Le score environnemental de l'immeuble
Le score environnemental de l'immeuble
Les arbres et leur protection
On pourrait ainsi imaginer, à l'occasion d'une vente, un barème pour valoriser les arbres présents
sur une propriété – ce qui supposerait évidemment leur désignation dans l'acte
. Et, à partir de là, il pourrait être envisagé, moyennant un engagement de conservation par
l'acquéreur, de déduire la valeur desdits arbres de l'application des droits d'enregistrement, comme
nous le faisons déjà pour le mobilier vendu avec l'immeuble. Cette proposition a d'autant plus de
sens que les arbres ne bénéficient pas de protection en droit privé, alors qu'ils sont fondamentaux
pour l'équilibre écologique
.
Dans le Code civil, les arbres ne sont en effet envisagés que par le biais des règles de distance
de plantation, et donc seulement sous l'angle de rapports de bon voisinage. L'ensemble de ces
articles datent de Napoléon. « Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être
plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune
distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. Si le mur n'est pas mitoyen, le
propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers » (C. civ., art. 671). « Le voisin peut
exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance
légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il
n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire » (C. civ., art. 672). «
Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin
peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui
appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le
droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. Le droit de couper les racines,
ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est
imprescriptible » (C. civ., art. 673).
En 2014, le Conseil constitutionnel fut saisi de la question de constitutionnalité desdits
articles 671 et 672 du Code civil, au regard de la Charte de l'environnement. Celui-ci a alors jugé
que l'arrachage de végétaux est « insusceptible d'avoir des conséquences sur l'environnement »
. L'axiome sur lequel repose le raisonnement est néanmoins discutable. En effet, l'abattage d'un
arbre est souvent la première étape vers l'artificialisation du sol
.
Il semble important d'organiser la protection des arbres – hors forêts – sur les propriétés
privées, et de reconsidérer les principes du Code civil sur l'élagage. Ainsi, en 2023, dans une
décision remarquée, le tribunal judiciaire de Nantes a débouté des voisins réclamant l'abattage d'un
magnolia pour préjudice d'ensoleillement, en invoquant l'irrespect des règles de distance du Code
civil. Le tribunal se fonde sur l'article 2 de la Charte de l'environnement. Il considère que le
magnolia « apporte un bénéfice à la collectivité par les bienfaits environnementaux (...) ; [sa
coupe] à hauteur de 2 mètres [étant] de nature à causer un préjudice écologique au sens de l'article
1247 du Code civil ».
Du point de vue de l'urbanisme, les arbres sont protégés s'ils sont identifiés et recensés. Ainsi,
le règlement d'urbanisme peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites
et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique
. En outre, les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés les bois, forêts,
parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non,
attenant ou non à des habitations. Or, ce classement peut s'appliquer à des arbres isolés, des haies
ou réseaux de haies ou des plantations d'alignement
. Ce classement interdit alors tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de
nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements
.
Signe des temps, la jurisprudence judiciaire est désormais à faire prévaloir les protections
d'urbanisme sur les règles de droit commun. Spécialement, la jurisprudence de la Cour de cassation a
évolué, dans une espèce concernant un marronnier à Poitiers, vieux de cent cinquante ans
. Le voisin se plaignait des feuilles à l'automne, ainsi que de la ramure imposante débordant sur sa
propriété. Ledit voisin engage donc une action sur le fondement de l'article 673 du Code civil et du
trouble anormal de voisinage. Le propriétaire de l'arbre lui oppose que les arbres répertoriés au
règlement du plan local d'urbanisme ne peuvent être supprimés, en principe. La Cour de cassation
fait alors primer l'article L. 151-23 du Code de l'urbanisme (la protection de l'arbre par le
règlement du plan local d'urbanisme), sans retenir les dispositions de l'article 673 du Code civil
(le droit imprescriptible à faire couper les branches des arbres qui dépassent).
Pour autant, la faveur prétorienne pour les arbres est toute relative, et la jurisprudence
administrative a une interprétation compréhensive des dispositions d'urbanisme en conflit avec
celles du droit de l'environnement. Ainsi, le Conseil d'état décide qu'une autorisation d'urbanisme
vaut dérogation à l'interdiction, prévue au Code de l'environnement, d'abattre ou de porter atteinte
à des arbres qui composent une allée ou un alignement d'arbres le long d'une voie de communication
. Le juge doit alors vérifier que la dérogation est nécessaire à la réalisation du projet et que les
mesures compensatoires sont appropriées et suffisantes – mais il n'est pas nécessaire de différer
l'autorisation d'urbanisme dans l'attente de la dérogation environnementale, même lorsque l'autorité
compétente à cet égard n'est pas celle qui délivre le permis
.
On constate en tout cas une tendance à l'évolution, par bricolage prétorien des textes existants.
Il serait certainement judicieux que le législateur se saisisse de la question, afin de reconsidérer
la matière et d'apporter des solutions claires et en phase avec les enjeux environnementaux à venir
.