Les enjeux et stratégies de la réindustrialisation

Les enjeux et stratégies de la réindustrialisation

– Un enjeu économique : redresser la part de l'industrie dans le produit intérieur brut français. – La balance commerciale a été déficitaire de 163,6 milliards d'euros en 2022 alors qu'elle était encore à l'équilibre au début des années 2000. D'après les projections d'une étude intitulée « La renaissance industrielle en France à l'horizon 2030 », les actions publiques et privées en faveur de la réindustrialisation permettraient de redresser de 10 % à 12 % la part de l'industrie dans le produit intérieur brut français et de réduire de 12 milliards d'euros le déficit commercial.
– Un enjeu social : mettre fin au déclin des emplois industriels. – Entre 1974 et 2020, le nombre d'employés dans l'industrie est passé de 5,4 millions à 2,9 millions. Seul un Français sur dix travaille aujourd'hui dans l'industrie, contre un sur quatre il y a quarante ans. Les causes sont multiples : gains de productivité, décroissance de la demande de biens industriels, externalisation des emplois industriels vers les entreprises de services (conseil, comptabilité, entretien, maintenance…). Paradoxalement, 70 000 postes industriels sont aujourd'hui vacants, faute de compétences disponibles. D'après les projections de l'étude précitée, 430 000 emplois pourraient être créés grâce à la réindustrialisation.
– Un enjeu de souveraineté. – Les pénuries de produits sanitaires et la dépendance à l'égard de la Chine pendant la pandémie de Covid-19 ont remis les questions de souveraineté au cœur des débats. C'est une priorité pour le gouvernement, qui communique en confiance : « Le gouvernement s'est doté d'une approche ciblée pour soutenir les secteurs clés pour notre autonomie stratégique et permettre à notre industrie de se transformer. Faisant figure de première étape clé, le plan France Relance lancé en 2020 a permis de développer nos filières stratégiques et de réduire nos chaînes de dépendance » .
– Un enjeu environnemental : réindustrialiser permet de décarboner. – « Un effort de réindustrialisation serait à la fois bénéfique d'un point de vue économique et climatique, dès lors que l'on retient le critère de l'empreinte carbone comme mesure pertinente des impacts en termes de contributions au changement climatique ». L'empreinte carbone (aussi dénommée « approche empreinte ») est une déclinaison de l'empreinte écologique, centrée sur un indicateur précis : celui des émissions et absorptions de gaz à effet de serre induites par la consommation en France de produits fabriqués dans notre pays et par la consommation en France de produits fabriqués à l'étranger.
L'empreinte carbone est majorée par la déconnexion entre les lieux d'extraction, de production et de consommation. En premier lieu : par les distances parcourues par les matières premières de leur site d'extraction jusqu'au site de production, puis par les kilomètres, parfois des milliers, que font les produits manufacturés en vue d'être consommés. En second lieu : par les différences de contraintes environnementales entre certains pays exportateurs et la France. Près de la moitié des émissions liées à la consommation d'un Français sont ainsi émises ailleurs qu'en France. Depuis 1995, l'empreinte carbone de la France a diminué de 9 % et ses émissions intérieures ont baissé de 27 %. Cependant, les émissions associées aux importations ont augmenté de 20 %. L'opérateur public du réseau d'électricité, RTE, dans ses études intitulées « Futurs énergétiques 2050 » de 2021 et de 2023, estime que si tous les biens manufacturés importés étaient produits en France, l'empreinte carbone diminuerait de 75 millions de tonnes de CO2 et qu'une réindustrialisation massive permettrait d'éviter l'émission de 900 millions de tonnes de CO2.
– La réindustrialisation, une priorité politique. – Conscient des enjeux, le gouvernement se mobilise.
Le 22 novembre 2018 est lancé le programme « Territoires d'industrie » conçu comme un outil stratégique de reconquête industrielle qui cible en premier plan les territoires.
En 2020, le plan France Relance est adopté. Son objectif est d'accélérer les transformations écologique, industrielle et sociale du pays. Le défi consiste à relocaliser et à développer les capacités de production notamment dans les secteurs critiques tout en décarbonant l'industrie. Le plan France Relance prévoit des mesures concrètes déclinées en trois volets : écologie et transition énergétique, compétitivité des entreprises et cohésion des territoires.
En 2021, le gouvernement présente le plan France 2030 : il s'agit d'un programme ambitieux doté de 54 milliards d'euros pour rattraper le retard dans certains secteurs historiques, notamment en créant de nouvelles filières industrielles et technologiques. Il se décline en dix objectifs articulés autour de trois enjeux : « mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre notre monde ».
Le 11 mai 2023, le président Emmanuel Macron annonce le plan Industrie verte, dont l'objectif est d'accélérer la réindustrialisation et de faire de la France le leader de l'industrie verte. Le chef de l'État rappelle à cette occasion que la réindustrialisation constitue un élément de souveraineté, une clé pour le climat et la biodiversité et un moyen de permettre la cohésion du pays.
– Des premiers résultats encourageants. – La stratégie gouvernementale semble porter ses fruits. Des centaines d'usines ont vu le jour et des dizaines de milliers d'emplois industriels ont été créés. Pour la quatrième année consécutive, la France est le pays le plus attractif en termes d'investissements. Mais l'ampleur du défi demeure gigantesque. Il est d'autant plus ambitieux qu'il doit concilier des objectifs pouvant être perçus comme contradictoires. Est-il réellement possible de relocaliser l'industrie sans artificialiser les sols ?