En cas de vente après division

En cas de vente après division

Ce premier droit de préemption est réglementé à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Cette loi est entrée en vigueur après la publication le 9 juillet 1977 du décret no 77-742 du 30 juin 1977. Le dispositif a été modifié par la loi SRU et par la loi Alur. Nous étudierons la mise en œuvre de ce droit de préemption (Sous-section II) après en avoir défini le champ d’application (Sous-section I). La protection du locataire peut résulter également des accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2005 (Sous-section III).

Champ d’application

L’article 10-I, alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1975 définit le champ d’application du droit de préemption en distinguant ses bénéficiaires (§ I) des opérations concernées (§ II).

Les bénéficiaires du droit de préemption

– Qualité des bénéficiaires. – L’article 10, I de la loi du 31 décembre 1975 réserve le droit de préemption à « chacun des locataires ou occupants de bonne foi ». Le bénéficiaire du droit de préemption est la personne physique, titulaire d’un contrat de location pour un usage d’habitation, un usage mixte d’habitation et professionnel, quel que soit le régime applicable (lois de 1989, de 1986, de 1948 ou Code civil). Le locataire en meublé bénéficie de ce droit de préemption. Il peut s’agir également de l’occupant de bonne foi au sens de l’article 4 de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948. Lorsque la location a été consentie conjointement à plusieurs locataires (colocation ou vie commune en dehors d’un mariage ou d’un Pacs), chacun bénéficie à titre individuel du droit de préemption. Il en est de même pour des époux, que le bail, sans caractère professionnel ou commercial, ait été conclu avant ou après le mariage, signé par un seul des époux ou par les deux. Si la demande de cotitularité du bail est formulée par les deux partenaires lors de la conclusion du bail ou postérieurement, ils seront tous les deux titulaires du droit de préemption. Le décret de 1977 (art. 5) envisage les situations particulières telles que le divorce, le décès ou l’abandon du domicile par l’un des occupants.
– Conditions à remplir. – L’article 1er du décret de 1977 impose une condition d’occupation effective des lieux. Cette condition doit être remplie au jour de la notification de l’offre de vente, tant par le locataire que par l’occupant de bonne foi, comme l’a rappelé la Cour de cassation. Suite aux réserves émises par le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, suivies par le Conseil d’État, l’article 1er du décret de 1977 a été modifié par décret no 2020-1150 du 17 septembre 2020. Il est désormais précisé que le droit de préemption ne s’applique pas « au locataire ou à l’occupant de bonne foi dont le bail ou l’occupation est postérieur à la division ou la subdivision de l’immeuble ».

Les opérations concernées

Le droit de préemption de l’article 10, I de la loi de 1975 est applicable à « toute vente d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots ».

Les opérations donnant ouverture au droit de préemption

– Ventes stricto sensu . – Les opérations donnant ouverture au droit de préemption du locataire sont les ventes stricto sensu, quelles que soient les modalités de paiement (comptant ou avec rente viagère), et même si elles sont assorties d’un terme ou d’une condition. A contrario, les aliénations qui ne constituent pas des ventes se trouvent hors champ d’application, sauf fraude ou erreur de qualification. On peut citer pêle-mêle : bail à nourriture, donations, échanges, apport en société, dation en paiement, partage ou licitation au profit d’un indivisaire.
– Cas du démembrement. – Le locataire bénéficie-t-il du droit de préemption en cas de vente de la nue-propriété ou de l’usufruit du logement ? Si le vendeur ne vend que la nue-propriété, se réservant l’usufruit, l’opinion dominante répond par l’affirmative, remarquant notamment que le droit de préemption est reconnu au preneur rural en cas de cession de la nue-propriété. Concernant la cession de l’usufruit du logement, la solution est plus incertaine. Bien que l’article L. 412-2 du Code rural et de la pêche maritime vise la cession de l’usufruit des biens loués au locataire rural, certains auteurs excluent la cession de l’usufruit du droit de préemption de la loi de 1975 en raison de sa nature viagère.
– Exceptions relatives à la personne du locataire. – Le droit de préemption de la loi de 1975 connaît deux exceptions.
D’une part, le droit de préemption ne s’applique pas en cas de vente réalisée au profit d’un parent ou allié du vendeur jusqu’au quatrième degré inclus. Cette exception figure au III de l’article 10. En revanche, le droit de préemption s’applique lorsque la vente est consentie par une société à l’enfant unique de l’associé. C’est là un effet de l’écran de la personnalité morale du bailleur.
D’autre part, la loi Alur a ajouté une seconde exception à l’article 10, III. Le droit de préemption ne s’applique pas en cas de vente à un organisme d’habitation à loyer modéré, à une société d’économie mixte mentionnée à l’article L. 481-1 du Code de la construction et de l’habitation ou d’un organisme bénéficiant de l’agrément de l’article L. 365-1 du même code.

L’objet de la vente

– Locaux d’habitation ou mixtes et leurs locaux accessoires. – À l’origine, la loi de 1975 cantonnait le droit de préemption à « la vente d’un appartement et à ses locaux accessoires ». La « loi Quillot » lui a substitué les termes « local à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation ». Sont donc exclus les locaux à usage professionnel ainsi que les locaux à usage mixte commercial et d’habitation ou agricole et d’habitation. La Cour de cassation a jugé que, malgré la modification apportée par la loi Quillot, le droit de préemption du locataire s’appliquait en cas de vente de locaux accessoires dépendant de l’appartement donné en location (caves, garages, parkings, chambres de bonne, combles).
– Exclusions. – L’article 10, III de la loi de 1975 exclut du droit de préemption la vente d’un bâtiment entier et la vente de l’ensemble de locaux d’habitation ou à usage mixte dudit bâtiment.
– Cessions de parts sociales de sociétés de construction et d’attribution. – La loi Quillot a étendu le droit de préemption aux « ventes de parts ou actions des sociétés dont l’objet est la division d’un immeuble par fractions destinées à être attribuées aux associés en pleine propriété ou en jouissance à temps complet ». Les sociétés concernées sont les sociétés de construction (L. 28 juin 1938), les sociétés d’attribution (CCH, art. L. 212-1 à L. 212-17) et les sociétés coopératives de construction (CCH, art. L. 213-1 à L. 213-15). C’est donc la première cession de droits sociaux consécutive à la pré-division de l’immeuble qui donnera naissance au droit de préemption.

Une division préalable de l’immeuble par lots

– Division initiale ou subdivision. – Le droit de préemption s’applique à toute vente consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble en lots. C’est la loi du 22 juin 1982 qui a étendu le droit de préemption aux ventes consécutives à une subdivision. La Cour de cassation ne subordonne pas l’existence du droit de préemption à la publication d’un état descriptif de division dès lors que l’immeuble se divise en appartements distincts sous différents numéros de lots.
– Une réserve importante. – Cependant, lorsque l’immeuble a été placé dès sa construction sous le régime de la copropriété, le locataire ne peut pas invoquer un droit de préemption. Comme le précisait M. Dagot : « La division existe au départ de la construction de l’immeuble. On serait presque tenté de dire que l’immeuble est né divisé ou construit divisé. Il n’y a plus de place pour une division au sens de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, cette division ayant été réalisée dès le départ ».

La première vente consécutive à la division de l’immeuble

Selon l’article 10, I de la loi de 1975, la vente doit être consécutive à la division ou à la subdivision de l’immeuble. La Cour de cassation a confirmé que le droit de préemption est reconnu au locataire lors de la première vente suivant la division ou la subdivision de l’immeuble.

Mise en œuvre du droit de préemption

La notification préalable au locataire

– Forme de la notification. – Avant la conclusion de toute vente d’un local entrant dans le champ d’application du droit de préemption, l’article 10, I, alinéa 1er de la loi de 1975 impose à peine de nullité que la notification soit faite au locataire ou à l’occupant de bonne foi, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En application de l’article 651 du Code de procédure civile, la notification pourrait néanmoins être faite par acte de commissaire de justice.

Point d’attention : la notification « loi de 1975 » au locataire doit précéder l’avant-contrat

La Cour de cassation a prononcé la nullité d’un compromis de vente et de l’offre de vente faite au locataire au motif que cette offre était postérieure à la date de signature du compromis de vente, peu important la date de réitération de la vente. Elle condamne donc la signature d’un avant-contrat valant vente avant la notification au locataire (promesse synallagmatique ou unilatérale de vente). Le seul avant-contrat susceptible d’être conclu avant la notification de l’offre au locataire serait une promesse unilatérale d’achat, le vendeur se réservant la possibilité de lever ou non l’option.
– Contenu de la notification. – La notification doit comprendre le prix, les modalités de paiement ainsi que les conditions principales de la vente.

Point d’attention : la notification « loi de 1975 » au locataire ne peut lui imposer de régler une commission

La notification étant préalable à la signature de tout avant-contrat, il ne peut être imposé au locataire le paiement d’une commission de négociation.
– Mentions obligatoires. – La notification faite au locataire doit reproduire les cinq premiers alinéas de l’article 10, I de la loi de 1975 (art. 10, al. 6), à peine de nullité de la notification. La notification mentionne également l’existence d’un autre droit de préemption (D. 30 juin 1977, art. 2, al. 2).
– Destinataire de la notification. – La notification est faite au locataire ou à l’occupant de bonne foi au sens de l’article 4 de la loi du 1er septembre 1948. S’il existe plusieurs titulaires du droit de préemption, la notification doit être faite à chacun d’entre eux et doit reproduire les paragraphes I et II de l’article 4 du décret no 77-742 du 30 juin 1977. L’article 13, III de la loi du 21 juillet 1994 a complété l’article 10, I de la loi du 31 décembre 1975 en précisant que : « Nonobstant les dispositions de l’article 1751 du Code civil, les notifications ou significations faites en application du présent titre par le bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire si son existence n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur ». Si le locataire (ou l’occupant) est une personne protégée, l’article 6 du décret du 30 juin 1977 indique que la notification préalable doit être adressée tant à la personne protégée qu’à son représentant légal.
– Auteur de la notification. – Il appartient au bailleur de procéder à la notification préalable (L. 1975, art. 10, I, al. 1er). Une notification faite par un tiers qui n’aurait pas été dûment mandaté par le bailleur entraînerait la nullité de la vente. Si le logement concerné est un bien de communauté, la notification nécessite le consentement des deux époux (C. civ., art. 1424) ; s’il s’agit d’un bien indivis, elle requiert l’unanimité des indivisaires (C. civ., art. 815-3). À défaut, la vente serait entachée de nullité.
– Portée de la notification. – La notification faite au locataire vaut offre de vente. Dès qu’elle est acceptée par le locataire, le contrat de vente est définitivement et valablement formé (C. civ., art. 1583). La durée de validité de l’offre de vente est passée de un à deux mois par l’effet de la loi du 21 juillet 1994 qui a modifié l’article 10, I, alinéa 2 de la loi de 1975.

La réponse du locataire

– Délai d’option. – Comme en matière de congé pour vente (L. 6 juill. 1989, art. 15), le bénéficiaire du droit de préemption dispose d’un délai de deux mois pour prendre position (L. 1975, art. 10, I, al. 2). Ce délai court à compter de la date de réception de la lettre recommandée ou de l’acte de commissaire de justice. Si le locataire ne signe pas l’accusé de réception ou refuse la lettre recommandée, il est nécessaire de recourir à un exploit de commissaire de justice. Le locataire dispose d’une option : soit il refuse d’acquérir, soit il se porte acquéreur.
– Non-acceptation de l’offre de vente. – La non-acceptation de l’offre de vente peut être tacite et résulter d’une absence de réponse dans le délai légal (D. no 77-742, art. 2, al. 3). Elle peut être également expresse et résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception (D. no 77-742, art. 2, al. 3). En pareils cas, le contrat de vente n’est pas formé mais le contrat de bail demeure. Contrairement au régime de l’article 15, II de la loi de 1989 où le locataire qui renonce à acquérir perd tout titre locatif à l’expiration du contrat, le bail continue avec l’acquéreur du bailleur.
– Acceptation de l’offre de vente. – Le locataire accepte l’offre de vente soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (D. no 77-742, art. 2, al. 3) soit par acte de commissaire de justice (CPC, art. 651). L’offre de vente étant acceptée par le locataire, le contrat de vente est formé mais demeure suspendu à la passation de l’acte authentique dans un délai de deux mois porté à quatre mois si le locataire recourt à un emprunt (L. no 75-1351, art. 10, I, al. 5). Si la signature de l’acte n’intervient pas dans le délai prescrit, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit (L. n° 75-1351, art. 10, I, al. 5).

Les concours de droits de préemption

– Loi de 1975 versus droit de préemption public. – En cas de concours entre le droit de préemption du locataire et un droit de préemption public, c’est le droit de préemption public qui prime. Cette règle a été confirmée par une réponse ministérielle. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 1er, alinéa 2 du décret du 30 juin 1977 impose que la notification adressée au locataire mentionne, le cas échéant, l’existence d’un droit de préemption d’une collectivité publique.
– Loi de 1975 versus loi de 2006. – Le concours du droit de préemption de l’article 10 de la loi de 1975 et celui de la loi du 13 juin 2006 est impossible en raison de leurs champs d’application respectifs. En effet, le droit de préemption de la loi de 1975 suppose une vente après division ou une subdivision de l’immeuble, tandis que celui de la loi de 2006 s’applique au contraire à la vente portant sur un immeuble dans sa totalité et en une seule fois.
– Loi de 1975 versus loi de 1989. – Lorsque les conditions du droit de préemption de l’article 10 de la loi de 1975 et celles de l’article 15, II de la loi du 6 juillet 1989 (V. infra, Section II, nos et s.) sont simultanément réunies, le bailleur choisit de purger l’un ou l’autre des droits de préemption selon qu’il souhaite vendre le logement libre ou occupé en cas de refus d’acquérir du locataire. On rappellera que si le locataire de la loi de 1975 renonce à acquérir, le bail est maintenu et le logement est vendu occupé. Dans la loi de 1989, l’offre de vente formulée au locataire s’accompagnant d’un congé, le locataire qui refuse l’offre de vente, doit quitter les lieux à l’échéance du bail.

L’ouverture d’un second droit de préemption

– En cas de baisse de prix. – Initialement, la loi de 1975, prévoyait un droit de substitution en cas de vente consentie à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles mentionnées dans la notification. Après la signature de l’acte de vente, le notaire notifiait au locataire les conditions de la vente signée qui avait un délai d’un mois à compter de la réception de la nouvelle notification pour se substituer à l’acquéreur (L. n° 75-1351, art. 10, al. 4 et 5 ancien). La loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 (art. 15, III) a supprimé le droit de substitution et l’a remplacé par un deuxième droit de préemption (L. 31 déc. 1975, art. 10-I, al. 4). Si le locataire a refusé l’offre de vente contenue dans la notification initiale et que le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux, le propriétaire, à défaut le notaire, doit lui notifier les nouvelles conditions. La notification est faite soit par lettre recommandée, soit par exploit de commissaire de justice. Elle reproduit les dispositions de l’article 10, I, alinéas 1 à 5 et rappelle la date et la teneur de la première notification. Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois pour renoncer ou accepter l’offre. La vente au locataire devra intervenir dans un délai de deux ou quatre mois selon que le locataire a manifesté son intention de recourir ou non à un prêt.

Les sanctions du droit de préemption

– Nullité de la vente. – Dans sa rédaction initiale, la violation du droit reconnu au locataire ou à l’occupant de bonne foi était sanctionnée par l’article 10 de la loi de 1975 par un droit de substitution. Depuis la loi n° 82-526 du 22 juin 1982, l’absence de notification préalable ou la notification incomplète ou irrégulière est sanctionnée par la nullité de la vente conclue avec un tiers . Le locataire peut invoquer la nullité dans les cinq ans du jour où il a connaissance de la vente.

Les accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2005

– Commission nationale de concertation. – Face au développement de la « vente d’immeubles à la découpe » par des bailleurs institutionnels, le législateur a créé par la loi du 23 décembre 1986 une Commission nationale de concertation afin de favoriser la conclusion d’accords entre les organisations de bailleurs et de locataires.
– Accords collectifs. – Un premier accord a été signé le 9 juin 1998 réglementant les congés pour vente de plus de dix logements. Rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 (JO 23 juill.), il a été modifié par la loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite « loi SRU », puis remplacé par un nouvel accord collectif du 16 mars 2005, rendu obligatoire par le décret no 2006-1366 du 10 novembre 2006 (JO 11 nov.). Nous examinerons successivement le champ d’application des accords collectifs (§ I) et la réglementation qui en résulte (§ II).

Le champ d’application des accords collectifs

– Parties concernées. – À l’origine, les accords collectifs n’étaient applicables qu’aux membres des organisations de bailleurs qui les avaient signés. Leur champ d’application était ensuite étendu par décret. Depuis la loi SRU, tout bailleur personne morale est tenu au respect des accords collectifs, à l’exception :
  • des « sociétés civiles de famille », c’est-à-dire les sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre époux, pacsés, concubins notoires au sens de l’article 515-8 du Code civil et leurs alliés jusqu’au quatrième degré inclus ;
  • des organismes de logement social.
– Opérations concernées. – L’accord collectif du 9 juin 1998 s’appliquait aux « ventes par lots de plus de dix logements, dans un même immeuble ». L’accord ne précisait pas si ces ventes devaient ou non s’accompagner d’un congé donné aux locataires. La Cour de cassation finit par juger que la réglementation s’appliquait dès lors que le propriétaire envisageait de vendre un ensemble immobilier comprenant plus de dix logements, peu important le nombre de congés à délivrer. L’accord collectif du 16 mars 2005 reprend la solution adoptée par la cour en précisant que la réglementation concerne la vente par lots de plus de dix logements, libres ou occupés, dans un même immeuble. Tout locataire peut bénéficier de ce dispositif, qu’il relève du droit commun du louage, de la loi du 1er septembre 1948 ou de la loi du 6 juillet 1989. L’accord collectif est applicable lorsque le bailleur a pris la décision de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble. Il concerne tant les locataires qui ont reçu un congé pour vente que ceux qui ne reçoivent qu’une offre de vente.

Point d’attention : la mise en vente de plus de dix logements n’a pas à être simultanée pour entrer dans le champ d’application de l’accord collectif de 2005

La Cour de cassation a considéré que les accords collectifs avaient été violés alors que plus de dix ans s’étaient écoulés entre la première mise en vente et le dernier congé, s’agissant d’un même processus de vente. Il en résulte, pour le notaire chargé d’une vente par une personne morale susceptible de relever de l’accord collectif de 2005, la nécessité de l’interroger sur l’éventuelle insertion de cet acte dans un processus d’ensemble.

La réglementation résultant des accords collectifs

Quand les accords collectifs sont applicables, le bailleur est tenu par des obligations informatives, dont le non-respect est sanctionné par la nullité de l’offre de vente, du congé pour vente entraînant la nullité de la vente consentie à un tiers (A). La protection des locataires est également renforcée par rapport aux lois de 1975 et de 1989, notamment lorsqu’il ne se porte pas acquéreur (B).

Les obligations informatives

– L’information du maire. – L’accord de 2005 prévoit une information du maire de la commune ou de l’arrondissement du siège de l’immeuble dès que la décision de vendre du bailleur est prise. Cette information permettra au maire de veiller au bon déroulement de l’opération et de s’interroger en amont sur l’opportunité d’exercer le droit de préemption urbain reconnu par l’article L. 210-2 du Code de l’urbanisme, institué par la loi du 13 juin 2006.
– L’information des associations de locataires. – L’article 1.1 de l’accord collectif de 2005 impose que préalablement à la décision de mise en vente par lots de plus de dix logements, le bailleur informe, par écrit, de son intention les associations de locataires représentatives au sens de l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986. Le bailleur et les représentants des associations représentatives examineront les « modalités de l’information future des locataires » (art. 1.1) et « de réalisation des diagnostics et bilans techniques » (art. 2.2). L’absence de consultation sur ces points entraîne la nullité de l’offre de vente notifiée au locataire.
– L’information collective des locataires : tenue d’une réunion d’information. – L’article 1.2 de l’accord de 2005 prévoit une réunion d’information à laquelle sont invités par écrit tous les locataires, quelle que soit la date d’expiration du bail, et des associations représentatives dès que le bailleur est prêt à rendre publique son intention de vendre. Cette formalité est essentielle et doit précéder la délivrance du congé au locataire ; à défaut, le congé serait déclaré nul. L’article 2.1 définit le contenu de l’information générale. Le locataire est informé du déroulement de la vente et de ses incidences, de l’état de l’immeuble et des travaux réalisés dans les parties communes au cours des cinq dernières années (récapitulatif et coûts exposés). Il est également informé de la possibilité de consulter le futur règlement de copropriété et l’ensemble des contrats de prestation de service liés à l’exploitation de l’immeuble (art. 2.4).
– L’information individuelle des locataires. – Le bailleur doit ensuite confirmer par écrit à chaque locataire les modalités envisagées pour la vente. Cette confirmation fait courir un délai de trois mois, pendant lequel le bailleur ne peut adresser au locataire une offre de vente (art. 1.2). Cette confirmation reprend les informations générales communiquées lors de la réunion d’information, mais est complétée de l’état descriptif de division de l’immeuble pour les lots du locataire et d’une fiche individuelle précisant le prix du logement. L’article 1.2 précise que cette information est donnée à titre indicatif et ne constitue pas une offre de vente.

La protection des locataires

Les notifications faites au locataire
On rappellera qu’en dehors du champ d’application des accords collectifs (V. supra, nos et s.), le cumul du droit de préemption de l’article 10 de la loi de 1975 et celui de l’article 15 de la loi de 1989 est impossible. C’est le bailleur qui purge soit l’un soit l’autre selon qu’il souhaite vendre un logement libre (loi de 1989) ou occupé (loi de 1975). À l’inverse, la rédaction de l’article 1.2 de l’accord collectif de 2005 implique la purge cumulative des deux droits de préemption.
Passé le délai de trois mois à compter de l’information individuelle donnée au locataire, le bailleur adresse au locataire l’offre de vente prévue à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Le renvoi de l’article 1.2 de l’accord collectif ne concerne que les modalités de purge et non les conditions de fond. Il en résulte que si les conditions d’application des deux droits de préemption sont réunies, il conviendra de les purger distinctement.
Une fois notifiée l’offre de vente (L. 31 déc. 1975, art. 10), l’article 1.5 de l’accord collectif de 2005 précise que « le congé pour vente peut être envoyé conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ». Il n’est pas fixé de délai minimum entre l’envoi de l’offre de vente et la délivrance du congé de l’article 15.
L’allongement de la durée du bail
– Prorogation du bail. – L’accord collectif prévoit des hypothèses de prorogation du bail qui s’appliquent soit sur demande du locataire, soit de plein droit. Le bail peut être prorogé, à la demande du locataire, lorsque la « durée du bail restant à courir est de moins de 30 mois à compter de l’offre prévue à l’article 10 ». Cette demande doit avoir pour objet de « faciliter la réalisation de la vente ou les conditions de son départ » (art. 3.1). L’accord collectif de 2005 prévoit deux hypothèses de prorogation de plein droit du bail. D’une part, la prorogation du bail est de droit lorsque le locataire occupe le logement depuis plus de six ans à la date de l’offre de vente prévue par l’article 10 de la loi de 1975 (art. 3.2, al. 1er). La durée de la prorogation est calculée sur la base d’un mois par année d’ancienneté. D’autre part, la prorogation du bail est de droit lorsque le locataire a, à sa charge, des enfants scolarisés (art. 3.2, al. 2). Le contrat est alors prorogé jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.
– Reconduction du bail. – Lorsqu’un congé pour vente a été délivré conformément à l’article 15 de la loi de 1989, le bail peut être reconduit avec l’accord du bailleur ou de plein droit selon que le congé intervient plus de deux ans ou moins de deux ans avant le terme du bail. Lorsque le congé intervient plus de deux ans avant le terme du bail, l’alinéa 1er de l’article 11-1 indique que le bail peut être expressément reconduit pour une durée inférieure à celle prévue par l’article 10, soit six ans, le bailleur étant par définition une personne morale. Lorsque le congé intervient moins de deux ans avant le terme du bail, la reconduction du bail est de droit. Elle intervient à la demande du locataire et permet à ce dernier de disposer du logement qu’il occupe pendant une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour vente.
– Renouvellement du bail. – Le bail est renouvelé de plein droit, pour une durée de six ans, si le locataire est en mesure d’établir qu’il est dans l’une des trois situations visées par l’accord collectif de 2005 : il ne peut déménager en raison de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnu médicalement (art. 4.2) ; à l’expiration du bail, il est âgé de plus de soixante-dix ans et n’est pas assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière (art. 4.3) ; enfin, lorsque le locataire est titulaire d’une rente d’invalidité du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 % ou perçoit une allocation pour une infirmité entraînant au moins 80 % d’incapacité permanente (art. 4.4).
Les autres mécanismes protecteurs
– L’acquisition par un proche du locataire. – L’article 3.3 de l’accord collectif indique les personnes qui peuvent se substituer au locataire qui ne pourrait pas acquérir son logement. Cette liste est limitative et vise :
  • le conjoint ;
  • le partenaire avec lequel le locataire est lié par un Pacs ;
  • le concubin notoire vivant avec le locataire depuis au moins un an à la date de l’offre de vente ;
  • un ascendant ou un descendant ainsi que ceux du conjoint, partenaire pacsé ou concubin.
L’acquéreur substitué qui sera imposé au bailleur bénéficiera des mêmes conditions de vente et de délai que celles proposées au locataire.
– Le relogement du locataire. – L’article 4.1 de l’accord collectif énonce que le congé ne peut être délivré au locataire sans qu’une proposition de relogement soit faite si le locataire ne se porte pas acquéreur de son logement et justifie d’un revenu inférieur à 100 % du plafond de ressources PLI en vigueur. La proposition de relogement devra être « offerte dans les conditions mentionnées au premier paragraphe du III de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ».