La loi Elan de 2018 : le retour à un certain pragmatisme

La loi Elan de 2018 : le retour à un certain pragmatisme

Chacun convient que la loi Handicap de 2005 brille par son ambition. Mais dès l'origine, nombreux furent ceux qui rappelèrent, à son propos, le dicton bien connu : « qui trop embrasse, mal étreint ». Devant l'impossibilité de respecter l'échéance du 1er janvier 2015, la loi Elan de 2018 apporte une modération que d'aucuns considèrent comme un recul coupable, tandis que d'autres y voient un retour bienvenu au réalisme.

De la loi Handicap à la loi Elan, histoire contemporaine de l'accessibilité

  • Si la première Conférence nationale sur le handicap, organisée le 10 juin 2008, fut l'occasion pour le chef de l'État de l'époque (Nicolas Sarkozy) de réaffirmer la volonté de tenir les objectifs de la loi votée trois ans plus tôt, et d'annoncer un ensemble de mesures tenant compte des conclusions du comité de suivi de la loi du 11 février 2005, les commentaires du monde associatif pointèrent rapidement l'insuffisance des progressions, et le firent savoir, entre autres à l'occasion de la deuxième Conférence tenue le 8 juin 2011.
  • Face aux nombreuses difficultés de mise en œuvre, et pour répondre au besoin de données statistiques, un Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (Obiacu) est créé par décret no 2010-124 du 9 février 2010, et placé auprès du Premier ministre. Il est chargé d'évaluer l'accessibilité et la convenance d'usage des bâtiments d'habitation, des ERP, des lieux de travail, de la voirie, des espaces publics, des moyens de transport et des nouvelles technologies. Il doit étudier les conditions d'accès aux services publics et au logement, et recenser les progrès réalisés en la matière. Il doit également identifier et signaler les obstacles à la mise en œuvre des dispositions de la loi du 11 février 2005. À ces fins, l'Obiacu doit élaborer chaque année un rapport dressant le bilan de l'évolution de l'accessibilité en France, analysant l'état d'avancement de la mise en œuvre de la loi, et formulant les préconisations qui lui paraissent nécessaires.
  • Par ailleurs, des journées territoriales de l'accessibilité sont organisées dans tous les départements afin de dresser un état de l'accessibilité du territoire. Le bilan de ces journées met en évidence des disparités territoriales dans la réalisation des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (Pave). Un des constats partagés est la méconnaissance alarmante dont la loi de 2005 fait encore l'objet, notamment auprès des petites collectivités locales, et ce à mi-parcours de la trajectoire fixée pour atteindre la date butoir.
  • Saisi fin 2009 par quatre associations de personnes handicapées, le Conseil d'État annule dans sa décision du 1er juin 2011 les possibilités de dérogation qu'avait instaurées l'article 1er du décret no 2009-127 du 21 octobre 2009 relatif à l'accessibilité dans un bâtiment neuf ou dans la partie neuve d'un bâtiment existant « en cas d'impossibilité technique résultant de l'environnement du bâtiment ». La Haute Cour note en particulier que « le législateur n'a pas entendu permettre au pouvoir réglementaire d'ouvrir des possibilités de dérogations aux règles relatives à l'accessibilité en ce qui concerne un bâtiment neuf ou la partie neuve d'un bâtiment ».
  • La pression monte en septembre 2012, lorsqu'une mission conjointe menée par le Conseil général de l'environnement et du développement durable, l'Inspection générale des affaires sociales et le Contrôle général économique et financier, conclut que l'échéance du 1er janvier 2015 pour la mise en conformité des établissements recevant du public aux normes d'accessibilité ne sera pas tenue.
  • Le temps de commander encore, non sans une légère once de panique face à l'inflexibilité des rouages du temps, deux rapports sur la situation à l'occasion du Comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre 2013, et le législateur, confronté à la cruauté de l'aveu, se souvient du message jurisprudentiel de 2011. Voulant se donner les moyens d'agir dans les meilleurs délais, la loi du 10 juillet 2014 habilite le gouvernement à rapidement adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité.
  • Prise en application de cette loi d'habilitation, l'ordonnance du 26 septembre 2014 ne peut que prendre acte de l'impossibilité de respecter l'échéance du 1er janvier 2015. Elle simplifie et explicite les normes d'accessibilité, et prévoit la mise en place d'un dispositif d'échéanciers pour les ERP : les Agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP). Documents de programmation financière des travaux d'accessibilité, ils constituent un engagement des acteurs publics et privés qui ne sont pas en conformité avec la loi, à réaliser les travaux requis dans un calendrier précis. Cependant, le dispositif législatif issu de la loi du 11 février 2005 demeure, en sorte que le non-respect de l'échéance du 1er janvier 2015, sauf dérogation validée, reste passible de sanctions pénales, les Ad'Ap étant en principe un dispositif d'exception.
  • Seule peut remédier à cette anomalie une intervention législative ; elle attendra trois ans, prenant finalement corps dans la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite « loi Elan »).

Principes nouveaux mais maintien d'une trajectoire

Requiem pour un objectif. – L'article 64 de la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite « loi Elan »), abandonne le fameux objectif de 100 % de logements collectifs neufs conformes aux normes d'accessibilité. Elle limite désormais l'obligation d'accessibilité à 20 % de ces mêmes logements (ceux situés en rez-de-chaussée ou desservis par un ascenseur) et impose qu'en toute hypothèse au moins un logement réponde à la norme, a minima. Le reste de ces logements doit seulement être évolutif.
– Naissance du logement évolutif. – Cette notion de logement évolutif est au cœur du nouveau dispositif. La définition d'un logement évolutif figure à l'article L. 111-7-1 du Code de la construction et de l'habitation : « La conception des logements évolutifs doit permettre la redistribution des volumes pour garantir l'accessibilité ultérieure de l'unité de vie, à l'issue de travaux simples ». Le décret du 11 avril 2019 précise le concept en modifiant l'article R. 111-19-2 du même code. Un logement est qualifié d'évolutif lorsqu'il répond à deux paramètres cumulatifs :
  • une personne en fauteuil roulant peut y accéder, circuler dans le séjour et utiliser le cabinet d'aisances ;
  • il peut atteindre les normes d'accessibilité réglementaires par la réalisation de travaux simples, c'est-à-dire sans incidence sur les éléments de structure et certains réseaux encastrés en cloisons.

La notion de travaux « simples » permettant à un logement de satisfaire aux normes d'accessibilité

Ces travaux simples doivent :
  • être sans incidence sur les éléments de structure ;
  • ne pas nécessiter une intervention sur les alimentations en fluide et sur les réseaux aérauliques situés à l'intérieur des gaines techniques appartenant aux parties communes du bâtiment ;
  • ne pas intégrer de modifications sur les canalisations d'alimentation en eau, d'évacuation d'eau et d'alimentation de gaz nécessitant une intervention sur les éléments de structure ;
  • ne pas porter sur les entrées d'air ;
  • ne pas conduire au déplacement du tableau électrique du logement.
– Une inflexion critiquée… – Cette inflexion du principe d'universalité initial, troqué contre ce qui est parfois vécu comme une politique de quotas, a été et demeure critiquée de manière virulente par de nombreux acteurs du domaine du handicap. On lui a reproché, notamment, d'user de notions trop générales, floues, ambiguës ou invérifiables. Et, de fait, où commencent et où s'arrêtent les « travaux simples » ? Un autre point de crispation concerne la charge de ces travaux, faisant passer le logement d'« évolutif » à « accessible ». Cela pose plusieurs problèmes. D'abord, un grand risque de discrimination à la location. En effet, un propriétaire privé acceptera-t-il de louer son logement à une personne en situation de handicap ou à une personne âgée si cela implique que son appartement soit transformé ? Et si un citoyen en situation de handicap sollicite la MDPH ou l'Anah, il lui faut en moyenne attendre six à dix-huit mois pour obtenir une réponse. Il sera donc privé d'un logement correspondant à ses besoins, au moins pour quelques mois supplémentaires.
– … mais constitutionnellement validée. – C'est notamment sur ce fondement, suspect d'inconstitutionnalité, que la loi Elan fut déférée au Conseil constitutionnel. Les requérants considéraient en effet que du fait de la nouvelle réglementation, les normes d'accessibilité ne concerneraient plus, en pratique, que 8 % au mieux des logements neufs ; régression non compensée selon eux par la création d'une nouvelle typologie de logements dits « évolutifs ». D'une part, le nouveau dispositif risquait donc de conduire à des discriminations par les bailleurs dans le choix des locataires, au détriment des personnes pour lesquelles des travaux seraient rendus nécessaires. Et, d'autre part, la loi serait entachée d'un manque de lisibilité et de prévisibilité, en raison de l'absence de toute définition de ces « travaux simples » : l'interprétation d'une notion trop floue pouvant varier et conduire à une accessibilité des bâtiments à géométrie variable, contraire au principe d'égalité. Par décision du 15 novembre 2018 le Conseil constitutionnel écarta ces griefs, précisant notamment que « le législateur, qui a entendu maintenir l'accessibilité des personnes handicapées aux logements situés dans les bâtiments neufs tout en assurant l'adaptation de ces logements pour prendre en compte la diversité et l'évolution des besoins des individus et des familles, a retenu des critères qui ne sont pas manifestement inappropriés au but poursuivi ». Pourtant, les réprobations continuent, pour des motifs constants.

La loi Elan du 23 novembre 2018 : Noël avant l'heure pour le du bâtiment ?

Beaview, un magazine en ligne consacré aux thèmes du handicap et se réclamant d'une « ligne éditoriale non-validiste », publiait en janvier 2020 un article fort hostile considérant que les pouvoirs publics avaient, avec la loi Elan, cédé aux « exigences des lobbies du bâtiment ».
Morceaux choisis :
« (...) L'autre grande nouveauté de cette loi Elan concerne les 80 % de logements (au rez-de-chaussée ou desservis par un ascenseur) restants. Désormais, ces logements devront être “évolutifs”, c'est-à-dire un logement dans lequel une personne en situation de handicap peut circuler dans le séjour et les toilettes.
Par ailleurs, la loi Elan prévoit “la mise en accessibilité des pièces composant l'unité de vie du logement est réalisable ultérieurement par des travaux simples”. Le logement “évolutif” pourrait donc devenir “accessible” par des “travaux simples”. Les textes réglementaires (décrets et arrêtés), rendus au cours de l'année 2019, ont précisé ce qu'étaient des travaux simples, en érigeant quelques critères, comme ne pas toucher aux éléments de structure, aux alimentations en fluide ou aux canalisations.
Ce sont des critères évidents mais ils ne garantissent pas que les travaux seront simples. Si, pour agrandir une salle de bain, il faut abattre une cloison, détruire le placard qui se trouvait derrière, remettre à niveau… Les critères seront respectés mais cela ne se réglera pas en 48 heures et coûtera cher”, assure Christian François, ancien membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées, contacté par Beaview. Pour lui, il aurait même été préférable de revenir à la loi de 1975, qui prévoyait que tous les logements soient “adaptables”, avec des travaux simples, décrits de manière beaucoup plus précise par un arrêté de 1980.
Cette notion de “travaux simples” pose problème. Comme expliqué plus haut, un logement “accessible” n'est pas un logement adapté mais adaptable… Et ce par la tenue de travaux simples. Or, la loi Elan nous dit qu'un logement évolutif peut devenir accessible, également par des travaux simples. Si tel était vraiment le cas, alors pourquoi ne pas être resté sur le principe de l'accessibilité ?
(...)
“Pour résumer, la loi Elan entraînera des difficultés de logement pour les personnes handicapées et les personnes âgées, alors que la pénurie de logements accessibles est déjà criante, et d'importants risques de discriminations sont à prévoir. De plus, la loi Elan va engendrer de fortes dépenses du contribuable. D'abord via le financement de travaux pour les logements évolutifs mais aussi en finançant ou en subventionnant des structures d'hébergement, comme celles citées plus haut, ou encore les habitats inclusifs, nouveau concept d'hébergements collectifs à destination des personnes âgées ou handicapées, que le gouvernement et certaines associations souhaitent développer.” (certaines associations prônant une position “anti-validiste” comme le CLHEE semblent en effet opposées au placement de personnes handicapées dans des établissements ou des habitats partagés) ».

Situation antérieure et nouveaux apports

La loi Elan mérite-t-elle tant de blâmes ? Le texte de 2018 remédie à certaines difficultés constatées par le passé (A) ; il apporte dès à présent des compléments bienvenus (B), et, à certains égards, il pourrait préparer un avenir moins sombre que celui qui, parfois, a été annoncé (C).

Le passé : points faibles du dispositif antérieur

Deux principaux points faibles ont été identifiés par le passé.
– L'accessibilité universelle, un mythe. – Le nouveau « prisme » issu de la loi Elan mérite-t-il, à ce point, le blâme ? Pour répondre à cette question, il nous paraît nécessaire de rappeler, comme l'ont admis les détracteurs de la réforme eux-mêmes, que « le 100 % accessible n'a, en fait, jamais existé ». L'obligation d'accessibilité ne concernait que les logements situés en rez-de-chaussée ou desservis par un ascenseur. D'après les associations œuvrant dans le secteur du handicap, cela ne recouvrait en pratique que 40 % de l'ensemble des logements construits depuis 2005. D'où l'hostilité redoublée à l'encontre d'un quota passant de 100 à 20 % des logements concernés, ceux-ci n'étant donc eux-mêmes constitutifs que d'une minorité de 40 % de l'ensemble des logements neufs. Partant de ce constat, sur quels paramètres la loi Elan a-t-elle voulu agir ?
– La copropriété, un obstacle. – En effet, en vue d'effectuer des travaux ou des aménagements sur les parties communes, il est impératif d'avoir l'autorisation de l'assemblée des copropriétaires. Celle-ci est accordée à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés, à l'occasion d'une assemblée générale (L. no 65-557, 10 juill. 1965, art. 24). Si l'assemblée refuse à un copropriétaire d'effectuer des travaux d'amélioration touchant aux parties communes, seul le juge (tribunal judiciaire), saisi dans les deux mois de la notification du procès-verbal de l'assemblée, pourra trancher (L. 10 juill. 1965, art. 30). Malgré la facilitation des travaux d'accessibilité instaurée par la loi no 2003-590 du 2 juillet 2003, soumettant ces travaux à la majorité de l'article 24, la difficulté restait prégnante. Les demandes formulées en ce sens se heurtaient trop fréquemment à un refus de l'assemblée générale, pour des motifs aux fondements variables.

Le présent : apports de la loi nouvelle

La généralisation des ascenseurs

Premier levier de la réforme, généraliser la desserte des appartements en étage par un ascenseur. En vertu du décret du 11 avril 2019, la présence d'un ascenseur devient obligatoire dans les bâtiments d'habitation collectifs neufs dès qu'il y a plus de deux étages comportant des logements au-dessus ou au-dessous du rez-de-chaussée. Mathématiquement, si le nombre de logements desservis par un ascenseur augmente, le nombre d'appartements concernés par la norme d'accessibilité suivra la même progression. On peut y voir une forme de compensation de l'abaissement à 20 % du seuil de l'obligation d'accessibilité.

La simplification des règles applicables en copropriété

– Une inversion du principe traditionnel. – Second levier de la réforme, la loi, non sans une certaine audace, inverse le principe ordinairement applicable en copropriété. Depuis le 31 décembre 2020, tout copropriétaire peut envisager de faire réaliser, à ses frais exclusifs, des travaux d'accessibilité des logements aux personnes handicapées, qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble (rampe d'accès, monte-escalier, ascenseur, garde-corps…), sans avoir à y être autorisé préalablement par l'assemblée générale des copropriétaires. Il lui suffit, à cet effet, de notifier au syndic une demande d'inscription de cette information à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d'un descriptif détaillé des travaux envisagés. Ainsi informée, l'assemblée générale ne peut s'opposer à la réalisation des travaux que par une décision motivée, prise à la majorité des voix de l'ensemble des copropriétaires, en alléguant une atteinte à la structure de l'immeuble, à ses éléments d'équipements essentiels, ou à sa destination .

Travaux d'accessibilité sur parties communes : une information précisément définie

Le contenu du descriptif des travaux d'accessibilité affectant les parties communes d'un immeuble en copropriété est précisément défini : il doit comprendre tous les éléments nécessaires à la compréhension des travaux, par exemple des plans, graphiques ou photographies. Devront y être détaillés la nature, l'implantation, la durée et les conditions d'exécution des travaux envisagés, ainsi que les éléments essentiels de l'équipement ou de l'ouvrage, tels que les marques, modèles, notices, garanties et documents relatifs à l'utilisation et à l'entretien. Le document est assorti d'un plan technique d'intervention, et, le cas échéant, d'un schéma de raccordement électrique. À défaut de fournir ces données au syndic, le point d'information notifié par le copropriétaire n'est pas inscrit à l'ordre du jour, et le droit d'opposition de l'assemblée générale s'en trouvera non purgé.
– Un rempart contre l'immobilisme. – Pour pallier l'immobilisme parfois rencontré chez certains syndics, une disposition particulière vient compléter les précédentes. Si la requête présentée par le copropriétaire qui projette des travaux d'accessibilité n'a pas été inscrite par le syndic à l'ordre du jour, aucune opposition aux travaux n'est plus recevable, et le demandeur peut y procéder.

Point d'attention : rappel du droit commun de la copropriété

Même lorsque l'assemblée générale décide de ne pas s'y opposer, il est prudent pour le copropriétaire demandeur ne pas commencer les travaux d'accessibilité souhaités avant l'expiration du délai ordinaire de contestation, ouvert pendant les deux mois suivant la notification de son procès-verbal aux copropriétaires absents ou opposants.

Un volet financier complémentaire

– Rappels. – Côté financement, rappelons ici que la prestation de compensation du handicap (PCH) ne peut pas être attribuée pour d'autres travaux que ceux portant sur la résidence principale de l'allocataire : elle ne pourra donc pas être sollicitée pour contribuer au budget de travaux affectant les parties communes d'une copropriété, même si elles sont liées au handicap d'un des occupants. En revanche, le crédit d'impôt organisé à l'article 200 quater A du Code général des impôts que nous avons examiné précédemment (V. supra, nos et s.) est ici éligible, toutes conditions remplies par ailleurs.
– Nouveautés. – Sur ce plan des aides financières, la loi Elan aménage certaines ressources nouvelles, même si ce n'est certes pas comparable aux importants volets financiers ayant essaimé dans le sillage de la loi Handicap, et du droit à compensation qu'elle avait institutionnalisé. À titre d'exemple, citons la création d'un forfait pour le financement du projet de vie sociale et partagée, mis en œuvre dans le cadre de projets d'habitat inclusif. Remplaçant l'aide spécifique forfaitaire qui finançait des projets expérimentaux d'habitat inclusif en 2017 et 2018, ce nouveau dispositif, dit « Forfait habitat inclusif » (FHI), a vu sa cible élargie aux personnes âgées en perte d'autonomie et aux personnes en situation de handicap.

L'avenir : un élan vers l'habitat de demain

Un élan vers l'habitat inclusif

L'article 129 de la loi Elan donne une impulsion à l'habitat inclusif, non seulement en lui procurant une existence légale, mais aussi en promouvant son développement grâce à la création du « Forfait habitat inclusif », financé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette notion a été abordée plus haut.

Le logement évolutif : une notion ancienne à l'intérêt renouvelé

– Un concept théorique aux applications ténues. – Organiser juridiquement n'est pas créer. Le concept de logement évolutif (ou modulaire) n'est pas une invention du législateur de 2018, loin s'en faut. Il était connu, quoique faiblement expérimenté, depuis le début du XX e siècle, fruit des avancées technologiques des procédés de construction, de l'apparition d'une construction de masse et de la standardisation des logements. Le concept est sous-tendu par l'idée que le logement peut et doit évoluer pour s'adapter aux besoins de ses occupants.

Le logement évolutif, un élan vers l'Habitat

Les travaux éclairants du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) sur le logement évolutif méritent d'être cités ici.
L'idée générale qui sous-tend la notion de logement évolutif est que le logement peut et doit évoluer pour s'adapter aux besoins de ses occupants. Cette évolution peut se manifester de deux manières :
  • modifications de l'aménagement interne du logement. La modularité désigne alors l'aménagement temporaire, et la flexibilité parle des changements plus durables ;
  • évolutions liées à la surface du logement, répondant à la sous-notion d'élasticité, par l'addition ou la soustraction d'espaces de réserve, d'annexes ou encore de pièces d'un appartement à un autre.
Le tout vise, au-delà des aspects techniques, les moyens de placer l'occupant au centre de la question du logement, ou encore de faire en sorte que l'habitant soit acteur de son logement, par une participation dès la phase de conception et en lui offrant la possibilité de l'adapter et de le personnaliser en fonction de ses besoins pendant toute la phase d'occupation, qui pourra durer des décennies, et parfois toute une vie.
– Un intérêt renouvelé. – Nous rejoignons le thème principal de notre réflexion : la pérennité du logement. L'exploration de cette thématique de l'évolutivité du logement ouvre de nouvelles et vastes perspectives face aux transformations observables et prévisibles des modes de vie. Sur ce point, la réflexion dépasse le seul domaine juridique ; elle suppose l'appropriation du concept par les acteurs de la construction : architectes, urbanistes, promoteurs, entreprises du BTP.
Pour une approche plus détaillée des études et perspectives du Cerema sur le logement évolutif :
– Un enjeu sociétal… parmi d'autres. – Même s'il n'est encore qu'à l'état d'intuition, le logement évolutif peut, par essence, répondre à de multiples besoins. Et pas seulement à ceux de l'adaptabilité du logement au handicap ou aux exigences de l'âge de son occupant. Il pourrait également être utile en d'autres circonstances produisant des conséquences majeures dans nos façons de nous loger : recomposition familiale, décohabitation tardive des jeunes générations, simili-exode urbain, télétravail, etc. Nous voici parvenus au stade où les enjeux sociétaux du logement ne sont plus seulement ceux inhérents à sa structure matérielle objective, mais ceux découlant du comportement social nouveau des sujets qui l'occupent.

Les solutions d'effet équivalent

Les articles 3 et 4 du décret no 2015-1770 du 24 décembre 2015 indiquent que des solutions d'effet équivalent aux dispositions techniques réglementaires sont admises dès lors qu'elles satisfont aux mêmes objectifs. Il s'agit là d'une souplesse accordée aux modalités de mise en œuvre des dispositions techniques d'accessibilité telles que précisées par l'arrêté du 24 décembre 2015, afin de laisser une porte ouverte à l'innovation technique, sans soumettre la quête de l'accessibilité optimale au péril mortel de l'immobilisme. Cependant l'objectif et la qualité d'usage recherchés restent identiques. Il ne s'agit donc en aucun cas d'une dérogation.
L'introduction des solutions d'effet équivalent a pour but de permettre au maître d'œuvre de proposer d'autres moyens (techniques ou technologiques) pour répondre à l'objectif d'accessibilité, et ainsi de laisser une féconde souplesse se déployer autour des modalités de mise en œuvre des dispositions techniques d'accessibilité, telles que précisées à l'origine par l'arrêté. Mais à condition que le résultat soit équivalent.
Les objectifs de résultat et de moyens demeurent, afin d'éviter toute dérive, et précisément de garantir le principe d'équivalence.
À cette fin, une ordonnance publiée le 31 octobre 2018 – la première prise sur le fondement de l'article 49 de la loi Essoc –, permet la mise en œuvre de solutions techniques présentant des résultats équivalents aux règles de construction prévues par le Code de la construction de l'habitation (CCH) dans certains domaines. Pour prouver cette équivalence, le maître d'ouvrage doit recourir aux services d'un organisme compétent, indépendant et agissant avec impartialité.
Le décret d'application de cette première ordonnance a été publié le 12 mars 2019.