Le bail réel immobilier relatif au logement (Brilo) : un outil peu adapté

Le bail réel immobilier relatif au logement (Brilo) : un outil peu adapté

– Premier bail constitutif de droits réels dédié à l’accession à la propriété. – Le bail réel immobilier relatif au logement, dit « Brilo », est un contrat dédié à l’accession sociale à la propriété. Il tente de conjurer les inconvénients attachés aux baux emphytéotiques, baux à construction ou baux à réhabilitation. Il vise principalement à remédier aux difficultés suivantes : l’absence de prolongation par tacite reconduction, la liberté de cession du droit réel sans contrôle du propriétaire, l’impossibilité de stipuler des clauses restrictives du droit de propriété qui requalifient le bail ou sont réputées nulles.

Le Brilo, un contrat venu d’ailleurs ?

1. On a relevé l’analogie du bail réel immobilier avec certaines institutions connues de la common law :
  • le leasehold britannique, hérité de la féodalité, qui grève notamment les biens de la Couronne, mais qui tend à évoluer vers la pleine propriété avec la possibilité pour les leaseholders d’un immeuble, lorsqu’ils sont majoritaires, de « racheter » la propriété du landlord et de mettre en place un commonhold qui revient à une forme de copropriété ;
  • les community land trusts anglo-saxons qui confèrent une durée d’occupation illimitée du logement et un droit de cession. Ce système opère bien « une dissociation économique du foncier et du bâti et l’attribution d’un régime de propriété distinct au titulaire du droit sur le logement ».
2. Pour autant, l’ordre juridique français connaît de longue date des modèles assez similaires. La copropriété rend la propriété du sol collective. De même, les régimes juridiques différenciés pouvant être appliqués au sol et au sous-sol d’un terrain en vertu, par exemple, d’un contrat de fortage. Ou encore la division volumétrique, devenue courante, sans que cela ait la moindre influence sur la propriété du bâti ou du logement. L’exemple bien connu des baux des Hospices civils de Lyon, issus de clauses d’inaliénabilité insérées dans les legs immobiliers consentis historiquement à ces établissements, en est une autre illustration.
– « OJNU, objet juridique non utilisé ». – L’étude du Brilo, intéressante quant au concept, est néanmoins d’un intérêt pratique très relatif, le dispositif n’ayant fonctionné qu’une seule fois. S’exprimant sur le sujet, un auteur a même pu écrire que ce contrat avait rejoint « l’étagère des OJNU (objets juridiques non utilisés) ». Le Brilo endosse, cependant, une manière de paternité du bail réel solidaire (BRS), qui semble avoir été conçu tout à la fois sur son modèle, mais pour en corriger les défauts. Il est donc important d’étudier sa définition (Sous-section I), ses caractéristiques (Sous-section II) et les difficultés expliquant son insuccès (Sous-section III).

Définition du Brilo

Créé par l’ordonnance no 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire, inséré dans le Code de la construction et de l’habitation à la fin du titre V du livre II sur les baux constitutifs de droits réels, aux articles L. 254-1 et suivants, le fonctionnement du Brilo a été décrit dans le rapport du 112e Congrès des notaires de France et dans une documentation de référence. Il est défini à l’article L. 254-1 du Code de la construction et de l’habitation de la manière suivante : « Constitue un contrat dénommé “bail réel immobilier” le bail par lequel un propriétaire personne physique ou personne morale de droit privé consent, pour une longue durée, à un preneur, avec obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes, des droits réels en vue de la location ou de l’accession temporaire à la propriété de logements :
  • Destinés, pendant toute la durée du contrat, à être occupés, à titre de résidence principale, par des personnes physiques dont les ressources n’excèdent pas des plafonds, fixés par décret en fonction de la typologie du ménage, de la localisation et du mode d’occupation du logement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III ;
  • Dont, pendant toute la durée du contrat, le prix d’acquisition ou, pour les logements donnés en location, le loyer n’excède pas des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement, de son type et, le cas échéant, de son mode de financement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III ».

Caractéristiques du Brilo

Compte tenu des importantes ressources déjà citées, nous ne reviendrons pas en détail sur ce contrat, sinon pour rappeler quelques caractéristiques particulières, dont certaines ont été reprises lors de la conception du BRS :
  • son champ d’application est limité aux zones dites « tendues » dans lesquelles il existe un besoin d’offre de logements intermédiaires définis à l’article L. 302-16 du Code de la construction et de l’habitation ;
  • il ne peut être conclu que par des propriétaires privés et « les collectivités territoriales, leurs groupements, leurs établissements publics ainsi que par les établissements publics fonciers de l’État » ;
  • le logement sur lequel le preneur dispose d’un droit réel est destiné à sa résidence principale ou celle de son locataire ;
  • l’accès à ce mode particulier de propriété temporaire est possible sous condition de plafonds de ressources, de prix du logement et de loyers.

Problèmes posés par le Brilo, causes de son insuccès

– Principales difficultés. – Sans évoquer la fiscalité, qui n’a pas été adaptée pour inciter au développement du produit (alors qu’elle l’a été pour le BRS), les difficultés suscitées par la formule sont, à notre sens, au nombre de quatre. Premièrement, la complexité de l’évaluation de la propriété temporaire ; deuxièmement, l’importance de l’effort demandé au propriétaire foncier ; troisièmement, le caractère temporaire du droit conféré ; quatrièmement enfin, l’absence de prise en compte des logements réalisés en vertu d’un Brilo dans les quotas de logements sociaux fixés par la loi SRU et les servitudes de logement social instituées dans les PLU.
– La valorisation complexe de la propriété temporaire. – Conformément à l’article R. 254-5 du Code de la construction et de l’habitation, la valeur de la propriété temporaire doit être déterminée « en fonction de la durée du bail restant à courir et de la valeur locative du bien dans la limite du plafond maximum de loyer fixé par l’article 2 terdecies D de l’annexe III au code général des impôts ». L’accès à la formule est très complexe pour les non-initiés aux calculs financiers, autrement dit pour la quasi-totalité des accédants.

La valorisation de la propriété temporaire dans le Brilo : un exercice hors de portée de l’accédant

1. L’idée générale qui gouverne la valorisation de la propriété temporaire est de lui faire suivre les évolutions du marché. Elle prend donc en compte, ainsi qu’on va le voir, les valeurs locatives annuelles pour une année N. Comme l’indique un auteur : « Il s’agit de procéder en deux temps : d’abord, déterminer un taux de capitalisation induit fondé sur des données observées sur le marché libre ; ensuite, appliquer ce taux de capitalisation tel que déterminé dans un premier temps au loyer plafonné (CCH, art. R. 302-29) ».
2. L’article R. 254-5 du Code de la construction et de l’habitation énonce la formule suivante :
VN = VLN × (1-(1+tN)-n)
tN
3. Pour l’application de cette formule : VN est le plafond de la valeur des droits réels afférents aux logements l’année N en cours ; VLN est la valeur locative annuelle pour l’année N en cours. Elle est prise en compte dans la limite du plafond de loyer mensuel fixé pour l’année considérée par l’article 2 terdecies D de l’annexe III au Code général des impôts ; n est la durée résiduelle du bail restant à courir exprimée en année. Cette durée est évaluée par le nombre d’années restant à courir jusqu’à la fin du bail, à compter de la prochaine date anniversaire du bail suivant la date de la cession ; tN est le taux de capitalisation annuel défini pour l’année N en cours par une formule consultable en image dans le fac-similé du Journal officiel no 0150 du 29 juin 2016, texte no 48 à l’adresse suivante :
www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032791452">Lien.
Où la valeur du loyer annuel moyen au mètre carré pour l’année N en cours est la dernière valeur disponible auprès des observatoires locaux des loyers définis à l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour la zone considérée ; et la valeur de la vente moyenne au mètre carré pour l’année N en cours est la dernière valeur disponible portant sur les mutations d’immeubles d’habitation à titre onéreux, mises à disposition du public par le Conseil supérieur du notariat, en application du décret n° 2013-803 du 3 septembre 2013.
– L’effort demandé au propriétaire foncier. – Pour que le Brilo fonctionne, il faut encore que les propriétaires l’acceptent, au lieu de privilégier une formule plus rémunératrice, et moins bloquante pour l’avenir. Or ils perçoivent une redevance inférieure aux prix de marché. Et, compte tenu de la longue durée du bail, ils devront assumer cet écart pendant une durée de dix-huit à quatre-vingt-dix-neuf ans.
– Le caractère temporaire de la propriété de l’accédant. – Enfin, pour une grande majorité des accédants, renoncer dès l’origine et sans indemnité à la propriété en fin de Brilo pose un problème au moins autant psychologique que financier. Or, à la lettre même du texte, faute de mécanisme de rechargement, le bail finit par s’éteindre et « les constructions et améliorations réalisées par le preneur (…) deviennent la propriété du bailleur à son expiration ». Cette règle est d’ordre public : il n’est donc pas possible de prévoir un Brilo dit « inversé », permettant au preneur de devenir plein propriétaire. En outre, seule une stipulation expresse peut permettre au preneur de réclamer en fin de bail une indemnité au regard des améliorations qu’il a effectuées, mais il ne peut pas obtenir d’indemnisation au titre de son droit réel qui s’éteint.
Ces inconvénients ont été globalement réglés dans le cadre du bail réel solidaire que nous allons maintenant étudier.