Les conditions de réalisation du droit des entreprises en difficulté

Les conditions de réalisation du droit des entreprises en difficulté

Le droit positif des procédures collectives, dont les enjeux doivent être rappelés JCl. Procédures collectives, Synthèse 2020, Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires. Sort des créanciers, spéc. nos 41 et 42, par J. Vallansan. , précédera la présentation des perspectives de réforme.
– Le sort du droit de rétention. – Il a une place privilégiée dans la procédure collective. En premier lieu, le droit de rétention permet au créancier de refuser la restitution de la chose légitimement retenue jusqu'à complet paiement de sa créance. Ainsi le créancier rétenteur peut exiger d'obtenir paiement de sa créance antérieure malgré l'interdiction de principe (C. com., art. L. 622-7, II), dès lors que le juge-commissaire l'aura autorisé au motif que le bien est nécessaire à la poursuite de l'activité. Ce texte ne profite pas au créancier gagiste sans dépossession (C. com., art. L. 622-7, I, al. 2).
En cas de liquidation judiciaire, il résulte de l'article L. 642-20-1, alinéa 2, du Code de commerce que le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire du bien gagé. Cette attribution judiciaire est un droit exceptionnel qui déroge au principe d'égalité des créanciers et au principe de l'interdiction des paiements. Elle ne s'applique pas à l'immeuble hypothéqué Cass. com., 28 juin 2017, no 16-10.591 : JurisData no 2017-012576 ; Bull. civ. 2017, IV, no 91. . En matière de cryptoactifs, on pourrait s'inspirer de la conclusion d'un auteur M. Bourassin, Droit des sûretés, Sirey, 7e éd. 2020, no 1383. au sujet des nantissements : rejet de l'attribution judiciaire. La solution est toutefois contredite par l'admission en jurisprudence de l'attribution judiciaire en matière de nantissement de compte courant, même si les sommes sont saisies et placées sur un compte spécial Cass. com., 25 sept. 2019, no 18-16.178. .
– Le sort du pacte commissoire. – L'ordonnance du 23 mars 2006 a autorisé le pacte commissoire, qui permet au créancier de se faire consentir le droit de s'approprier la chose affectée en garantie en cas de non-paiement à l'échéance.
Son intérêt paraît remarquable s'il est lié à la technique du smart contract et son automaticité Sur son effectivité, V. infra, nos et s., Commission 3. . Toutefois, outre les observations inhérentes au droit des sûretés concernant l'opposabilité aux tiers, vues précédemment V. supra, nos et s. , le caractère collectif du droit des entreprises en difficulté devrait s'opposer à l'automatisation du pacte, la constitution et la mise en œuvre de celui-ci étant interdites par l'article L. 622-7, I du Code de commerce.
– Le sort de la fiducie. – La fiducie fait en principe échapper les biens qui en font l'objet à la procédure collective M. Bourassin, Droit des sûretés, op. cit., no 1371. . Son efficacité est assurée par un certain nombre de dispositions. Ainsi le créancier fiduciaire peut-il obtenir le paiement de sa créance autorisé par le juge-commissaire pour éviter le retrait du bien (C. com., art. L. 622-7, II, al. 2). Lorsqu'une convention de mise à disposition des biens a été conclue au profit du constituant (débiteur), la fiducie est paralysée pendant la procédure de sauvegarde ou de redressement. Le débiteur constituant conserve l'usage et la jouissance des biens, la convention de mise à disposition étant soumise au régime des contrats en cours (C. com., art. L. 622-13, VI). Certes, si les biens fiduciés sont des actifs numériques, leurs modalités de détention et de circulation sont à prendre en compte.
Ensuite, aucune cession ou transfert ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d'un tiers du seul fait de l'ouverture de la procédure, de l'arrêté du plan ou d'un défaut de paiement d'une créance antérieure (C. com., art. L. 622-23-1). Une adaptation législative pourrait alors viser le patrimoine fiduciaire constitué d'actifs numériques.
– Perspectives de réforme. – La loi Pacte annonce, à échéance de deux ans à compter de sa publication au Journal officiel (le 23 mai 2019), un bouleversement du droit des entreprises en difficulté comme il n'y en a probablement pas eu depuis la loi du 25 janvier 1985 M. Menjucq, Loi Pacte et procédures collectives. Des ajustements ponctuels dans l'attente du grand bouleversement annoncé ! : Rev. proc. coll. juill. 2019, no 4, dossier 23. . Ce bouleversement sera réalisé par deux ordonnances, l'une prévue par l'article 196 de la loi Pacte, devant transposer en droit français la directive 2019/1023 du 20 juin 2019 sur les restructurations préventives ; l'autre énoncée par l'article 60 de la loi Pacte, devant porter réforme du droit des sûretés.
La transposition de la directive 2019/1023 va impliquer un rééquilibrage du droit français des entreprises en difficulté au profit des créanciers en renforçant leur rôle dans l'adoption des plans de restructuration et en introduisant des classes de créanciers ainsi qu'un mécanisme (dit cross-class cram down ou dans sa version française « application forcée interclasse ») ayant vocation à permettre de surmonter les blocages venant des classes de créanciers qui, dans l'hypothèse d'une liquidation, n'auraient de toute façon pas vocation à participer aux répartitions (créanciers out of the money).
Ces modifications substantielles du rôle des créanciers entreront en résonance avec l'ordonnance de réforme des sûretés qui, selon la loi Pacte, doit clarifier la hiérarchie entre créanciers et favoriser l'articulation entre droit des sûretés et procédures collectives. Notamment, doivent être précisées les règles du nantissement de créance, de la réserve de propriété et de la fiducie-sûreté.
On soulignera ici que ces deux réformes devraient s'intéresser au sort du droit de rétention et au sort de la fiducie en cas de procédure collective, si l'on part du principe que les cryptoactifs se prêtent au jeu de ces deux garanties, comme vu au chapitre précédent.