Le droit des procédures collectives vient souvent perturber la mise en œuvre des sûretés prises sur les biens du débiteur soumis à la procédure. La réalisation des sûretés hors procédure collective
(Sous-section I)
précédera l'examen de celle dictée par le droit des entreprises en difficulté
(Sous-section II)
.
Les conditions de réalisation
Les conditions de réalisation
Les conditions de réalisation hors procédure collective
Beaucoup de questions pratiques se posent en lien surtout avec l'effectivité ou non d'une dépossession. Comment le créancier garanti par des bitcoins peut-il recouvrer sa créance ? Pourra-t-il missionner un huissier de justice ? Qui activera la clé privée ? Distinguons les hypothèses propres au nantissement
(§ I)
de celles liées au droit de rétention ou à la propriété-sûreté
(§ II)
.
Le nantissement avec et sans dépossession
– Clause d'arrosage et volatilité. – Un mécanisme ne permettrait-il pas de contrer la volatilité des cryptomonnaies qui risque de menacer l'efficacité de la réalisation de la sûreté constituée sur ces actifs numériques ? On peut penser à la clause dite « d'arrosage »
V. not. M. Julienne, Les gages spéciaux : modèles pour le droit commun ? : D. 2016, p. 1266, no 16. – C. Houin-Bressand, Autres contrats portant sur la cryptomonnaie : le notaire face aux enjeux et aux risques : Bull. Cridon Paris 15 avr. 2018, no spécial, p. 13.
. La pratique la connaît notamment en matière de gage sur stocks : le mécanisme de la « clause d'arrosage » permet au créancier, en cas de diminution de la valeur des stocks, d'obtenir le rétablissement de la garantie ou le paiement de sa créance, afin de préserver l'équilibre entre la protection du stock, élément d'actif indispensable à la vie de l'entreprise, et l'intérêt du créancier qui a consenti un crédit nécessaire à la poursuite de l'activité professionnelle du débiteur. En ce domaine, la stipulation d'une telle clause est permise et encadrée par la loi
C. com., art. L. 527-6, al. 2 à 5.
.
Quid en matière de sûreté sur cryptoactifs ? Il n'existe pas à ce jour de texte spécial autorisant la clause d'arrosage en matière d'actifs numériques. Toutefois, le principe de liberté contractuelle (C. civ., art. 1102) milite pour son application, laquelle ne semble pas non plus heurter le principe de spécialité des sûretés réelles – puisque la clause d'arrosage concerne l'évolution en cours de vie de la sûreté des biens grevés spécifiés dans l'acte constitutif. La fragilité de la clause d'arrosage tient sans doute plutôt au déséquilibre contractuel qu'elle peut engendrer, au point d'être considérée parfois comme une clause abusive
M. Bourassin, Droit des sûretés, op. cit., no 1004.
.
Concernant le nantissement de compte-titres, il est expressément admis que l'assiette du nantissement soit évolutive dans la mesure où l'article L. 211-20 du Code monétaire et financier prévoit la substitution de titres par d'autres. Il s'accroît des fruits et produits. Et au titre de cette évolution, il est explicitement prévu une augmentation possible de l'assiette du nantissement par le jeu de la clause d'arrosage. Les titres ajoutés sont alors censés figurer dans l'assiette initiale du nantissement
JCl. Notarial Formulaire, Synthèse, Fasc 40, Nantissements, mai 2020, no 36, par D. Legeais.
. Peut-être faudrait-il qu'une loi vienne expressément reconnaître l'efficacité de cette clause pour des sûretés prises sur jeton ou cryptomonnaie.
– Absence de dépossession. – Supposons que le débiteur ne se dessaisisse pas de ses bitcoins. La mise en place d'une sûreté sans dépossession est plutôt déconseillée. En effet, le bitcoin se verrait appliquer les modalités de saisie des valeurs mobilières (CPC ex., art. R. 231-1). Si le débiteur recourt aux services d'un intermédiaire détenant ses clés privées, alors ce dernier pourrait être chargé de vendre les actifs saisis ou de les attribuer au saisissant, comme le ferait un teneur de compte classique. Dans le cas d'une gestion par le débiteur lui-même de ses clés, qu'il refuserait de communiquer, il sera en pratique impossible d'appréhender les unités de cryptomonnaie. Au surplus, les outils tels que l'attribution judiciaire ou le pacte commissoire ne seraient pas aidants, puisqu'ils ne permettent pas de transférer la possession des actifs en cause
M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. nov. 2018, no 6, étude 19, spéc. no 16.
.
– Nantissement avec dépossession. – La dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu se fera par le transfert des bitcoins à l'adresse publique de l'une ou de l'autre
M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie : le cas du bitcoin : RD bancaire et fin. nov. 2018, étude 21.
.
Sur le plan technique, on constituera une adresse à signatures multiples et on générera une nouvelle adresse à chaque nouveau créancier, les créanciers titulaires de la première adresse transférant les bitcoins à l'adresse nouvellement créée qui inclura la signature du nouveau créancier, matérialisant ainsi sa participation.
Le nantissement peut se faire en faveur du créancier nanti ou d'un tiers convenu. Les deux hypothèses seront abordées.
– Dépossession en faveur du créancier nanti. – Distinguons par exemple
Donné par M. Bali, art. préc.
selon que « A (créancier) ait créé une adresse publique ou non pour traiter spécifiquement avec B (débiteur). Dans le premier cas, les bitcoins doivent être considérés comme des corps certains (choses uniques possédant une individualité propre), car ils se trouvent dans une adresse publique utilisée par A uniquement pour réaliser la transaction avec B. Si B s'exécute en temps et heure, A pourra opérer un transfert dans le sens inverse des mêmes bitcoins qu'il a reçus. Dans le second cas, les bitcoins perdent leur caractère certain, parce que le protocole ne vérifie que l'existence d'un montant suffisant de bitcoins pour honorer la transaction, sans individualisation. Il faut donc prévoir une fongibilité conventionnelle dans le contrat de nantissement.
Au stade de la réalisation du nantissement, le créancier A jouit d'une position assez favorable car il a un contrôle total sur les bitcoins reçus par l'usage exclusif qu'il a de la clé privée qui seule autorise une nouvelle utilisation. Ce mécanisme pourrait illustrer la mise en œuvre de son droit de rétention
V. supra, Chapitre I « L'identification des sûretés concernées », nos
et s.
qui lui permet de ne pas restituer les unités de cryptomonnaie tant que A ne s'est pas exécuté à son égard, car, à travers le contrôle de la clé privée, le créancier nanti est libre ou non de restituer les bitcoins reçus ».
L'exclusivité dont jouit le créancier peut aussi faire songer au droit de propriété, surtout si l'on admet l'effet translatif de propriété des transferts de cryptoactifs
V. supra, Chapitre I « L'identification des sûretés concernées », no
.
.
– Attribution par préférence. – La solution est-elle identique (bénéfice du droit de rétention) en cas d'attribution judiciaire ou conventionnelle des bitcoins ? Une réponse négative l'emporte, car en cas d'attribution judiciaire ou d'attribution conventionnelle (pacte commissoire), ce qui est attribué au créancier impayé, c'est la propriété, et non la seule détention des biens affectés en garantie.
Dans l'hypothèse d'une attribution conventionnelle, les textes applicables (C. civ., art. 2348 s'agissant du gage) requièrent une évaluation à dire d'expert ou le recours à une cotation officielle sur un marché organisé. On peut aussi se référer à la notion de système organisé de négociation introduite par la directive MiFID II
PE et Cons. UE, dir. 2014/65/UE, 15 mai 2014.
. Autant de catégories auxquelles les unités de cryptomonnaie n'appartiennent pas. Dès lors, il semble difficile de faire jouer aux plateformes de change d'unités de cryptomonnaie ce rôle de marché. Tout au plus pourrait-on considérer qu'elles rempliraient le role d'un expert dans la mesure où le texte n'exige pas une personne physique pour remplir cette fonction.
Dans l'hypothèse où d'autres nantissements sous forme de gage sans dépossession suivraient le premier nantissement avec dépossession, A devrait transférer à B le surplus de bitcoins qui seraient alors à disposition des créanciers postérieurs à A ou aux autres créanciers sur instruction de B
Sur les différents types de conflits entre créanciers nantis, V. supra, no
.
.
– Dépossession au profit d'un tiers convenu. – Dans cette situation, le débiteur B peut transférer les bitcoins à une des adresses du tiers convenu, ce dernier restituant les bitcoins une fois qu'il a reçu des instructions en ce sens de la part du créancier nanti. Cette méthode ne se distingue pas des techniques traditionnelles (ordre de transfert) et ne tire pas l'entière mesure des possibilités offertes par la technologie blockchain.
Dès lors, il sera plus probablement recouru à la technique des signatures multiples. Les intervenants créeront une adresse qui requiert la signature d'une ou plusieurs personnes pour exécuter la transaction. Dans cet exemple, si l'on nomme Xcrow le tiers convenu, « B enverra des bitcoins à une des adresses de Xcrow, tiers convenu. Cette adresse ne permet les transferts qu'en présence soit des deux signatures de A et B, soit celle de l'un ou l'autre en compagnie de celle de Xcrow »
Exemple proposé par M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., étude 21, spéc. no 24.
.
Si B a rempli son obligation à l'égard de A, les deux signent la transaction et B récupère ses bitcoins. En cas de conflit, le transfert n'aura lieu qu'en la présence de la signature d'Xcrow, qui peut agir comme arbitre s'il est mandaté en ce sens par A et B ou en tant que simple exécutant d'une décision de justice (même s'il a le mérite de réduire à néant les éventuelles manœuvres dilatoires de celui en défaveur duquel le juge a tranché).
Si B n'exécute pas son obligation à l'égard de A, plusieurs options s'offrent à lui. Les prérogatives d'un propriétaire – si le transfert de bitcoins au créancier rend celui-ci propriétaire – peuvent être mises en œuvre, plutôt peut-être qu'un droit de rétention avec les difficultés inhérentes au fait que le créancier gagiste détienne ou non véritablement les bitcoins. La vente en justice semble moins efficace, du fait de sa lenteur et de son coût. L'attribution conventionnelle semble plus satisfaisante et son régime est similaire à celui du nantissement avec dépossession en faveur du créancier nanti.
– Tempérament au caractère satisfaisant l'attribution conventionnelle par pacte commissoire. – Rappelons enfin la nécessité d'une estimation par expert lors de l'attribution au créancier « à défaut de cotation officielle du bien sur un marché organisé au sens du Code monétaire et financier » (C. civ., art. 2348, al. 2)
V. M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. nov. 2018, no 6, étude 19, spéc. no 17.
.
– Exécution forcée. – Les règles encadrant l'exécution forcée paraissent peu adaptées aux cryptomonnaies et jetons, tant que le marché secondaire où ils circulent ne fera pas l'objet d'une organisation officielle.
La réserve de propriété et la restitution
– Exercice du droit de restitution. – Une difficulté, que l'on retrouve dès qu'un actif numérique intervient dans un schéma de sûretés, tient à la volatilité du bitcoin. Il en va ainsi, dans le cadre d'une réserve de propriété, si, entre la réalisation du transfert de bitcoins et le moment où les bitcoins sont rendus à leur propriétaire, leur valeur a augmenté et la dette a été partiellement payée. Dans ce cas, selon l'article 2371 du Code civil, la valeur du bien est imputée à titre de paiement sur le solde de la créance garantie.
Rappelons l'exemple cité au chapitre précédent
Donné par M. Bali, art. préc.
: A vend à B 0,01 bitcoin pour 100 euros. A et B prévoient par écrit électronique une clause de réserve de propriété au bénéfice de A portant sur les bitcoins transférés à B pour garantir le paiement du prix.
Si l'on suppose un paiement différé, A décide de demander la restitution des bitcoins, B n'ayant payé par exemple que 50 €. Si les bitcoins conservent la même valeur, A doit rendre à B 50 €, car la valeur du bien repris (ici 100 €) excède le montant de la dette garantie encore exigible. En cas d'augmentation, A devra restituer 50 €, et en sus tout surplus de valeur. En revanche, si les bitcoins voient leur cours diminuer, B devra payer à A la différence entre le restant de sa dette et le cours du bitcoin au jour de la restitution.
Sans doute le créancier A pourrait-il aussi invoquer l'article 2372 du Code civil qui protège les intérêts du créancier ayant conservé la propriété du bien transmis dans l'hypothèse d'une cession dudit bien par l'acquéreur-débiteur : « Le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur ». Cette protection, fondée sur le mécanisme de la subrogation réelle, perdure même lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure collective (C. com., art. L. 624-18), la jurisprudence admettant d'ailleurs que le propriétaire demande paiement au sous-acquéreur, sans que celui-ci puisse lui opposer les exceptions qu'il pourrait faire valoir contre son propre vendeur
Cass. com., 5 juin 2007 : Bull. civ. 2007, IV, no 152.
.
– Prospective : cryptomonnaies et procédures de distribution, ou comment traiter l'évolution de la valeur de la garantie. – Au moment de la réalisation de la sûreté, la valeur du bitcoin a pu décroître. Comment prévenir ce risque ?
Si les créanciers acceptent de supporter ce risque, il convient de préciser lors de la constitution de la sûreté le nombre de bitcoins à remettre à tel ou tel créancier et à chaque fois que l'on ajoutera un nouveau créancier au pool des créanciers.
Comment l'exécuter techniquement ? Par l'insertion d'un message en ce sens dans la transaction indiquant le nombre de bitcoins « revenant » à chaque créancier
V. M. Bali, La prise de sûreté sur cryptomonnaie, art. préc., étude 21, spéc. no 21.
.
Si, au jour de la réalisation de la sûreté, le nombre de bitcoins est insuffisant pour honorer tous les créanciers, le créancier non désintéressé sera celui qui arrivera après le dernier payé. Cela rend compte de la hiérarchie qui existe entre eux.
Si les créanciers ne supportent pas ce risque de volatilité, alors il faudra envisager des techniques de neutralisation comme le surdimensionnement ou les appels de marge par exemple pour se prémunir contre une chute brutale de la valeur du bitcoin. Le nombre final de bitcoins qui restera entre les mains des créanciers sera calculé au jour de la réalisation de la sûreté par référence à leur cours sur une plateforme déterminée, certainement celle qui offre le taux le plus généreux par souci de protection du débiteur. La mécanique de distribution demeure identique. Dans les deux cas, le rôle d'un tiers convenu n'est pas nécessaire, car une fois une adresse à signatures multiples créée, les bitcoins transférés et les signataires connus, aucun transfert ne peut se faire en faveur d'un des créanciers sans l'accord des autres. On peut éviter les situations de blocage en ayant recours à un tiers départiteur dont la seule signature validera la transaction et la répartition qu'il opère entre les différents créanciers
Ibid.
.
Les conditions de réalisation du droit des entreprises en difficulté
Le droit positif des procédures collectives, dont les enjeux doivent être rappelés
JCl. Procédures collectives, Synthèse 2020, Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires. Sort des créanciers, spéc. nos 41 et 42, par J. Vallansan.
, précédera la présentation des perspectives de réforme.
– Le sort du droit de rétention. – Il a une place privilégiée dans la procédure collective. En premier lieu, le droit de rétention permet au créancier de refuser la restitution de la chose légitimement retenue jusqu'à complet paiement de sa créance. Ainsi le créancier rétenteur peut exiger d'obtenir paiement de sa créance antérieure malgré l'interdiction de principe (C. com., art. L. 622-7, II), dès lors que le juge-commissaire l'aura autorisé au motif que le bien est nécessaire à la poursuite de l'activité. Ce texte ne profite pas au créancier gagiste sans dépossession (C. com., art. L. 622-7, I, al. 2).
En cas de liquidation judiciaire, il résulte de l'article L. 642-20-1, alinéa 2, du Code de commerce que le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire du bien gagé. Cette attribution judiciaire est un droit exceptionnel qui déroge au principe d'égalité des créanciers et au principe de l'interdiction des paiements. Elle ne s'applique pas à l'immeuble hypothéqué
Cass. com., 28 juin 2017, no 16-10.591 : JurisData no 2017-012576 ; Bull. civ. 2017, IV, no 91.
. En matière de cryptoactifs, on pourrait s'inspirer de la conclusion d'un auteur
M. Bourassin, Droit des sûretés, Sirey, 7e éd. 2020, no 1383.
au sujet des nantissements : rejet de l'attribution judiciaire. La solution est toutefois contredite par l'admission en jurisprudence de l'attribution judiciaire en matière de nantissement de compte courant, même si les sommes sont saisies et placées sur un compte spécial
Cass. com., 25 sept. 2019, no 18-16.178.
.
– Le sort du pacte commissoire. – L'ordonnance du 23 mars 2006 a autorisé le pacte commissoire, qui permet au créancier de se faire consentir le droit de s'approprier la chose affectée en garantie en cas de non-paiement à l'échéance.
Son intérêt paraît remarquable s'il est lié à la technique du smart contract et son automaticité
Sur son effectivité, V. infra, nos
et s., Commission 3.
. Toutefois, outre les observations inhérentes au droit des sûretés concernant l'opposabilité aux tiers, vues précédemment
V. supra, nos
et s.
, le caractère collectif du droit des entreprises en difficulté devrait s'opposer à l'automatisation du pacte, la constitution et la mise en œuvre de celui-ci étant interdites par l'article L. 622-7, I du Code de commerce.
– Le sort de la fiducie. – La fiducie fait en principe échapper les biens qui en font l'objet à la procédure collective
M. Bourassin, Droit des sûretés, op. cit., no 1371.
. Son efficacité est assurée par un certain nombre de dispositions. Ainsi le créancier fiduciaire peut-il obtenir le paiement de sa créance autorisé par le juge-commissaire pour éviter le retrait du bien (C. com., art. L. 622-7, II, al. 2). Lorsqu'une convention de mise à disposition des biens a été conclue au profit du constituant (débiteur), la fiducie est paralysée pendant la procédure de sauvegarde ou de redressement. Le débiteur constituant conserve l'usage et la jouissance des biens, la convention de mise à disposition étant soumise au régime des contrats en cours (C. com., art. L. 622-13, VI). Certes, si les biens fiduciés sont des actifs numériques, leurs modalités de détention et de circulation sont à prendre en compte.
Ensuite, aucune cession ou transfert ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d'un tiers du seul fait de l'ouverture de la procédure, de l'arrêté du plan ou d'un défaut de paiement d'une créance antérieure (C. com., art. L. 622-23-1). Une adaptation législative pourrait alors viser le patrimoine fiduciaire constitué d'actifs numériques.
– Perspectives de réforme. – La loi Pacte annonce, à échéance de deux ans à compter de sa publication au Journal officiel (le 23 mai 2019), un bouleversement du droit des entreprises en difficulté comme il n'y en a probablement pas eu depuis la loi du 25 janvier 1985
M. Menjucq, Loi Pacte et procédures collectives. Des ajustements ponctuels dans l'attente du grand bouleversement annoncé ! : Rev. proc. coll. juill. 2019, no 4, dossier 23.
. Ce bouleversement sera réalisé par deux ordonnances, l'une prévue par l'article 196 de la loi Pacte, devant transposer en droit français la directive 2019/1023 du 20 juin 2019 sur les restructurations préventives ; l'autre énoncée par l'article 60 de la loi Pacte, devant porter réforme du droit des sûretés.
La transposition de la directive 2019/1023 va impliquer un rééquilibrage du droit français des entreprises en difficulté au profit des créanciers en renforçant leur rôle dans l'adoption des plans de restructuration et en introduisant des classes de créanciers ainsi qu'un mécanisme (dit cross-class cram down ou dans sa version française « application forcée interclasse ») ayant vocation à permettre de surmonter les blocages venant des classes de créanciers qui, dans l'hypothèse d'une liquidation, n'auraient de toute façon pas vocation à participer aux répartitions (créanciers out of the money).
Ces modifications substantielles du rôle des créanciers entreront en résonance avec l'ordonnance de réforme des sûretés qui, selon la loi Pacte, doit clarifier la hiérarchie entre créanciers et favoriser l'articulation entre droit des sûretés et procédures collectives. Notamment, doivent être précisées les règles du nantissement de créance, de la réserve de propriété et de la fiducie-sûreté.
On soulignera ici que ces deux réformes devraient s'intéresser au sort du droit de rétention et au sort de la fiducie en cas de procédure collective, si l'on part du principe que les cryptoactifs se prêtent au jeu de ces deux garanties, comme vu au chapitre précédent.