ou conventionnelle, l’hypothèque est une sûreté réelle permettant au créancier de bénéficier :
  • d’un droit de préférence qui s’analyse comme un avantage accordé à un créancier d’être payé sur le prix de vente, en priorité par rapport aux autres créanciers du débiteur, en cas de vente amiable ou judiciaire du bien immobilier grevé de l’hypothèque ;
  • d’un droit de suite, qui fait que le créancier pourra saisir un bien immobilier grevé de l’hypothèque, en quelque main qu’il se trouve, en cas d’aliénation de celui-ci, afin de se faire payer sa créance. Ce droit est opposable à tout tiers détenteur, indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi.
– Hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers (ancien privilège de prêteur de deniers). – Depuis le 1er janvier 2022, l’hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers, créée par l’ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021, est venue remplacer l’ancien privilège du prêteur de deniers. L’hypothèque légale prend désormais rang à compter de son inscription au fichier immobilier, comme toute hypothèque, quand le privilège de prêteur de deniers rétroagissait à compter de l’acte de prêt. Là est leur différence essentielle, car le mécanisme et les conditions à réunir restent identiques. Depuis cette réforme, il n’est donc plus possible pour le créancier titulaire d’une hypothèque légale spéciale de bénéficier d’un rang plus favorable à l’inscription intercalaire susceptible d’intervenir par exemple entre le jour de la signature de la vente et le jour du dépôt auprès du service de publicité foncière compétent de son bordereau d’inscription. Il en résulte, pour la banque, un déficit de sécurité auquel ne pourra parer que la diligence du notaire à formaliser l’inscription. Toutefois, la pratique a démontré que le cas d’une inscription intercalaire était, heureusement, assez rare.
– Avantages. – Il s’agit de la « sûreté reine en matière immobilière ». Elle a le mérite notamment :
  • de permettre au débiteur d’utiliser au mieux la valeur de son logement pour obtenir un ou plusieurs crédits, ce qui est d’autant plus perceptible lorsque les prix de l’immobilier augmentent ;
  • de pouvoir être transférée avec le prêt, en cas de revente du bien, ce que ne permet pas la caution ;
  • d’emporter un effet dissuasif par rapport aux autres garanties, dans la mesure où les droits de suite et de préférence rendraient pleinement efficace une saisie, sauf le jeu d’une procédure collective ;
  • d’être constatée et inscrite par le notaire, avec un formalisme à respecter, ce qui est gage de sécurité.

Le cautionnement

La sûreté est dite « personnelle » lorsqu’une personne s’engage à régler une dette en lieu et place d’une autre, ici l’emprunteur, en cas de défaillance.
– Cautionnement mutuel. – Lorsque le crédit porte sur un logement, la banque se tourne généralement vers une société de cautionnement, et ne recherche pas à engager un proche de l’emprunteur, en raison de l’efficacité attachée au mécanisme de mutualisation. L’emprunteur contribue à constituer un fonds de garantie, et la société s’oblige envers la banque à se substituer à l’emprunteur défaillant, dans les limites de ce fonds. Le risque est ainsi mutualisé au sein de cette société régie par les articles L. 515-4 à L. 515-12 et R. 515-1 du Code monétaire et financier.
– Avantages. – Garantie concurrente de l’hypothèque, ses défenseurs mettent généralement en avant :
  • la simplicité de la constitution de la garantie, qui n’a pas à respecter les règles du cautionnement personnel, jugées trop contraignantes ;
  • la rapidité du remboursement effectué par la société de cautionnement, en cas de défaillance de l’emprunteur ;
  • l’efficacité du remboursement, qui se fait sur la base d’une somme due, non sur la valeur actualisée de l’immeuble, sans concours avec d’autres créanciers, et sans contestation de la caution.

Concurrence des garanties

Si l’emprunteur est amené à choisir, il préférera généralement la garantie qui coûte le moins cher. Une idée reçue consiste à penser que l’hypothèque est dispendieuse, quand la caution est avantageuse et « récupérable » en fin de prêt. La récupération n’est pas totale si l’emprunteur a réglé une commission acquise définitivement à la société de caution, et accepté que sa participation finale au fonds de garantie dépende d’un taux de sinistre. Il est important de bien se faire conseiller, car la solution dépendra de chaque situation. À titre d’exemple, il sera parfois intéressant pour un emprunteur d’opter pour une hypothèque lorsque son projet n’est pas de vendre avant la fin du prêt, ce qui lui permettra d’économiser des frais de mainlevée.

Il faut ajouter que si au cours du prêt l’emprunteur a été momentanément défaillant dans ses remboursements, la société de caution aura à coup sûr fait inscrire sur le bien financé soit une hypothèque conventionnelle initialement promise, soit une hypothèque judiciaire. Dans un tel cas, les frais de mainlevée seront dus en sus de ceux de l’inscription forcée. La formule du cautionnement perd alors tout son intérêt.

Les autres garanties

Pour minimiser les risques de défaillance, la banque imposera le plus souvent d’autres garanties.
– Solidarité passive des emprunteurs. – Il s’agit du mécanisme permettant au prêteur de réclamer à chaque emprunteur la totalité de la dette à laquelle ils sont tous obligés. Le prêteur s’évite ainsi de diviser ses poursuites, à hauteur de la part de chaque codébiteur, et se préserve des différents retards de paiement imputables à chacun. La solidarité passive fait donc peser sur les codébiteurs solidaires l’insolvabilité de l’un d’entre eux, à charge pour le codébiteur solidaire qui a payé au-delà de sa part de former un recours contre le codébiteur défaillant à concurrence des sommes qui excèdent sa propre part.
– L’assurance-crédit. – Désireuse de s’assurer le remboursement du prêt, la banque impose le plus souvent une assurance emprunteur qui prendra en charge le paiement de tout ou partie des échéances de remboursement du crédit restant dû en cas de survenance de certains faits :
  • décès et perte totale et irréversible d’autonomie ;
  • invalidité permanente (totale ou partielle) et incapacité temporaire de travail (totale ou partielle) ;
  • éventuellement perte d’emploi.
L’adhésion à un contrat dit « assurance-groupe » n’est pas obligatoire. Bien qu’il soit généralement proposé par la banque, l’emprunteur peut également se tourner vers l’organisme d’assurance de son choix.
L’emprunteur n’ayant pas de contact direct avec l’assureur, la banque est tenue de lui remettre une notice d’information, de lui apporter un conseil personnalisé sur l’adéquation des risques couverts à sa situation particulière, la simple remise de la notice ne suffisant pas. Cette obligation de conseil s’étend à l’ensemble de la période de couverture par l’assurance.
– Les « sûretés négatives ». – Ces clauses issues de la pratique ne font pas l’objet d’une réglementation spécifique, à condition toutefois de ne pas être qualifiées de clauses abusives. La commission des clauses abusives envisage ce type de clauses dans une recommandation de 2004, qui peut influencer la décision du juge. Toute clause jugée abusive sera réputée non écrite. Nous donnerons quelques exemples de clauses :
  • clause pari passu : l’emprunteur s’engage envers le prêteur (la banque) à le faire bénéficier des mêmes garanties ou avantages qu’il pourrait accorder ultérieurement à d’autres prêteurs. Ainsi, tous les prêteurs seront traités sur un même plan d’égalité, sans aucune préférence ;
  • clause obligeant l’emprunteur à domicilier ses revenus auprès du prêteur, pendant la durée du prêt ;
  • clause imposant à l’emprunteur d’ouvrir un compte de dépôt à vue chez le prêteur et que ce dernier est autorisé de façon permanente à débiter le compte de l’emprunteur du montant des sommes exigibles.
Ces deux dernières clauses apparaissent abusives pour la commission des clauses abusives, si les obligations ne sont accompagnées d’aucune contrepartie individualisée au profit de l’emprunteur.