L'interdiction des surfaces commerciales engendrant une artificialisation des sols ou l'application immédiate du ZAN

L'interdiction des surfaces commerciales engendrant une artificialisation des sols ou l'application immédiate du ZAN

– Au contraire des autres projets, le ZAN s'applique immédiatement aux projets commerciaux – et annonce le droit commun à compter de 2050. Ainsi les exigences de sobriété foncière sont-elles directement opposables au projet commercial, sans le filtre des documents d'urbanisme. Pour cela, la loi Climat et Résilience s'appuie sur l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC), dont le champ d'application est fixé par l'article L. 752-1 du Code de commerce, et renforce son rôle dans la lutte contre l'artificialisation des sols.

Conseil

L'expérimentation relative à la délivrance des autorisations d'exploitation commerciale

L'article 97 de la loi dite « 3DS » du 21 février 2022 prévoit une expérimentation, pour une durée de six ans, permettant aux autorités compétentes en matière d'urbanisme de délivrer les autorisations d'exploitation commerciale (AEC) sans recueillir l'accord de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC). Pratiquement, lorsque le projet nécessite une AEC, la demande sera instruite par l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme, laquelle tiendra lieu d'AEC sans consultation de la CDAC.
Peuvent participer à cette expérimentation les collectivités ayant signé une convention d'opération de revitalisation de territoire, mais aussi les métropoles du Grand Paris, d'Aix-Marseille Provence, de Lyon ainsi que les autres métropoles et communautés urbaines.
L'expérimentation suppose que le territoire soit couvert par un SCoT comportant un document d'aménagement artisanal, commercial et logistique et par un PLUi (à moins que l'ensemble des communes soient couvertes par des PLU) ayant déterminé les conditions d'implantation des équipements commerciaux en prenant en compte les critères fixés au I de l'article L. 752-6 du Code de commerce.
Le VI de l'article 97 de la loi dite « 3DS » prévoit une remarquable exception à ce dispositif expérimental : « L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendre une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme ».
– Principe d'interdiction. – La loi Climat et Résilience et le décret no 2022-1312 du 13 octobre 2022 consacrent un principe d'interdiction des projets de création de surface de vente engendrant une artificialisation des sols.
– Surface de vente supérieure ou égale à 10 000 m2. – Le principe est absolu pour les surfaces de plus de 10 000 m² ou les extensions conduisant à dépasser cette surface. Toutefois, afin d'encourager la rénovation des surfaces commerciales existantes et d'éviter leur abandon, une unique extension pouvant aller jusqu'à 1 000 m² est possible.
– Dérogations possibles pour les projets d'une surface de vente inférieure à 10 000 m². – Pour les projets inférieurs à 10 000 m², des dérogations sont admises.
Le porteur de projet doit d'abord démontrer, dans l'analyse d'impact du projet produite à l'appui de la demande d'autorisation, qu'aucune friche existante en centre-ville ou, à défaut, en périphérie, ne permet l'accueil du projet.
Il doit ensuite établir que son projet s'insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d'urbanisation adéquat et qu'il répond aux besoins du territoire.
Le porteur de projet doit enfin convaincre que son projet remplit l'un des quatre critères suivants fixés par l'article L. 752-6, V, du Code de commerce :
  • insertion du projet dans le secteur d'une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la ville ;
  • insertion du projet dans une opération d'aménagement au sein d'un espace déjà urbanisé afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;
  • compensation par la transformation d'un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
  • insertion au sein d'un secteur d'implantation périphérique, d'une centralité urbaine ou d'une zone d'activité commerciale identifiés par un SCoT (ou un PLU avant le 22 août 2021).
L'étude d'impact de la loi indique que « ces critères ont vocation à être examinés selon la méthode du faisceau d'indices », qu'ils « sont donc cumulatifs dans leur examen, mais pas dans leur respect » et qu'« un projet particulièrement exemplaire en matière urbanistique et comprenant une proposition ambitieuse de compensation pourrait ainsi tout à fait être susceptible de bénéficier d'une dérogation hors d'un projet de revitalisation territoriale ».
Pour les projets d'une surface comprise entre 3 000 m² et 10 000 m², la dérogation n'est accordée qu'après avis conforme du préfet.
Saisi d'un projet compris entre 300 m² et 1 000 m² engendrant une artificialisation des sols, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, sur la base de l'article L. 752-4 du Code de commerce, proposer au conseil municipal ou à l'organe délibérant de saisir la CDAC afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du même code. Cette faculté est ouverte dans toutes les communes, y compris celles de plus de 20 000 habitants.
Le critère de superficie retenu est celui de la surface de vente et non celui de l'emprise au sol. Certains commentateurs le regrettent et rappellent à juste titre qu'une extension peut s'effectuer verticalement, sans impact sur l'artificialisation des sols.
– Définition de l'artificialisation pour un projet commercial. – Le deuxième alinéa de l'article R. 752 du Code de commerce énonce que : « Pour l'application du V de l'article L. 752-6, est considéré comme engendrant une artificialisation des sols un projet d'équipement commercial dont la réalisation engendre, sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme, par rapport à l'état de ces mêmes parcelles à la date du 23 août 2021 ».
Il est important de noter que le décret du 13 octobre 2022 n'a pas repris la nomenclature issue du décret no 2022-763 du 29 avril 2022. Ainsi, des espaces identifiés comme étant déjà artificialisés dans la nomenclature ZAN (par ex. sur les surfaces à usage de production secondaire dont les sols sont couverts par une végétation herbacée) pourront être considérés comme non artificialisés dans le cadre d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale. À l'inverse, il est peu probable qu'une surface non artificialisée dans la nomenclature ZAN puisse être considérée comme artificialisée en matière d'AEC. Ceci est conforme au droit commun du ZAN éclairé par le décret du 27 novembre 2023 : la nomenclature n'est pas opposable au projet. Seule l'artificialisation nette est prise en compte puisque seule une augmentation de la superficie des terrains artificialisés par rapport à l'état de ces terrains à la date de promulgation de la loi peut conduire à considérer que le projet engendre une artificialisation. Ainsi, un projet soumis à AEC qui imperméabilise 100 m² d'emprise au sol sur une partie du terrain d'assiette du permis, mais renature 100 m² sur une autre partie n'entre pas dans le champ d'application du V de l'article L. 752-6 du Code de commerce.
– Conditions de la compensation. – À propos de la « compensation par la transformation d'un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme », l'article R. 752-6 du Code de commerce précise que l'objectif est « de restaurer de manière équivalente ou d'améliorer les fonctions écologiques et agronomiques altérées par le projet », que « l'équivalence est appréciée en termes qualitatifs et quantitatifs », que « les gains obtenus par la compensation doivent être au moins égaux aux pertes occasionnées par le projet » et que « les mesures de compensation sont mises en œuvre, en plus de ce qui peut être fait à proximité immédiate du projet, en priorité au sein des zones de renaturation préférentielles lorsque de telles zones sont identifiées en application du I de l'article L. 151-7 du Code de l'urbanisme ou bien du 3° de l'article L. 141-10 du même code et que les mesures s'inscrivent dans les orientations d'aménagement et de programmation ».
– Exclusion des entrepôts de « e-commerce ». – Les entrepôts de « e-commerce » ne sont pas soumis à la procédure de demande d'autorisation commerciale et, partant, échappent aux dispositions de l'article L. 752-6 du Code de commerce. Par conséquent, ils ne sont pas concernés par l'interdiction des projets supérieurs ou égaux à 10 000 m² entraînant une artificialisation des sols. Dans sa décision no 2021-825 DC du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a jugé que le régime de l'aménagement commercial ayant pour but d'assurer « une répartition des surfaces commerciales favorisant un meilleur aménagement du territoire », ne s'appliquait pas aux entrepôts.
– Cinémas. – Le Code du cinéma et de l'image animée ne prévoit pas de principe d'interdiction des projets de création de cinéma engendrant une artificialisation des sols. À tout le moins, il est regrettable qu'en pareil cas l'autorisation de création ne suppose pas la démonstration qu'aucune friche existante en centre-ville ou, à défaut, en périphérie, ne permette l'accueil du projet.
– Commercialité. – Il est très probable que le dispositif de l'article L. 752-6, V du Code de commerce donne naissance à une nouvelle commercialité du type de celle qui existe pour la transformation de logements en bureaux en Île-de-France, portant cette fois sur des terrains artificialisés à transformer en terrains non artificialisés.
– Fin de l'expansion des zones commerciales. – Au-delà du caractère très technique des dispositions de l'article L. 752-6, V du Code de commerce, l'objectif ne souffre aucune ambiguïté : ce n'est qu'en dernier recours et à titre exceptionnel qu'une surface commerciale pourra s'implanter sur un sol non artificialisé. Sur ce point, la loi Climat et Résilience semble bien marquer un coup d'arrêt à une expansion continue de près de cinquante ans.