La protection de l’emprunteur est assurée essentiellement à trois moments : avant (Sous-section I), pendant (Sous-section II) et après la formation du contrat de prêt (Sous-section III).
La protection de l’emprunteur
La protection de l’emprunteur
Avant la formation du contrat de prêt
– Obligations renforcées du prêteur. – L’ordonnance du 25 mars 2016 a voulu renforcer la prise de conscience par l’emprunteur de l’importance que revêt pour lui la conclusion d’un contrat de crédit immobilier. À ce titre, le prêteur doit fournir à l’emprunteur des explications adéquates, éventuellement lui proposer un service de conseil. Il doit le mettre en garde après avoir évalué sa solvabilité et éventuellement la valeur du bien immobilier.
– Devoir de mise en garde. – Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire pour lui des risques spécifiques. L’ordonnance s’est inspirée de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait déjà mis à la charge des prêteurs un devoir de mise en garde des « emprunteurs non avertis » contre les risques encourus. Elle avait caractérisé non seulement un devoir de mise en garde à la charge des établissements de crédit à l’égard de leurs clients emprunteurs, mais aussi un devoir de refus d’accorder un crédit à des emprunteurs déjà trop endettés. Étant donné les termes suffisamment clairs de la loi, il en résulte pour le prêteur une obligation de refuser un crédit à un emprunteur dont la situation laisse présager des difficultés de remboursement.
de remboursement.
– Examen de solvabilité. – Avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur doit procéder à une évaluation rigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur. Cette évaluation prend en compte de manière appropriée les facteurs pertinents permettant d’apprécier la capacité de l’emprunteur à remplir ses obligations définies par le contrat de crédit. Ces informations sont recueillies par le prêteur auprès de sources internes ou externes pertinentes. Ces éléments internes résulteront des déclarations faites par l’emprunteur et des documents qu’il pourra fournir à l’appui, ainsi des bulletins de salaire ou des déclarations fiscales. Les éléments externes résulteront des consultations que le prêteur pourra effectuer, par exemple sur le Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
– Explications adéquates. – Le prêteur doit fournir gratuitement à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière. Ces explications comprennent notamment :
- les informations contenues dans la fiche d’information standardisée européenne mentionnée à l’article L. 313-7 du Code de la consommation, ainsi que, pour les intermédiaires de crédit, les obligations d’information prévues en application de l’article L. 519-4-1 du Code monétaire et financier ;
- les principales caractéristiques du ou des crédits et services accessoires proposés ;
- les effets spécifiques que le ou les crédits et services accessoires proposés peuvent avoir sur l’emprunteur, y compris les conséquences d’un défaut de paiement de l’emprunteur, notamment en cas de réalisation des garanties. Lorsque la garantie est constituée par un cautionnement accordé par un organisme de cautionnement professionnel, le prêteur informe l’emprunteur de la nature, des bénéficiaires et des conditions dans lesquelles celle-ci peut être actionnée et des conséquences pour l’emprunteur ;
- s’agissant des éventuels services accessoires liés au contrat de crédit, l’indication de la possibilité ou non de résilier chaque composante séparément et les implications d’une telle procédure pour l’emprunteur.
Bien que la fiche standardisée puisse contenir un certain nombre d’informations, le prêteur a tout intérêt à se ménager la preuve de la délivrance de toutes les explications attendues de la loi, en fonction de la situation de chaque emprunteur.
N’étant pas garant de l’opportunité économique d’une opération pour laquelle il est requis, le notaire n’est pas soumis à un régime identique, mais n’est pas non plus dépourvu de toute responsabilité, comme on pourra le lire sur l’extension numérique du présent rapport.
Le notaire et l’opportunité économique de l’emprunt souscrit pour financer l’acquisition d’un logement
1. Contrairement au prêteur, la Cour de cassation considère que « le notaire [ n’est ], en principe, pas tenu à une obligation de conseil et de mise en garde en ce qui concerne l’opportunité économique de l’opération à laquelle il prête son concours ». La notion d’opportunité économique de l’acte, largement entendue par les tribunaux, concerne autant les résultats escomptés de l’opération sur un plan économique que les moyens de les atteindre. Ainsi le notaire n’a pas à s’assurer de la solvabilité financière des contractants ou du caractère équilibré de l’opération.
2. Ce principe comporte des exceptions. Lorsqu’il a connaissance de la situation catastrophique dans laquelle se trouve son client emprunteur, il doit en informer le prêteur. Plus généralement le notaire doit orienter les parties vers l’acte le plus approprié en fonction du champ contractuel économique, tel qu’il a été négocié entre les parties, et porté à sa connaissance. Ainsi, « s’il n’est pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant l’opportunité économique d’une opération en l’absence d’éléments d’appréciation qu’il n’a pas à rechercher, le notaire est, en revanche, tenu d’une telle obligation pour que les droits et obligations réciproques légalement contractés par les parties répondent aux finalités révélées de leur engagement, soient adaptés à leurs capacités ou facultés respectives et soient assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité, quand bien même leur engagement procéderait d’un accord antérieur, dès lors qu’au moment de l’authentification cet accord n’a pas produit tous ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable ».
– Lien étroit entre le crédit et la vente. – Bien qu’ils soient de nature différente et conclus entre des parties distinctes, le contrat de crédit et le contrat de vente sont étroitement liés, voire interdépendants. Pour preuve, la loi impose à l’essentiel des avant-contrats d’indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l’aide d’un ou plusieurs prêts immobiliers du Code de la consommation. La Cour de cassation n’exige pas pour autant que ce prêt y soit détaillé dans ses caractéristiques, et qu’y figurent les mentions du taux envisagé, la durée de remboursement et le montant maximum des échéances mensuelles. Lorsque l’avant-contrat indique que le prix sera payé sans l’aide d’un ou plusieurs prêts, cet acte porte, une mention par laquelle celui-ci reconnaît avoir été informé que s’il recourt néanmoins à un prêt, il ne pourra se prévaloir des dispositions protectrices de l’emprunteur immobilier du Code de la consommation. Cette mention est manuscrite lorsque l’avant-contrat revêt la forme sous seing privé. La Cour de cassation a admis que cette mention puisse figurer sur un document séparé, mais auquel l’acte se réfère. En l’absence de la mention prescrite par la loi ou si elle manque ou n’est pas de la main de l’acquéreur alors que l’avant-contrat est sous seing privé, et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l’article L. 313-41 du Code de la consommation.
– Condition suspensive de prêt. – Si l’acquéreur déclare recourir à un ou plusieurs prêts immobiliers du Code de la consommation, le contrat principal est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assurent le financement. Cette condition suspensive, qui est un enjeu déterminant pour bon nombre d’acquéreurs d’un logement, a fait couler beaucoup d’encre, comme le lecteur pourra le constater sur l’extension numérique du présent rapport.
Synthèse jurisprudentielle (non exhaustive) relative à la condition suspensives de l’article L. 313-41 du Code de la consommation
Les dispositions du Code de la consommation relatives à la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier ont été complétées par une abondante jurisprudence dont trois apports méritent d’être mis en exergue, tant ils sont, pour les rédacteurs d’avant-contrats, une indispensable source d’inspiration.
1.
Le caractère d’ordre public de la loi. Très souvent, les avant-contrats contiennent des obligations mises à la charge de l’acquéreur. Bien qu’elles puissent avoir des vertus pédagogiques, surtout pour l’acquéreur qui serait tenté de ne pas déposer un dossier de prêt dans un délai raisonnable, voire ne pas déposer de dossier du tout, elles ne doivent pas avoir pour but d’augmenter les exigences légales. La Cour de cassation a jugé qu’il ne pouvait être imposé aux acquéreurs des obligations contractuelles de nature à accroître les exigences résultant de la loi, notamment en les obligeant à déposer le dossier de crédit dans un certain délai (quinze jours dans le cas d’espèce). Ces exigences contractuelles s’articulent d’ailleurs mal avec la faculté qu’a un acquéreur de renoncer à une condition suspensive stipulée dans son intérêt. Par contre, une clause de déchéance du bénéfice de la condition suspensive pour défaut de présentation de la demande de prêt dans le délai d’un mois est valable car elle est égale à la durée légale de la condition suspensive, l’ordre public ne pouvant être troublé pendant ce minimum d’un mois ;
2. La renonciation ultérieure au bénéfice de la condition suspensive prévue au contrat. Une telle renonciation a été tout d’abord admise par la jurisprudence
, l’acquéreur conservant dans ce cas la possibilité de poursuivre l’exécution du contrat de vente en cas de refus de prêt ou en cas de silence de la banque. La loi a pris le relais lorsque la condition suspensive a été stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur. La Cour de cassation maintiendra peut-être sa jurisprudence en présence d’une condition suspensive stipulée dans l’intérêt des deux parties à la vente. Dans ce cas, la renonciation ne devrait être possible que par accord mutuel ;
3. La notion d’obtention du prêt. Elle a été assimilée à la délivrance d’une offre ferme, sans réserve, valant réalisation de la condition suspensive de prêt t. La jurisprudence a précisé qu’il appartient à l’acquéreur de prouver que la demande présentée à l’organisme de crédit était conforme aux caractéristiques prévues dans l’acte. Les parties auront intérêt à ce que le contrat soit clair sur ces caractéristiques (on pense en particulier au montant, à la durée et au taux du prêt). Si le contrat reste muet, son interprétation sera source de contentieux. La cour d’appel de Paris a reconnu à l’acquéreur sous condition suspensive le droit de refuser un prêt proposé dans des conditions exorbitantes. Cette même cour a estimé ultérieurement qu’une condition suspensive relative au financement d’une opération immobilière est irrégulière et nulle lorsqu’elle ne mentionne ni la durée du prêt ni le taux d’intérêt maximum.
Au moment de la formation du contrat de prêt
– Délai de réflexion de dix jours. – L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. En pratique, ils ne peuvent accepter l’offre que le onzième jour, au plus tôt, après l’avoir reçue. Ce délai est censé permettre à l’emprunteur de réfléchir, d’examiner les conditions de l’offre de prêt qui lui a été consentie, tout en les comparant éventuellement avec d’autres offres qui peuvent lui être proposées. Ce droit de réflexion s’exerce avant l’acceptation, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un droit de rétractation : l’acceptation de l’emprunteur ne peut intervenir avant le terme du délai, mais une fois intervenue, elle est irrévocable. La preuve du respect du délai peut se faire par tout moyen, mais elle est généralement préconstituée par les organismes prêteurs, qui font signer par l’emprunteur un document faisant foi de la date de remise de l’offre et aussi de l’acceptation, lorsque cette offre est sur support écrit. Si l’offre est formulée sur un support électronique, l’accusé de réception peut être conservé sur l’espace client auquel les parties ont accès. Notons enfin que l’emprunteur ne peut raccourcir ce délai de réflexion, voire y renoncer.
– Forme de l’acceptation. – L’acceptation est donnée par lettre, le cachet de l’opérateur postal faisant foi, ou selon tout autre moyen convenu entre les parties de nature à rendre certaine la date de l’acceptation par l’emprunteur. La remise d’un écrit sous seing privé, comme une acceptation par voie électronique, ou dans un acte authentique, sont autant de formes valables.
– Délais entourant le maintien des conditions. – L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé. Les parties peuvent convenir d’un délai plus long. Ce sont autant de délais qui apportent de la souplesse à l’emprunteur lancé dans un projet d’achat. Les délais de vente sont parfois longs et nécessitent que la banque joue le jeu un certain temps.
– Souscription de plusieurs prêts. – Lorsque l’emprunteur informe ses prêteurs qu’il recourt à plusieurs prêts pour la même opération, chaque prêt est conclu sous la condition suspensive de l’octroi de chacun des autres prêts. Cette disposition ne s’applique qu’aux prêts dont le montant est supérieur à 10 % du crédit total.
Après la formation du contrat de prêt
– Renégociation. – La loi autorise et réglemente la renégociation du prêt, qui est bien utile lorsque les taux d’intérêt baissent. Si le prêteur l’accepte, les modifications au contrat de crédit initial sont apportées sous la forme d’un avenant établi sur papier ou sur un autre support durable. L’emprunteur dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la réception des informations sur le contenu de l’avenant visé par la loi. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de l’opérateur postal faisant foi, ou selon tout autre moyen convenu entre les parties de nature à rendre certaine la date de l’acceptation par l’emprunteur.
– Remboursement anticipé. – L’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus. La banque peut faire jouer, avec des limites, les contreparties suivantes qui sont habituellement prévues dans les offres de prêt :
- le contrat de prêt peut interdire les remboursements égaux ou inférieurs à 10 % du montant initial du prêt, sauf s’il s’agit de son solde ;
- le prêteur est en droit d’exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus. Elle ne peut excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement. Dans le cas où un contrat de crédit est assorti de taux d’intérêt différents selon les périodes de remboursement, l’indemnité peut être majorée de la somme permettant d’assurer au prêteur, sur la durée courue depuis l’origine, le taux moyen prévu lors de l’octroi du prêt.
Par contre, aucune indemnité de remboursement anticipé ne peut être réclamée à l’emprunteur dans les cas suivants :
- en cas d’autorisation de découvert ;
- si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d’un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement du crédit ;
- si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n’est pas fixe.
– Négociation de délais de paiement. – Il arrive que l’emprunteur ne puisse plus rembourser les échéances de prêt et négocie un délai de paiement auprès de la banque. Cette dernière invoque rarement la clause de déchéance du terme pour non-paiement d’une échéance, insérée habituellement dans les contrats de prêt. Elle préfère, au moins pour un premier incident de paiement, accorder un délai, moyennant une majoration d’intérêt pendant le cours de ce délai de grâce. Le prêteur est autorisé à majorer de trois points maximum le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Il arrive même que ces délais de paiement soient contractualisés, et prennent la forme d’une option bénéficiant à l’emprunteur, à certaines conditions.
– Délai de grâce judiciaire. – L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection. Le terme « notamment » indique une certaine latitude dont dispose le juge dans l’appréciation du motif de la suspension (on imagine assez bien que la maladie ou le chômage, par exemple, peuvent constituer un motif de suspension). Le juge peut même déterminer les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension.
– Procédure de surendettement. – Lorsque la situation n’est plus tenable, et que les solutions intermédiaires évoquées ci-dessus ne suffisent pas (négociation avec la banque, délais de grâce), l’emprunteur peut faire l’objet d’une procédure de surendettement, pour tenter de faire face à la dette. Si le dossier est recevable et que la dette est remboursable, un plan conventionnel de redressement ou des mesures imposées peuvent être proposés à l’emprunteur. Si le dossier est recevable et que la dette est non remboursable, un rétablissement personnel (avec ou sans liquidation judiciaire) peut être proposé.
Le site www.servicepublic.fr donne les détails de la procédure à suivre pour déposer un dossier de surendettement :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N99">Lien