Champ d’application

Champ d’application

L’article 10-I, alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1975 définit le champ d’application du droit de préemption en distinguant ses bénéficiaires (§ I) des opérations concernées (§ II).

Les bénéficiaires du droit de préemption

– Qualité des bénéficiaires. – L’article 10, I de la loi du 31 décembre 1975 réserve le droit de préemption à « chacun des locataires ou occupants de bonne foi ». Le bénéficiaire du droit de préemption est la personne physique, titulaire d’un contrat de location pour un usage d’habitation, un usage mixte d’habitation et professionnel, quel que soit le régime applicable (lois de 1989, de 1986, de 1948 ou Code civil). Le locataire en meublé bénéficie de ce droit de préemption. Il peut s’agir également de l’occupant de bonne foi au sens de l’article 4 de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948. Lorsque la location a été consentie conjointement à plusieurs locataires (colocation ou vie commune en dehors d’un mariage ou d’un Pacs), chacun bénéficie à titre individuel du droit de préemption. Il en est de même pour des époux, que le bail, sans caractère professionnel ou commercial, ait été conclu avant ou après le mariage, signé par un seul des époux ou par les deux. Si la demande de cotitularité du bail est formulée par les deux partenaires lors de la conclusion du bail ou postérieurement, ils seront tous les deux titulaires du droit de préemption. Le décret de 1977 (art. 5) envisage les situations particulières telles que le divorce, le décès ou l’abandon du domicile par l’un des occupants.
– Conditions à remplir. – L’article 1er du décret de 1977 impose une condition d’occupation effective des lieux. Cette condition doit être remplie au jour de la notification de l’offre de vente, tant par le locataire que par l’occupant de bonne foi, comme l’a rappelé la Cour de cassation. Suite aux réserves émises par le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, suivies par le Conseil d’État, l’article 1er du décret de 1977 a été modifié par décret no 2020-1150 du 17 septembre 2020. Il est désormais précisé que le droit de préemption ne s’applique pas « au locataire ou à l’occupant de bonne foi dont le bail ou l’occupation est postérieur à la division ou la subdivision de l’immeuble ».

Les opérations concernées

Le droit de préemption de l’article 10, I de la loi de 1975 est applicable à « toute vente d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots ».

Les opérations donnant ouverture au droit de préemption

– Ventes stricto sensu . – Les opérations donnant ouverture au droit de préemption du locataire sont les ventes stricto sensu, quelles que soient les modalités de paiement (comptant ou avec rente viagère), et même si elles sont assorties d’un terme ou d’une condition. A contrario, les aliénations qui ne constituent pas des ventes se trouvent hors champ d’application, sauf fraude ou erreur de qualification. On peut citer pêle-mêle : bail à nourriture, donations, échanges, apport en société, dation en paiement, partage ou licitation au profit d’un indivisaire.
– Cas du démembrement. – Le locataire bénéficie-t-il du droit de préemption en cas de vente de la nue-propriété ou de l’usufruit du logement ? Si le vendeur ne vend que la nue-propriété, se réservant l’usufruit, l’opinion dominante répond par l’affirmative, remarquant notamment que le droit de préemption est reconnu au preneur rural en cas de cession de la nue-propriété. Concernant la cession de l’usufruit du logement, la solution est plus incertaine. Bien que l’article L. 412-2 du Code rural et de la pêche maritime vise la cession de l’usufruit des biens loués au locataire rural, certains auteurs excluent la cession de l’usufruit du droit de préemption de la loi de 1975 en raison de sa nature viagère.
– Exceptions relatives à la personne du locataire. – Le droit de préemption de la loi de 1975 connaît deux exceptions.
D’une part, le droit de préemption ne s’applique pas en cas de vente réalisée au profit d’un parent ou allié du vendeur jusqu’au quatrième degré inclus. Cette exception figure au III de l’article 10. En revanche, le droit de préemption s’applique lorsque la vente est consentie par une société à l’enfant unique de l’associé. C’est là un effet de l’écran de la personnalité morale du bailleur.
D’autre part, la loi Alur a ajouté une seconde exception à l’article 10, III. Le droit de préemption ne s’applique pas en cas de vente à un organisme d’habitation à loyer modéré, à une société d’économie mixte mentionnée à l’article L. 481-1 du Code de la construction et de l’habitation ou d’un organisme bénéficiant de l’agrément de l’article L. 365-1 du même code.

L’objet de la vente

– Locaux d’habitation ou mixtes et leurs locaux accessoires. – À l’origine, la loi de 1975 cantonnait le droit de préemption à « la vente d’un appartement et à ses locaux accessoires ». La « loi Quillot » lui a substitué les termes « local à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation ». Sont donc exclus les locaux à usage professionnel ainsi que les locaux à usage mixte commercial et d’habitation ou agricole et d’habitation. La Cour de cassation a jugé que, malgré la modification apportée par la loi Quillot, le droit de préemption du locataire s’appliquait en cas de vente de locaux accessoires dépendant de l’appartement donné en location (caves, garages, parkings, chambres de bonne, combles).
– Exclusions. – L’article 10, III de la loi de 1975 exclut du droit de préemption la vente d’un bâtiment entier et la vente de l’ensemble de locaux d’habitation ou à usage mixte dudit bâtiment.
– Cessions de parts sociales de sociétés de construction et d’attribution. – La loi Quillot a étendu le droit de préemption aux « ventes de parts ou actions des sociétés dont l’objet est la division d’un immeuble par fractions destinées à être attribuées aux associés en pleine propriété ou en jouissance à temps complet ». Les sociétés concernées sont les sociétés de construction (L. 28 juin 1938), les sociétés d’attribution (CCH, art. L. 212-1 à L. 212-17) et les sociétés coopératives de construction (CCH, art. L. 213-1 à L. 213-15). C’est donc la première cession de droits sociaux consécutive à la pré-division de l’immeuble qui donnera naissance au droit de préemption.

Une division préalable de l’immeuble par lots

– Division initiale ou subdivision. – Le droit de préemption s’applique à toute vente consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble en lots. C’est la loi du 22 juin 1982 qui a étendu le droit de préemption aux ventes consécutives à une subdivision. La Cour de cassation ne subordonne pas l’existence du droit de préemption à la publication d’un état descriptif de division dès lors que l’immeuble se divise en appartements distincts sous différents numéros de lots.
– Une réserve importante. – Cependant, lorsque l’immeuble a été placé dès sa construction sous le régime de la copropriété, le locataire ne peut pas invoquer un droit de préemption. Comme le précisait M. Dagot : « La division existe au départ de la construction de l’immeuble. On serait presque tenté de dire que l’immeuble est né divisé ou construit divisé. Il n’y a plus de place pour une division au sens de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, cette division ayant été réalisée dès le départ ».

La première vente consécutive à la division de l’immeuble

Selon l’article 10, I de la loi de 1975, la vente doit être consécutive à la division ou à la subdivision de l’immeuble. La Cour de cassation a confirmé que le droit de préemption est reconnu au locataire lors de la première vente suivant la division ou la subdivision de l’immeuble.