Conséquence pratique : différence de traitement entre enfants communs et non communs

Conséquence pratique : différence de traitement entre enfants communs et non communs

– Délai pour agir en réduction. – Rappelons que lorsque toutes les conditions prévues à l'article 1078 du Code civil sont remplies, les valeurs des lots sont gelées à la date de l'acte. C'est là un des principaux gains de sécurité de la donation-partage. Mais, à cet égard, les enfants et les beaux-enfants ne sont pas tous logés à la même enseigne. En effet, les enfants communs allotis au moyen d'une telle donation-partage, puisqu'il s'agit à leur égard d'une donation-partage conjonctive, ne pourront agir en réduction qu'après le décès du dernier des donateurs, et dans un délai de cinq ans maximum après cette date. Alors que le ou les enfants non communs, dont la loi réserve immédiatement le cas particulier, pourront intenter une telle action dès le décès de leur auteur. Les armes ne sont donc pas tout à fait égales ; et plus encore, leur distribution a ceci d'amer qu'elle est purement aléatoire : selon l'ordre des décès, les enfants ou les beaux-enfants se trouveront avantagés ou entravés sur ce point, ce qui peut être lourd de conséquences.

Donation-partage : les beaux-enfants ne jouent pas à armes égales !

  • Posons l'hypothèse, en pratique des plus fréquentes, dans laquelle les donateurs ont disposé, en faveur de tous leurs enfants, de leur logement (en nue-propriété le plus souvent). Ce logement constitue l'essentiel de leur patrimoine et donc de leur future succession. Considérons que ce logement a été attribué à l'un des donataires, à charge de soulte au profit des autres. Voici l'enfant commun sommé de rester l'arme au pied au premier décès, tenu de patienter jusqu'au décès de son dernier parent. Cet enfant, inapte à réagir à d'éventuelles atteintes à sa réserve, peut néanmoins être tenu de supporter les actions intentées par le ou les enfants issus du seul prémourant, et ce alors même qu'il avait assumé le paiement d'une soulte !
  • De la même manière, songeons aux effets d'une donation-partage construite dans ce cadre, et portant sur des numéraires attribués à chaque descendant, à charge de les utiliser au financement de son logement, qu'il s'agisse de l'acquérir, de le bâtir, ou de le rénover plus ou moins lourdement (au gré notamment de toutes les normes environnementales). L'inflation plus ou moins prononcée des valeurs des biens objets de ces emplois de fonds pourrait accroître les risques d'actions en réduction dont les déclenchements ne seront pas simultanés.
– Faut-il légiférer à nouveau ? – On ne peut proposer que tous les enfants aient la faculté d'agir en réduction dès le premier décès. Ce serait ouvrir à certains une action en réduction relative à une succession… à laquelle ils ne sont pas appelés ! Faut-il, au contraire, différer cette possibilité d'action au dernier décès pour tous les enfants participant à la donation-partage ? Ce serait faire courir un risque d'insolvabilité aux enfants du prémourant, qui peuvent être créanciers d'une indemnité de réduction. Ne pourrait-on, dès lors, laisser la liberté (et donc la responsabilité) aux disposants d'en décider par une clause de la donation-partage, si telle est leur volonté, après avoir été dûment éclairés ? La démarche serait comparable à ce qui est permis au sein des couples recomposés qui, dans le mariage, souhaitent se léguer un usufruit posthume y compris sur la part réservée aux enfants : vocation que, pour des motifs analogues de sensibilité des arbitrages personnels, l'article 757 du Code civil ne s'arroge pas le rôle de leur octroyer d'office.