– Quelques exemples européens du droit au respect de la vie privée. – Si le droit au respect de la vie privée ne figure pas dans la Constitution française, il en est tout autrement dans d'autres pays frontaliers. Ainsi :
- l'Espagne l'a décliné à travers la notion générique d'intimité et inscrit dans sa Constitution adoptée le 23 décembre 1978, à l'article 18 : « 1. On garantit le droit de chacun à l'honneur, à l'intimité personnelle et familiale et à sa propre image. 2. Le domicile est inviolable. Aucune immixtion ou perquisition ne peut avoir lieu sans le consentement de l'occupant des lieux ou sans une décision judiciaire, sauf en cas de flagrant délit. 3. On garantit à chacun le secret des communications et spécialement des communications postales, télégraphiques et téléphoniques, sauf décision judiciaire. 4. La loi limite l'usage de l'informatique pour préserver l'honneur et l'intimité personnelle et familiale des citoyens et le plein exercice de leurs droits » ;
- la Belgique a intégré ce droit dans sa Constitution du 7 février 1831 en 1994. Elle a ainsi traduit dans son ordre juridique interne l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cette intégration a été principalement motivée par le développement des technologies de l'information et les risques d'ingérence dans le droit de chaque individu à la protection de sa vie privée. Il figure à l'article 22, lequel insiste sur son caractère familial : « Chacun a le droit au respect de sa vie privée familiale, sauf dans les cas et conditions fixées par la loi. (…) » ;
- la Suisse a fait de même en intégrant ce droit à l'article 13 de sa Constitution du 18 avril 1999, en évoquant la « sphère privée » : « 1. Toute personne a droit au respect de la vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. 2. Toute personne a le droit d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent ».
À travers ces exemples, il apparaît que la vie privée noue des liens étroits avec la volonté des pays de vivre dans un environnement sain selon leurs concepts culturels. Il est également certain que l'intimité fait figure d'épicentre. Le fait d'avoir érigé ce droit en droit constitutionnel rend invariable son fondement, contrairement au système français. Le juge constitutionnel espagnol a pu ainsi faire naître un « droit à l'autodétermination informative » :
Laurence Burgorgue-Larsen, (Extrait)
« 1. La stabilité de la base juridique.
La stabilité de la base juridique n'emporte pas une cristallisation définitive du droit à la vie privée et une mise à l'encan de toute marge de manœuvre interprétative du juge. Au contraire, celui-ci qui a été amené à « autonomiser » certains aspects de la vie privée mentionnés à l'article 18 de la Constitution. L'existence de l'article 18 de la Constitution espagnole pourrait laisser penser que c'est le droit générique à la vie privée que le juge constitutionnel a patiemment construit sur la base de ses différentes déclinaisons (§§ 1 à 4). Or, il découle de l'analyse de la jurisprudence que si les aspects de la vie privée mentionnés aux §§ 2 et 3 – respectivement inviolabilité du domicile et secret des communications – découlent du § 1 – droit à l'honneur, à l'intimité personnelle et familiale et à la protection de l'image – il n'en va pas de même pour le § 4. En effet, le Tribunal constitutionnel, s'il confirma que cette disposition permettait la pleine jouissance du § 1 (i.e. du droit à l'intimité et à l'honneur), il releva surtout qu'il consacrait un droit fondamental à part entière « le droit à la liberté face aux agressions potentielles de la dignité et de la liberté des personnes par un usage illégitime du traitement automatisé des données ». La « liberté informatique » était née, ce que d'aucuns appellent encore « le droit à l'autodétermination informative » sur la base de la volonté du juge constitutionnel espagnol (1). Ainsi le juge espagnol autonomisa le § 4 de l'article 18 pour l'ériger en droit fondamental à part entière. La protection de cette « liberté informatique » passe par un ensemble de droits – droit de connaître les fichiers, droit de s'opposer à l'usage des données, droit de rectification… – qui permet à toute personne de conserver la pleine maîtrise des données personnelles la concernant contenues dans des fichiers publics et privés.
(1) Trib. Const. esp., 30 nov. 2000, no 290/2000 et 30 nov. 2000, no 292/2000 : E. Alberti, P. Bon, P. Cambot et J.-L. Requejo Pages, Espagne. Chronique de jurisprudence constitutionnelle : AIJC 2000, p. 638. »