Les limites du certificat d'urbanisme

Les limites du certificat d'urbanisme

– La fausse bonne idée du certificat d'urbanisme tacite. – L'ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 a introduit la notion de certificat d'urbanisme tacite : à défaut de notification d'un certificat d'urbanisme dans le délai réglementaire, le silence gardé par l'autorité compétente sur la demande de certificat vaut délivrance d'un certificat d'urbanisme tacite.
Par définition, le certificat de ce type ne donne aucune information. Ce point a été critiqué, à juste titre, puisque le certificat tacite perd alors la fonction première du document : éclairer le futur pétitionnaire . Ensuite, et la loi est explicite à ce propos : le certificat tacite ne peut valoir certificat opérationnel . Dit autrement : l'absence de réponse à une demande de certificat d'urbanisme opérationnel dans le délai d'instruction n'est pas de nature à voir reconna ître au profit du demandeur la délivrance d'un certificat positif tacite, comme le pensent nombre d'administrés.
Tout au plus, le certificat d'urbanisme tacite a-t-il pour effet de stabiliser les dispositions d'urbanisme applicables à la date limite de son délai d'instruction. Mais cette cristallisation a quelque chose de bien évanescent. Car opposer des dispositions tacites n'est pas aisé à appréhender.
– Le transfert de l'information sur des cabinets privés. – Là où le bât blesse, c'est que le certificat d'urbanisme tacite vient justifier l'absence de diligences en réponse. En raison de ce certificat, nombre d'administrations ne délivrent plus de certificat d'urbanisme, soit en considérant que la fonction de cristallisation est suffisante pour un terrain, soit en considérant qu'il est inutile (vente d'un appartement en copropriété, par exemple). D'ailleurs, certaines collectivités assument ce silence, et répondent aux notaires que les demandes de certificat ne sont plus traitées.
La fonction première du certificat d'urbanisme, qui est de donner une information pertinente, est donc totalement bafouée. Aussi a-t-on pu se demander, dans cette hypothèse, s'il ne faudrait pas, lorsque cela est pertinent, introduire un référé « mesures utiles » pour obtenir la délivrance dudit certificat .
à notre époque, avec le développement de l'informatique, des bases de données et même de l'intelligence artificielle, on peine à comprendre la difficulté à délivrer un document exhaustif, sans surcharge des administrations. Dans le cas de la délivrance d'un certificat d'urbanisme tacite, que doit faire le notaire ? Quelle doit être l'étendue de son devoir de conseil à l'égard des clients et notamment de l'acquéreur ?
Le notaire peut-il se contenter de compléter son certificat tacite par la confection d'une fiche relative à la parcelle vendue avec le « Géoportail de l'urbanisme » ? Non, bien sûr. Raison pour laquelle se sont développées des pratiques régionales de recours à des cabinets privés dits « d'urbanisme » qui établissent, moyennant un certain coût, des « certificats d'urbanisme ». Ces documents, s'ils fournissent une information sur l'environnement juridique de la parcelle, sous la responsabilité du cabinet en question, ne créent aucun effet cristallisateur. Aussi, il peut être astucieux de demander les deux.
– La cristallisation se réduit aux règles d'urbanisme. – La question s'était posée de savoir si un certificat d'urbanisme délivré à une date antérieure à l'entrée en vigueur du règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation, en application de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, permettait d'échapper à cette autorisation si la demande de permis était déposée durant la période de validité du certificat d'urbanisme. Ces règles n'étant pas des règles d'urbanisme, c'est naturellement qu'il a été conclu qu'elles ne pouvaient perdurer durant la période de validité du certificat d'urbanisme .
– La limite du certificat d'urbanisme en cas de sursis à statuer. – La mention dans un certificat d'urbanisme de la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer ultérieur anéantit la stabilité promise et l'effet cristallisateur. Dans cette hypothèse, le certificat d'urbanisme doit, conformément au cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme (issu de la loi ELAN), expressément mentionner cette possibilité et le motif justifiant un tel sursis. En outre, cette situation peut avoir pour effet de faire échec à la faculté de se prévaloir de règles d'urbanisme anciennes.
La loi ELAN a tenté de limiter la possibilité pour l'autorité compétente de mentionner un sursis à statuer « en blanc », en imposant une motivation circonstanciée du sursis à statuer susceptible d'être opposé à une demande d'urbanisme. En outre, depuis la loi no 2017-86 du 27 janvier 2017, dite « loi égalité et Citoyenneté », la faculté de surseoir à statuer n'est ouverte à l'autorité compétente qu'à partir du moment où le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) a eu lieu . Il n'est donc plus possible de prendre une décision de sursis à statuer à compter de la délibération prescrivant l'élaboration ou la révision du PLU, tant que le débat sur les orientations générales du PADD n'est pas intervenu.
Les modifications apportées par la loi ELAN posent la question du maintien de la jurisprudence antérieure. En effet, selon celle-ci, l'omission dans le certificat d'urbanisme de la possibilité du sursis à statuer ne privait pas l'administration de la faculté d'opposer à une demande d'autorisation d'urbanisme ledit sursis à statuer . Une telle omission constituait seulement un motif d'illégalité dudit certificat, pouvant entra îner la mise en jeu de la responsabilité de l'administration. Plus encore, dans cette hypothèse, l'effet de cristallisation se trouvait écarté. En effet, nonobstant la délivrance d'un certificat d'urbanisme vierge de mention, si un sursis à statuer était opposé à la demande de permis de construire, l'autorité compétente pour statuer sur la demande était fondée à faire application du nouveau plan local d'urbanisme si, à l'expiration du délai de sursis à statuer, ce nouveau plan était entré en vigueur .
Encore faut-il que le sursis à statuer soit légitime. Celui-ci ne peut être opposé que si, compte tenu de l'état d'avancement du PLU, les constructions ou opérations seraient de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. Ce sursis ne s'applique pas à l'hypothèse de simple modification . Le tout, sauf application du nouveau sursis à statuer institué par la loi « ZAN » du 20 juillet 2023, au regard de l'objectif de réduction de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers.
– La survenance de règles de sécurité et salubrité postérieures. – Dernière limite au certificat d'urbanisme : les règles apparues postérieurement à la délivrance du certificat d'urbanisme peuvent trouver à s'appliquer si elles sont relatives à la sécurité ou à la salubrité publiques, et ce, qu'il s'agisse de dispositions d'urbanisme ou de limitations administratives au droit de propriété.
C'est tout l'enjeu aujourd'hui de la survenance, postérieure à la délivrance d'un certificat d'urbanisme, voire d'une autorisation d'urbanisme, d'un plan de prévention de risques incendie, par exemple. Une telle modification portera atteinte à l'effet cristallisateur du certificat d'urbanisme.
– Comment renforcer le certificat d'urbanisme ? – Le certificat d'urbanisme a été créé pour vendre de la sécurité . Pourtant, il a été régulièrement « déshabillé », pour en garantir de moins en moins – et le certificat tacite a sans doute été son fossoyeur. Son utilité demeure toutefois, notamment dans un contexte où la délivrance des autorisations d'urbanisme est objectivement plus difficile.
Aussi l'on peut rêver à des évolutions :
  • La durée de validité du certificat d'urbanisme pourrait être portée à vingt-quatre mois, voire être alignée sur la durée de validité des autorisations d'urbanisme. Ainsi, un permis de construire est valable trois ans. On peut aussi rappeler que dans le périmètre d'un lotissement, les règles d'urbanisme sont cristallisées pendant cinq ans et que c'est un temps long nécessaire à la délivrance des autorisations d'urbanisme. Cette augmentation de la durée de validité du certificat d'urbanisme devrait aussi pouvoir produire des effets pour la délivrance d'un permis modificatif. En effet, dans l'hypothèse de la délivrance d'une autorisation d'urbanisme dans la période de validité d'un certificat d'urbanisme, on pourrait se demander s'il ne faudrait pas étendre ses effets cristallisateurs à la délivrance d'un permis modificatif s'il est nécessaire, sans même l'encadrer dans ce cas dans une durée de validité, de façon à lui permettre de mener l'ouvrage à son terme et d'obtenir la non-opposition à conformité.
  • On pourrait étoffer la qualité des informations données. Notamment, on ne devrait pas attendre la demande de permis de construire pour s'assurer complètement de la constructibilité d'un terrain. Il faudrait aussi délivrer des informations plus exploitables. Le certificat d'urbanisme se contente de lister les servitudes d'utilité publique, sans donner les informations qui permettraient au bénéficiaire du certificat de mesurer l'impact de la contrainte. C'est désormais un catalogue de données techniques qu'il est difficile d'expliquer aux clients : par exemple, quelles sont les conséquences d'un périmètre d'exposition au bruit ? Le certificat d'urbanisme mentionne désormais des informations qui ne tiennent plus seulement aux règles d'urbanisme. Dans un souci d'efficacité, ne devrait-on pas étendre les informations à celles du ressort du Code de la construction et de l'habitation, par exemple ? Mentionner un arrêté de péril ? L'information serait ainsi plus complète pour le bénéficiaire.
  • Restaurer un certificat d'urbanisme exprès, ou pénaliser les collectivités qui ne délivrent plus de certificat exprès. Par exemple, il pourrait être convenu que s'il y a eu délivrance d'un certificat d'urbanisme tacite, l'autorité compétente soit obligée de délivrer, si on lui fait la demande, une autorisation d'urbanisme exprès dans un délai plus court que le délai normal.