Le score environnemental de l'immeuble

Le score environnemental de l'immeuble

– La « valeur verte ». – La « valeur verte » est le supplément de valeur d'un bien immobilier, qui présente des caractéristiques environnementales et énergétiques performantes comparé à un autre bien, moins performant, mais comparable pour ce qui est des autres aspects . La pression réglementaire (RE 2020 pour la construction neuve ; chasse aux « passoires thermiques » sur le marché locatif ; dispositif éco-énergie-Tertiaire pour la réduction de consommation des bâtiments tertiaires), conjuguée à la hausse du coût de l'énergie, contribue nécessairement à augmenter cette « valeur verte ». Si l'investisseur privilégie les biens à plus haute valeur environnementale, le prix de marché des actifs « verts » augmente nécessairement, par le jeu de l'offre et de la demande, au détriment des actifs « bruns ».
Cette valeur verte est généralement corrélée avec une externalité positive pour la collectivité. Ainsi, en 2022, 602 000 logements ont engagé des travaux de rénovation subventionnés par MaPrimeRénov' « classique ». Les gains espérés par ces travaux – sauf « l'effet rebond » des consommations – sont une économie de consommation de 3,7 TWh par an – un dixième de la production électrique de tout le parc éolien français . On a ici, tout à la fois, une plus-value pour le propriétaire (en raison de la meilleure isolation), et une externalité positive pour la société (la moindre sollicitation du réseau électrique). La plus-value potentielle est une motivation suffisante pour le propriétaire à augmenter la « valeur verte » de son bien ; sans qu'il soit nécessaire, pour l'inciter au changement, de subventionner en sus l'externalité positive.
Mais pour nombre de biens, il n'y a pas de « valeur verte » observable sur le marché : certaines choses ont certes de la valeur, mais elles sont hors commerce, et n'ont donc tout simplement pas de prix . Les économistes se sont néanmoins ingéniés à calculer la valeur de ces choses sans prix. Par exemple, pour les champignons dans la nature, la décision d'aller les cueillir en forêt est corrélée au temps de trajet et au coût de ce trajet, ce qui permet de calculer indirectement la valeur économique des champignons, en fonction de l'aire géographique des amateurs de leur cueillette . Même chose pour l'agrément d'une zone naturelle : il est possible de calculer le prix que les randonneurs seraient prêts à payer pour l'accès à la zone, si celle-ci cessait d'être gratuitement ouverte au public, et d'en déduire une valeur par capitalisation .
Et, de la même manière, l'économie est capable de calculer l'externalité positive procurée gratuitement aux voisins, et que rien ne vient compenser. Un notaire sait bien qu'un appartement avec vue sur la mer a une valeur supérieure à celle du même appartement, mais côté rue. Cette plus-value n'est rien d'autre que la valeur économique de la vue sur la mer. Sur la base de la même méthode – dite des « prix hédoniques » –, l'économie est capable de calculer, par exemple, le prix de l'air pur en ville (en comparant les prix au mètre carré de biens similaires, en fonction de la différence de pollution de l'air aux différents endroits considérés) . Et, tout aussi bien, il est possible de calculer la plus-value créée chez les voisins, par le beau jardin que l'on entretient sur sa propriété, sans recevoir aucune compensation de leur part.
– Un bonus-malus écologique pour les immeubles ? – Dans l'exemple précédent du beau jardin, il est évidemment impensable que le propriétaire puisse exiger de ses voisins qu'ils lui paient la plus-value qu'il leur procure. Et si lui-même ne retire pas une plus-value de l'affectation qu'il donne à son bien, l'incitation à un comportement écologique est économiquement inexistante.
Aussi, mais on est alors ici dans le pur droit prospectif, pourrait-on songer à adapter le système du bonus-malus écologique qui existe lors de l'achat d'un véhicule neuf. Et l'on pourrait ainsi songer à des mécanismes similaires pour les perceptions fiscales immobilières, comme la taxe foncière ou les droits de mutation à titre onéreux ou à titre gratuit. Bien sûr, sur le plan constitutionnel, il existe un principe d'égalité devant l'impôt : d'une part, le principe d'égalité devant la loi fiscale (DDHC 1789, art. 6) et, d'autre part, le principe d'égalité devant les charges publiques (DDHC 1789, art. 13). Mais, selon le Conseil constitutionnel, le principe d'égalité devant la loi fiscale ne fait pas obstacle à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit . Sans compter que, au titre de la Charte de l'environnement, est tout aussi constitutionnel « le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».
Pour qu'un tel système soit perçu comme juste, encore faudrait-il que le système de notation soit aisément compréhensible et que les critères soient pertinents – sur le modèle de l'Urba-Score mentionné précédemment, mais en plus développé. La seule chose certaine est qu'il ne pourrait s'agir de formules mathématiques absconses, à l'instar du diagnostic de performance énergétique. Sur le principe, en tout cas, une proposition de loi souhaite l'établissement d'un diagnostic de performance écologique pour les immeubles à usage agricole, ainsi que pour les bois et forêts .

Les arbres et leur protection

On pourrait ainsi imaginer, à l'occasion d'une vente, un barème pour valoriser les arbres présents
sur une propriété – ce qui supposerait évidemment leur désignation dans l'acte

. Et, à partir de là, il pourrait être envisagé, moyennant un engagement de conservation par
l'acquéreur, de déduire la valeur desdits arbres de l'application des droits d'enregistrement, comme
nous le faisons déjà pour le mobilier vendu avec l'immeuble. Cette proposition a d'autant plus de
sens que les arbres ne bénéficient pas de protection en droit privé, alors qu'ils sont fondamentaux
pour l'équilibre écologique

.

Dans le Code civil, les arbres ne sont en effet envisagés que par le biais des règles de distance
de plantation, et donc seulement sous l'angle de rapports de bon voisinage. L'ensemble de ces
articles datent de Napoléon. « Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être
plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune
distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. Si le mur n'est pas mitoyen, le
propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers » (C. civ., art. 671). « Le voisin peut
exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance
légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il
n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire » (C. civ., art. 672). «
Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin
peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui
appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le
droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. Le droit de couper les racines,
ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est
imprescriptible » (C. civ., art. 673).

En 2014, le Conseil constitutionnel fut saisi de la question de constitutionnalité desdits
articles 671 et 672 du Code civil, au regard de la Charte de l'environnement. Celui-ci a alors jugé
que l'arrachage de végétaux est « insusceptible d'avoir des conséquences sur l'environnement »

. L'axiome sur lequel repose le raisonnement est néanmoins discutable. En effet, l'abattage d'un
arbre est souvent la première étape vers l'artificialisation du sol

.

Il semble important d'organiser la protection des arbres – hors forêts – sur les propriétés
privées, et de reconsidérer les principes du Code civil sur l'élagage. Ainsi, en 2023, dans une
décision remarquée, le tribunal judiciaire de Nantes a débouté des voisins réclamant l'abattage d'un
magnolia pour préjudice d'ensoleillement, en invoquant l'irrespect des règles de distance du Code
civil. Le tribunal se fonde sur l'article 2 de la Charte de l'environnement. Il considère que le
magnolia « apporte un bénéfice à la collectivité par les bienfaits environnementaux (...) ; [sa
coupe] à hauteur de 2 mètres [étant] de nature à causer un préjudice écologique au sens de l'article
1247 du Code civil ».

Du point de vue de l'urbanisme, les arbres sont protégés s'ils sont identifiés et recensés. Ainsi,
le règlement d'urbanisme peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites
et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique

. En outre, les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés les bois, forêts,
parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non,
attenant ou non à des habitations. Or, ce classement peut s'appliquer à des arbres isolés, des haies
ou réseaux de haies ou des plantations d'alignement

. Ce classement interdit alors tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de
nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements

.

Signe des temps, la jurisprudence judiciaire est désormais à faire prévaloir les protections
d'urbanisme sur les règles de droit commun. Spécialement, la jurisprudence de la Cour de cassation a
évolué, dans une espèce concernant un marronnier à Poitiers, vieux de cent cinquante ans

. Le voisin se plaignait des feuilles à l'automne, ainsi que de la ramure imposante débordant sur sa
propriété. Ledit voisin engage donc une action sur le fondement de l'article 673 du Code civil et du
trouble anormal de voisinage. Le propriétaire de l'arbre lui oppose que les arbres répertoriés au
règlement du plan local d'urbanisme ne peuvent être supprimés, en principe. La Cour de cassation
fait alors primer l'article L. 151-23 du Code de l'urbanisme (la protection de l'arbre par le
règlement du plan local d'urbanisme), sans retenir les dispositions de l'article 673 du Code civil
(le droit imprescriptible à faire couper les branches des arbres qui dépassent).

Pour autant, la faveur prétorienne pour les arbres est toute relative, et la jurisprudence
administrative a une interprétation compréhensive des dispositions d'urbanisme en conflit avec
celles du droit de l'environnement. Ainsi, le Conseil d'état décide qu'une autorisation d'urbanisme
vaut dérogation à l'interdiction, prévue au Code de l'environnement, d'abattre ou de porter atteinte
à des arbres qui composent une allée ou un alignement d'arbres le long d'une voie de communication

. Le juge doit alors vérifier que la dérogation est nécessaire à la réalisation du projet et que les
mesures compensatoires sont appropriées et suffisantes – mais il n'est pas nécessaire de différer
l'autorisation d'urbanisme dans l'attente de la dérogation environnementale, même lorsque l'autorité
compétente à cet égard n'est pas celle qui délivre le permis

.

On constate en tout cas une tendance à l'évolution, par bricolage prétorien des textes existants.
Il serait certainement judicieux que le législateur se saisisse de la question, afin de reconsidérer
la matière et d'apporter des solutions claires et en phase avec les enjeux environnementaux à venir

.